mardi 9 septembre 2014

Vers une compassion mondiale

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Le grand psychologue et spécialiste des émotions Paul Ekman ouvre son récent ouvrage par ces mots Moving Toward Global Compassion* (Vers une compassion mondiale) :

« Ce serait un monde différent, un monde désirable, si chacun de nous ressentait une compassion mondiale, si nous étions préoccupés par les souffrances de toutes les personnes et non pas seulement par celles de notre famille, de nos proches, de ceux qui partagent la même couleur de peau, la même langue ou la même religion. Certaines personnes font réellement preuve d’une compassion à l’échelle mondiale, mais la plupart en sont incapables. La question fondamentale est : pourquoi ? Pourquoi la compassion mondiale est-elle l’apanage de quelques-uns et non de la majorité ? Est-il possible, voire sensé, d’induire en chacun de nous une compassion pour le monde entier, ou est-ce le rêve d’un fou ? »
Il s’interroge sur la nature de la sollicitude emphatique à l’égard des souffrances d’autrui : « Les sentiments ou les aspirations compassionnés peuvent être fondés sur une préoccupation pour la personne souffrante, sans exiger nécessairement que celui ou celle qui compatit éprouve la souffrance de l’autre. En général, on considère que ce sentiment de préoccupation est une variante de l’émotion de peur**. »
Mais, être concerné par le sort d’autrui implique-t-il nécessairement un sentiment de d’appréhension ou de crainte ? S’il est approprié et salutaire d’éprouver de la peur en présence d’un danger immédiat - se retrouver face à face avec un fauve ou un serpent venimeux - d’autres peurs sont inutiles, déraisonnables, voire pathologiques. Ainsi que je l’ai suggéré à Paul lors de notre récente rencontre, selon les cas, la préoccupation du sort d’autrui peut s’accompagner ou non d’un sentiment de peur. Si notre enfant est menacé par un grave danger devant nos yeux, il est naturel que notre souci aille de pair avec la crainte qu’il soit blessé. Toutefois, dans d’autres circonstances, être préoccupé par le sort d’autrui peut être lié à des émotions purement positives, tels que l’amour altruiste et la sollicitude. Si l’on ne veut que du bien à une personne, on sera sincèrement préoccupé de contribuer à son bonheur, d’être à l’écoute de ses aspirations et de faire tout ce qui est possible pour la rendre heureuse. On peut donc distinguer des préoccupations liées à l’amour altruiste (le désir d’accomplir le bonheur d’autrui) et d’autres liés à la compassion (le désir de remédier à ses souffrances). Les premières n’impliquent pas la présence de la peur, tandis que les secondes peuvent être associées à un sentiment de crainte, du fait même que la personne concernée risque de souffrir davantage si nous n’intervenons pas pour améliorer sa situation.
* Ekman, P. (2014). Moving Toward Global Compassion. Paul Ekman Group.


Blog de Matthieu Ricard

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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Accomplir le bonheur d'autrui ?

gjm