mardi 17 mars 2015

Samsara

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Samsara (1)

Bagan Myanmar

Nous avons vu ce film sorti en mars 2013 en DVD. Pendant 1h 40 un flux d'images de ce qui fait notre existence sur terre. Des lieux, des gens, des animaux, des activités. La plaine de Bagan au Myanmar dans la lumière du petit jour qui fait briller les toits des 5000 pagodes, les merveilles de la Namibie, des chutes d'Epupa aux dunes de Sossusvlaï, la plaine de l'Indus vue du monastère de Tiksey au Ladakh, un volcan d'Hawaï en plein éruption, les têtes de statues du 1er siècle avant JC des ruines de Nemrut Dagi en Anatolie, l'énorme décharge de Payatas près de Manille aux Philippines, l'enfer de la mine de souffre de Kawah Ijen à Java en Indonésie, la non moins infernale usine de poulets de Mariesminde au Danemark, les autoroutes immenses de Los Angeles la nuit, la splendeur dorée de galerie des glaces du château de Versaille, les décombres d'une école après le cyclone Katrina en Louisiane , The Palm et le luxe inouï de la ville de Dubaï, la momie de l'homme de Tollund au musée de Silkeborg au Danemark, les statues du Bernin à St Pierre de Rome et les flèches du Mont St Michel de nuit alors que la marée monte, un homme entièrement tatoué qui câline sa fille, la démonstration époustouflante de Kung Fu de la Tagou Wushu Academy de Zhengzhou en Chine, toujours en Chine la rentrée à l'usine d'EUPA de milliers d'ouvriers habillés en jaune ou encore le défilé de l'armée, le visage de cette femme ladakhi qui égraine son mala «  Om mani padme hung », les hommes de la vallée de l'Omo en Éthiopie , Olivier de Sagazan en bureaucrate « qui pète les plombs » et couvrant son visage de terre entre en métamorphose, une femme Himba immobile et son enfant qui nous fixe, comme ces prisonniers d'une des plus grande prison des Philippines, les foules anonymes du métro de Tokyo, un père sa fille et son fils probablement américains, arborant chacun fièrement leur arme, des enfants que l'on baptisent, la marée humaine des croyants qui tournent autour de la Kaaba à La Mecque, le mur en béton entre Israël et la Palestine, le mur des lamentations à Jérusalem. Au début, les moines de Tiksey créent un mandala de sable qui sera balayé à la fin du film. Des dessins sacrés très coloré, il ne reste qu'une poudre verdâtre recueillie par un des moines dans un bol.

Kawah Ijen Indonésie

Ces images font alterner ce que l'on peut considérer comme le meilleur et aussi comme le pire. Première constatation, la vision du pire n'est pas la même partout – celle du meilleur non plus d'ailleurs. Je me suis demandée comment les cinéastes avaient eu l'autorisation de filmer les scènes où l'on voit des jeunes femmes chinoises alignées par centaines, vêtues de combinaisons identiques découper méthodiquement des poulets défilant sur une chaîne gigantesque. Ce qui peut m’apparaître comme le comble de la folie industrielle et du mauvais traitement des animaux et des humains est perçu par les patrons de cette usine comme la démonstration de la puissance de l'industrie alimentaire chinoise et montré avec fierté.
Pas d'images trash cependant dans Samsara, le but n'est pas de déclencher la répulsion devant l'horreur mais de se situer dans cette frange où l'émotion ressentie, même intense ne brouille pas complètement la faculté de réflexion : le miroir de l'âme n'est pas obscurci au point de ne plus renvoyer aucune image cohérente.
Il finit par se produire au cours du film un étrange phénomène, un changement insidieux de niveau de perception. À l'étage relatif, l'horreur et le sublime restent l'horreur et le sublime et continuent à s'opposer. Un peu en deça, cependant apparaît la possibilité d'une vision du samsara, d'un point de vue qui sans renvoyer dos à dos les aspects opposés de la réalité humaine nous fait deviner l'impermanence qui les unit, ce flot chaotique et vertigineux du changement dans lequel la mort et la naissance ,et tout ce que nous croyons construire entre, acquièrent une forme de transparence et de continuité.
  Et cette phrase scandaleuse à hauteur humaine est comme entrevue : « Everything is neutral »

Tiksey monastery Ladakh

(1) Le saṃsāra (संसार terme sanskrit signifiant « ensemble de ce qui circule », d'où
« transmigration » ; en tibétain khor ba, ou Khorwa འཁོར་བ།) signifie « transition » mais aussi « transmigration », « courant des renaissances successives »
Définition de Gérard Huet in The Sanskrit Heritage Dictionary

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2 commentaires:

Anonyme a dit…

Un texte qui me fait "réfléchir", dans le sens de laisser ces mots pénétrer en mon être profond, qui lui sait mieux que "moi"...
JP gepetto

fabian a dit…

ta description du film m'a fait penser à la trilogie "quatsi" de Geoffrey Reggio ( que nous avons en DVD ) avec une magnifique musique de Phil Glass... normal puisque le réalisateur de Samsara était son chef opérateur . Nous avons aussi Baraka et Chronos de Ron Fricke , mais je les aime moins que ceux de Reggio qui me semblent plus profonds et poétiques...
Il semble qu'il y ait aussi un nouveau film de Reggio : Visitors ...