mercredi 11 avril 2018

Pangong

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Photo de Véronique Fabart. 
Cliquez dessus pour l'agrandir.



Au Ladakh, c'est le nom d'un lac immense et bleu de 135km de long dont les deux tiers sont situés au Tibet, en territoire chinois. À 4300m d'altitude, le paysage est minéral, d'une pureté absolue. Les sommets qui entourent la masse immobile et profonde de l'eau se découpent en arêtes nettes parfois soulignées de neige. À cette hauteur l'homme n'est qu'un passant, ses constructions, des tentes éphémères, les traces qu'il laisse si peu visibles. Quelques oiseaux, quelques insectes. C'est l'espace du vent et du silence, aux confins de la matérialité, l'espace qui frôle l'Esprit.
En 2015 avec mon amie Véronique nous y sommes arrivées dans l'après midi et y avons passé presque 24h. Le temps de voir la lumière sans cesse changeante donner à l'eau et au ciel toutes les nuances de bleu du plus léger au plus sombre. Une nuit immobile où le vent dans la tente ne parvient pas à couvrir le silence assourdissant du lac. Un matin cristallin, lumineux où le lac transparent reflète les sommets alentours.
En 2017 où je séjourne de nouveau au Ladakh durant trois semaines mais avec un groupe de 10 femmes cette fois, le programme est le même. Mais l'état de fatigue de plusieurs membres du groupe ne permet pas de passer une nuit à 4300m. En accord avec les guides, je change le programme. Nous irons au Pangong mais redescendrons passer la nuit près du monastère de Chemrey. Cinq heures de voiture sur une route sinueuse, escarpée qui se transforme régulièrement en piste, le passage du col de Chang La à 5360m, vertige de l'altitude, neige et vent glacé qui fait claquer les milliers de drapeaux de prières, le lac Pangong,  puis quatre heures sur les mêmes pistes en repassant par le col. Le long du chemin, la vallée de l'Indus d'abord, large et lumineuse, frissonnante de peupliers, puis au fur et à mesure que l'on monte, des paysages immenses, pierreux, vertigineux, des vallées austères et poussiéreuses où se succèdent des camps militaires, enfin des prairies rases et fraîches parcourues de torrents, des troupeaux de chèvres pashmina, quelques yaks. Nous arrivons en début d'après midi. Le paysage est limpide, infiniment ouvert. Les rives du lac, la ligne des montagnes, les nuages qui projettent leur ombre, toutes ces formes reflètent le sans forme, le chant des oiseaux évoque le silence, le mouvement du vent rappelle l'immobile. Une heure extatique d'une joie pure et large, disparue dans le ciel, dissoute dans l'eau. Absente d'une absolue Présence.
Chacune a vécu cette heure différemment. Intense frustration pour certaines quand il a fallu quitter le lac. Évidence et gratitude pour cette heure unique et hors du temps pour d'autres.
Est-ce que nous ne faisons pas de telles folies quand nous sommes très amoureux ? Rouler toute une nuit pour une heure et repartir comblés ? Compter le temps, mesurer l'espace, suivre la raison raisonnable n'a pas de sens pour la puissante nostalgie de l' UN.



Photo de Ghislaine Beretz

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12 commentaires:

ipapy a dit…

Gratitude pour ce beau texte où souffle l'Esprit.
Et bon anniversaire Princesse.......

jean-françois L a dit…

Toute la fin de ton texte fait vraiment écho en moi, Corinne, merci.
Il y a peu je redécouvrais la mer, étant remonté vers l'ouest, et ce fut énorme.
Vaste, ai je répété plusieurs fois, en ouvrant les bras... Et le vent notamment m'accompagnait.
C'est du passé mais quel moment d'unité !
Oui, ne nous limitons pas à la raison raisonnable...

yannick a dit…

Très beau texte, comme toujours, avec le plus de la magie de tels lieux si près du ciel.
Merci Corinne. Très belle journée à vous deux.

Anonyme a dit…

merci Corinne de nous offrir ce témoignage de l'immensité, du vaste et de la beauté du monde.
merci à Ghislaine et Véronique pour leurs photos
catherine D.

da costa a dit…

Magnifique Corinne...

Unknown a dit…

Très beaux texte et photos.
Revenant du désert au Maroc, je viens de relire ce que tu écrivais sur ton expérience de l'année passée et sur le Hoggar et j'en suis très touchée. Quand repars-tu Corinne?
Et je te souhaite un très heureux anniversaire.

Anonyme a dit…

Superbe Corinne, cela me rappelle ce que j'ai ressenti à l'Assekrem dans le Hoggar.
La sensation d'être infini , connecté à plus grand avec beaucoup d'énergie... c est wahou...
Un tres grand merci Corinne
Je te souhaite un très bel anniversaire
Karl

Nathalie a dit…

Joyeux Anniversaire Corinne

Christian a dit…

Bon anniversaire Corinne ! Très beau texte, effectivement. À quand un livre ?

Thierry Yon a dit…

Merci Corinne pour ce cadeau d'anniversaire

Merci pour le partage des yeux et du coeur

j-p gepetto a dit…

Ton texte poétique me ramène à l'essentiel...
Heureux et Glorieux anniversaire.
Je t'embrasse.
JP Gepetto

M-Jose a dit…

Bon anniversaire Corinne.
Avec ce texte, tu évoques la magie et la beauté de la vie ,découverts là, grâce à tes élans...
je t'embrasse
mjo