mardi 16 février 2016

Développement personnel / Matthieu RICARD


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"De nos jours, on parle de plus en plus de « développement personnel », une expression que l’on met à toutes les sauces et qui est devenu une sorte de fourre-tout dans lequel on range indistinctement des recettes en sept points pour devenir séduisant et heureux en une semaine, et des écrits qui visent à éclairer notre lanterne pour nous permettre de devenir de meilleurs êtres humains — écrits fondés sur des méthodes ancrées non pas dans la fantaisie du moment mais dans des traditions de sagesse qui ont été pratiquées pendant des millénaires par des personnes qui y consacraient une bonne partie de leur existence.
Quand on parle aujourd’hui de développement personnel, il s’agit trop souvent de suggérer des changements cosmétiques qui visent davantage à pomponner notre narcissisme qu’à éradiquer nos défauts et à dissiper les brumes de notre confusion mentale.
La transformation de soi-même, telle que l’ont conçue les sagesses du monde, qu’elles soient d’origine religieuses, spirituelles, ou humanistes, n’a pas pour but de flatter l’ego ou de lui apprendre à mieux réaliser ses caprices, mais de nous aider à devenir graduellement un meilleur être humain à la sueur de notre front. Cette affirmation peut paraître pompeuse, mais en vérité le but de la transformation personnelle est bien d’éradiquer l’animosité, l’attachement obsessionnel, le manque de discernement, l’arrogance, la jalousie et autres toxines mentales qui perturbent notre existence et celle des autres. Ce n’est pas une mince affaire.
Ce n’est donc ni une entreprise à court terme, ni une approche égocentrée, ni une dérobade qui nous apprenne à apprécier nos défauts pour s’épargner l’effort d’y remédier.
Plus que tout, il faut se demander quel sera le bénéficiaire de ce « développement personnel ». S’il s’agit uniquement de soi-même, c’est une totale perte de temps. La transformation de soi n’a de sens que si elle nous permet, par voie de conséquence, de mieux nous mettre au service des autres. Développement personnel sans bonté n’est que la construction de la tour d’ivoire de l’égocentrisme. Méditation sans bienveillance revient à passer quelques moments tranquilles dans la bulle de l’ego.
La transformation personnelle doit nous permettre de passer de la confusion à la connaissance, de l’asservissement à la liberté intérieure. Son but est l’accomplissement du bien d’autrui. Un enseignement bouddhiste ne dit-il pas : « Ce qui n’est pas fait pour le bien d’autrui, ne mérite pas d’être entrepris. » À bon entendeur, salut ! "
 Matthieu Ricard sur son blog

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7 commentaires:

gjmtenba a dit…

Peut-on parler de développement impersonnel ?
Et pourquoi toujours cette distinction voire opposition entre religieux et spirituel ? C'est clair que cela ne me simplifie pas la vie.
Pour les autres que suis-je sinon l'autre ?

j-p gepetto a dit…

Passer de l'individu egocentre à la personne responsable et pourquoi pas à l' effacement de l'ego nourrit mon intention en vu d'efforts maintenus pour Voir les obstacles, Agir et croître en Dignité...
JP gepetto

Olivier a dit…

J’ai lu ce texte de Matthieu Ricard sur son compte Twitter la semaine dernière. Je ne suis pas 100% d’accord avec ce qui y est dit car cela remet en cause le travail du psychologue, thérapeute ou coach qui n’a pas le « label » spirituel mais qui pourtant sera sincère (Je ne peux que parler de celui à qui j’ai fait appel!).

Si une personne souffre par exemple de timidité, d’anxiété sociale ou de peurs irrationnelles l’empêchant de « fonctionner » et d’interagir correctement avec les autres et si cette personne, à son stade de développement, n’a pas forcément un grand intérêt pour la spiritualité, alors je pense qu’il est légitime pour cette personne de faire appel à un coach (pour vaincre une timidité, pour obtenir des conseils en séduction etc.) plutôt que de rester isoler et dépressif pour de toute façon finalement ne pas être en mesure d’aider son prochain et pour cause.

Mon raisonnement va paraître un peu paradoxal mais avant de pouvoir être 100% altruiste il faut avoir été 100% égoiste. Le coach (honnête) permet à son « client » d’obtenir une certaine structure intérieure qui pourra alors mener à quelque chose de plus profond, de plus spirituel ou peu importe le terme. Une personne se sentant mieux après avoir vaincu une timidité ou autre « défaut » ira plus facilement et plus naturellement vers les autres.

Dernière remarque : A chacun sa place. Si mon chauffe-eau tombe en panne ou bien ma voiture, je fais appel à mon plombier ou à mon garagiste et non au gourou. Tout comme si j’ai des problèmes de timidité, d’anxiété sociale ou de séduction, je fais appel à un coach (honnête) spécialisé dans ce domaine. Par contre si je veux faire l’expérience du divin, j’entre alors au monastère ou demande l’aide d’un gourou (honnête).

Anonyme a dit…


Seule une chenille saine a des chances de devenir papillon.

L'ego, qui est la source de la dualité (ce qui n'est pas moi), certes !

Mais n'oublions pas le MENTAL. C'est sans doute lui le plus grand problème...

Matthieux Ricard, moine bouddhiste, écrit dans une perspective bouddhique. Logique !

Le bouddhisme a ses propres moyens en terme de cheminement.

L'Adhyatma Yoga repose sur 4 piliers dont mano nasha (destruction du mental), pas "ego nasha", même si, à terme (...), l'ego (la dualité) va disparaître.

Mais assurément, "méditer dans sa bulle" (de "super-pratiquant" par ex :> ) ne serait bon pour personne, quelle que soit sa voie.

(c'est déjà pas tjrs si simple de sortir de la "bulle des pensées" :> )

Et c'est sans doute de ce type de piège (MA pratique, MA méditation qui ME donneront accès à MON éveil... ou pas) que Matthieu Ricard veut nous prévenir.

Bruno

Anonyme a dit…

« Une mauvaise compréhension de la nature de l'ego peut nous faire considérer celui-ci comme un "ennemi" à détruire. Ce n'est pas la bonne attitude, d'abord parce qu'il n'y a pas à détruire quelque chose qui n'existe qu'illusoirement, mais simplement à reconnaître son illusion.
De plus, dans un tel combat, qui lutterait contre l'ego si ce n'est "moi, je" donc l'ego lui-même ? Cela reviendrait à essayer de terrasser son ombre. Plus on tente de nier l'ego ou de le combattre agressivement, plus on renforce son agitation et sa puissance. Il s'agit d'être réaliste : nier l'ego ou refuser d'avoir des passions serait illusoire. »

Lama Denys Teundroup

L'article dans son intégralité est ici : http://www.meditationfrance.com/spirituel/ego.htm

Bruno

Anonyme a dit…

Commentaires éclairants; en effet chacune et chacun demande l'aide et entreprend l'action correspondant à sa "vérité" et son besoin du moment.
Ensuite, cela peut s'orienter (ou pas) vers notre Etre Essentiel...
JP gepetto

Stéphane a dit…

Merci .