jeudi 19 novembre 2009

Témoignage de Pierre




La mer de sable, le soleil, la lune, les étoiles et l’âme du monde…





Déjà plus d’une semaine que nous sommes de retour d’un voyage soigneusement préparé.

Alors, comment c’était ?

Version courte et courtoise : très bien, nous avons effectué un circuit assez long dans le désert du Hoggar, les paysages étaient magnifiques et variés, l’atmosphère du groupe silencieuse et bienveillante, les guides touareg remarquables, il a fait chaud mais c’était supportable, j’ai été un peu malade mais rien de grave.


Et là je me rends compte de l’effort qu’il me faut faire pour en dire plus…. Parce que si on me demande - ou si je me demande - comment « était » le voyage, vient d’abord l’improbable question : ce voyage a-t-il bien eu lieu ? et ceci depuis notre retour à l’aéroport de Marseille. Ces dix jours passés dans le désert ressemblent à un rêve : parce qu’il m’est impossible d’en estimer la durée ; que j’y suis entré et sorti sans délai et sans inertie ; que je ressens, bien qu’il n’y ai eu aucun incident embarrassant, de la pudeur à en parler ; et que le contenu inhabituel des journées m’apparaissait évident.




Chose encore exceptionnelle pour moi, j’ai abordé ce voyage en faisant « confiance a priori » pour tout ce qui concerne l’organisation et le déroulement : que c’est reposant ! De ce voyage j’attendais de pouvoir ressentir et « vivre » ces atmosphères et paysages désertiques qui m’ont fait rêver. De ce point de vue j’ai été plus que comblé : en certain lieux l’intensité de « lumière » était trop forte, sa qualité trop haute pour mes récepteurs. Un peu comme un appareil photo dont la mécanique ne serait pas assez perfectionnée pour capturer la richesse des nuances, certaines parties de l’image sont alors occultées ou « brûlées ». Aux limites du corps - dépendance à l’eau, attachement au confort matériel que je voulais minimiser, « pesanteur » d’un petit rhume - s’ajoutaient donc aussi les limites de la réceptivité de l’esprit. S’il m’arrive souvent de me plaindre de la mauvaise qualité de la nourriture d’impression que propose la société actuelle, là c’est moi qui suis encore trop grossier. J’ai pressenti que le sable les rochers le soleil et la lune sont vivants, ils vivent simplement à un autre rythme que les animaux et les plantes. Peut-être est-ce ce que les anciens appelaient l’âme du monde dont on devine la vie. J’ai admiré la perfection de l’harmonie entre sable, rochers, soleil, nuages, lune, étoiles… et essayé d’en garder une trace sur les photos. J’ai eu plusieurs fois l’impression d’être aussi près du sacré qu’il est physiquement possible de l’être, et que la distance qui alors existait encore venait uniquement de moi. J’ai plusieurs fois pensé au Grand Architecte…


Quand le premier jour j’ai vu les touaregs prier je me suis senti proche d’eux et de leur culture, parce que j’ai ressenti qu’au-delà de nos différences nous cherchons la même chose. De la même manière je me suis senti lié au groupe. Bien que les marches n’étaient pas si lentes que ça, les impressions qui me restent sont calme, douceur et fluidité. Je me dis que là se trouve le mystère qui a donné au voyage ce goût si particulier, si difficile à décrire. Les personnes qui composaient le groupe - y compris les guides - étaient en apparence très différentes les unes des autres, pourtant j’ai eu l’impression que nous nous étions accordés avant de nous rencontrer. Un peu comme si des musiciens disposants d’instruments très différents se rencontraient, se mettaient à jouer ensemble, et, par magie, ça sonne juste… Nos rapports ont été simples sobres et authentiques. Je ne saurais dire qui d’Intayent Corinne ou Alain est le plus magicien, mais ils le sont assurément tous les trois.


Que me reste-t-il du voyage ? comment vais-je profiter de cette énergie du désert dont a parlé Alain ? Il me reste les souvenirs et les photos, qui, pour la plupart, lorsque je les regarde, me permettent de reprendre contact avec le vécu du moment où je les ai prises. Et il me reste un message ; il est clair, il n’est pas nouveau, il a un côté fondamentalement rassurant, mais il m’agace, et je ne peux plus faire semblant de ne pas l’avoir entendu : oui, un jour tu rentreras à la maison, mais d’ici là il va falloir vivre, et pas du bout des lèvres ! Vu le nombre et la nature des « dossiers » qui sont en attente… pff…

Pour avoir joué la partition avec autant de justesse, un grand merci aux membres du groupe, aux touaregs, et surtout aux organisateurs, Corinne et Alain.



PS : Parfois, au milieu de ces arènes de sable, de l’immensité des étendues enveloppées dans un silence qui n’était que légèrement couvert par le sifflement du vent, j’ai eu envie de jouer un morceau acoustique, par exemple « The Rain Song ». D’autres fois, mais alors là vraiment très rarement, j’ai eu envie de tracer des arabesques dans le sable au moyen d’un deux roues motorisé ;)



5 commentaires:

ipapy a dit…

Merci Pierre pour ce magnifique texte écrit avec le coeur. Il me touche beaucoup. Bonne route ami

Catherine Bondy:Psycho-Praticienne et Peintre. a dit…

Merci Pierre pour ces phrases si
denses et pleines ...
Pour quelqu'un qui se dit pudique ,
tu partages avec une grande générosité !
Le coeur de ton voyage est transmis , merci !

julie a dit…

Merci Pierre. Ton texte est lumineux. Ce partage me touche par sa finesse et sa sincérité. Bon courage pour "les dossiers" en attente ;-)

Anonyme a dit…

Merci Pierre, très beau ce témoignage. Les photos et les paysages sont magnifiques ! Ça donne vraiment envie d'aller voir.
Karl

Claire a dit…

Merci Pierre