dimanche 10 mars 2013

Retrouver l'émerveillement





Il faut en finir avec cette tristesse, cette morosité, ce rapport malade à la vie ! Il est urgent - et même vital - de revenir aux fondamentaux. De s'émerveiller sans euphorie, illusion ou exaltation. Bertrand Vergely répond à Béatrice Soltner sur RCF

L'émerveillement : un état naturel chez l'enfant qui découvre la vie. Qui s'émerveille de tout car tout lui est nouveau, tout l'intéresse. Il est ouvert au monde et à l'existence. Et l'adulte ? Peut-il encore s'émerveiller, lui qui a vu la souffrance, qui a connu l'angoisse de la solitude et du désespoir ? L'émerveillement de l'adulte procède d'une volonté. Il n'a rien à voir avec une affaire de chance, de don ou de caractère. Trois gouttes de rosée le matin sur une feuille, une impression de fraîcheur dans la forêt, la fine main d'un nouveau-né... le problème n'est pas de savoir si la vie est merveilleuse mais si l'on veut s'émerveiller !
Le sens de la vie c'est de naître, de grandir, de quitter ce monde pour aller dans une dimension plus vaste. Tout être humain est amené à passer par une évolution. Quitter l'enfance pour entrer dans le monde adulte : une mutation douloureuse pour beaucoup de nos contemporains. Car quitter l'enfance c'est dire adieu à quelque chose de paradisiaque. L'univers n'est plus tout à coup maternel. On le croit dépourvu de sens dès que l'on perd le sens symbiotique de l'enfance, l'idée d'un "tout ou rien".
Le récit de la Genèse montre d'ailleurs Adam dans ses tentations régressives et infantiles. Laissé seul au jardin d'Eden, il éprouve l'angoisse de l'abandon et de la solitude. Il se laisse tenté par la tristesse, la jalousie et la rancoeur : la position infantile du "tout ou rien". Cloué sur le bois de la Croix, Jésus Christ fait lui aussi l'expérience de la solitude. Mais sa question lancée à Dieu "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" montre qu'il la vit comme un mystère et non comme un abandon.
Croire en Dieu peut-il aider à s'émerveiller ? Le mécanisme de l'émerveillement est similaire à la démarche de foi. On peut croire qu'il n'y a rien, que toute dimension divine est inexistante, laissant la place au chaos. On peut croire qu'il y a quelque chose comme un ordre de la nature. On peut croire enfin qu'il y a quelque chose au-delà de la nature et du chaos, une dimension divine. Dieu c'est l'émerveillement, source ineffable de l'existence, fond ultime des choses, source extraordinaire de l'existence. Le christianisme invite à se tenir devant la réalité, à être frappé par la beauté, à être en respect devant quelque chose de bien plus grand que soi.
Pour se rendre compte que l'existence, qui nous met devant quelque chose d'âpre et de difficile, est une chance, il faut croire que l'être humain est appelé à un haut niveau d'existence. Construire un foyer, une famille, travailler, prendre des engagements sociaux, culturels, spirituels... autant de façons d'être co-créateur du monde. En rendant une personne heureuse c'est l'univers qui s'illumine... 
Dans les viscissitudes de l'existence, sous la pression psychologique et mentale, le plus important est de revenir au sens que l'on donne à la vie. Vu de l'extérieur, rien n'a de sens dans ce monde. Or, le sens est une nécessité : il n'est pas réel, il est fondamental et nécessaire. Ce n'est pas qu'il existe c'est qu'il en faut !
De même, l'Evangile nous dit que le problème n'est pas de savoir si Dieu existe mais si on l'aime. Car dès que l'on aime Dieu, il existe. La vie n'est pas une chose, c'est un désir, un amour.
S'émerveiller, c'est désirer, affronter, persévérer, dire merci.


Bertrand Vergely - Retour à l'émerveillement (Albin Michel)


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1 commentaire:

gjmtenba a dit…

J'aime beaucoup ce rapprochement vers les orthodoxes ! Merci Alain. L'émerveillement semble être un sujet qui inspire plus Bertrand Vergely que la souffrance, thème qu'il a abordé il y a qq années dans un autre livre.
Je ne sais si je vais lire celui-ci vu mon retard de lecture actuel ! ( Daniel Morin , le Procès de Douglas Harding, Journal d'un corps ...)
gjm