mardi 16 juin 2020

Tout est UN


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Voici un passage de l'introduction  de ce livre essentiel (1):


Le sens de l'Un et du sacré

"La diffusion d'un texte comme celui-ci témoigne que les temps ont changé : le temps du secret initiatique, quand les versets des Upanishad n'étaient prononcés que dans l'intimité du rapport de Guru à disciple, ce temps a cédé la place : l'heure est à la révélation. En Grec, "révélation" se dit apocalupsis, en français "apocalypse"... Ce mot n'a pris le sens de "catastrophe finale" qu'au XXe siècle, mais son symbolisme biblique, notamment celui de la "Bête", grand principe d'illusion et de blasphème, est troublant. Pour les hindous aussi, l'"ère des révélations" marque la fin du cycle. Selon la tradition, nous vivons au coeur du Kali Yuga, temps de "dilution", temps où se perd le sens du sacré, dont F.Schuon disait qu'il est, avec le sens du céleste, "la mesure de la valeur humaine". 
En ces temps troublés, une telle "divulgation" n'est pas sans risques : les doctrines de l'Unité comme l'advaïta vedânta peuvent parfois être mal comprises, par excès de simplification. Adeptes d'une voie directe, dépouillée, énonçant  sans ambiguïté les ultimes vérités métaphysiques les "advaïtins" n'en demeurent pas moins soumis  à une hiérarchie et à des règles strictes, indispensables pour la réalisation de l'Un. Les défauts d'humilité et de maturité spirituelle conduisent parfois l'égo à se prendre pour le Soi, au lieu de s'effacer : certains adeptes ont tôt fait de se croire "élus", sûrs de l'imminence de leur "réalisation", persuadés qu'il suffit d'avoir entendu parler de la Vérité, d'avoir "compris" son énonciation pour qu'elle soit réalisée... Ces temps de confusion sont propices pour la floraison de l'orgueil spirituel et des "gourous de pacotille... Pierre Feuga écrit justement :
"On n'est pas non-dualiste parce qu'on écrit pédantesquement l'équation âtman = brahman ou parce qu'on a lu Shankarâchârya, Tchouan-tseu, Ibn Arabi et Mâitre Eckhart. La doctrine la plus ésotérique et la plus simple du monde, cachée intimement au coeur de toutes les traditions, ne se laisse pas apprivoiser par des mots et des thèses universitaires. Tous les gens au fond sont dualistes, dont quelques-uns ont entendu parler de la non-dualité ou en écrivent. Mais qui la vit ? Qui, dans l'intensité du désir ou de l'amour, sait assez bien se quitter pour être l'autre ? qui distingue si peu le mien du tien qu'il ne sait même pas qu'il donne quand il donne, qu'il reçoit quand il reçoit ? Et qui, voyant la Mort, saura s'y reconnaître ? 
Autre écueil possible : il n'est pas rare d'entendre parler de "spiritualité athée", notamment à propos du Bouddhisme ou de l'advaïta vedânta , ce qui est un non sens, une vaine tentative de couper ces traditions spirituelles millénaires de toutes transcendance. Car "l'athéisme" dont il est question ne se contente pas de nier la réalité d'un Dieu personnel, il refuse aussi d'admettre un Principe transcendant. Cela revient à nier toute spiritualité : dans ce contexte, la profondeur de l'être ne peut dépasser la dimension psychologique. Dans une société aussi appliquée à tout aplatir, à tout désacraliser, "Tout est Un" devient " Tout est pareil", et ce n'est pas l'unité qui est recherchée, mais l'uniformité."

RC ( Robert Caputo, traducteur)

(1) Texte tamoul anonyme du XIXème siècle traitant de l'essence de l'Advaïta vedânta


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3 commentaires:

j-p gepetto a dit…

J'ai suivi quelques séminaires avec Swami Atmananda, et il est rigoureux et clair sur ce sujet, pour que nous voyions les pièges de la voie...
Merci Corinne.
JP Gepetto

Anonyme a dit…

Merci Corinne
Karl

Niv's a dit…

Bonjour, Ce petit texte est une merveille, un joyau, une pépite. L'ayant trouvé en texte intégral sur internet mais avec des fautes, je l'ai corrigé et voici ce que ça donne : https://drive.google.com/file/d/14w6pk011htIl72Yh7YjGmOu0vIQmIjqX/view?usp=sharing
Enjoy!