mardi 17 décembre 2013

Plaidoyer pour l'altruisme de Matthieu Ricard


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Je viens de terminer la lecture de ce livre impressionnant et éclairant. Matthieu Ricard met en lumière le lien entre la dérive de nos sociétés et le présupposé que la nature de l'homme est profondément égoïste. Il démontre, enquêtes scientifiques à l'appui, la fausseté de ce présupposé et les ravages qu'il a engendrés. Il étudie et rassemble toutes les disciplines, philosophie, psychologie, ethnologie, éthologie, écologie, politique, économie. Sa vision large met en perspective nos représentations de ce qu'est l'être humain et les systèmes qui sont mis en place à partir de ces représentations. Il n'élude ni les dérives effrayantes de ces systèmes - le chapitre sur Monsanto ou les filières de la viande sont hallucinants - ni les innovations altruistes dont les médias parlent peu. Reconnaître la nature profondément altruiste de l'être humain, permettre par des mesures concrètes de la développer, n'est pas une utopie de doux rêveurs mais une vision réaliste de notre avenir. Notre avenir en tant qu'espèce et notre avenir en tant qu'individus à la recherche du bonheur. 
Ce livre est l'exemple même de ce qu'il promeut : ce qu'il advient lorsque l'intelligence humaine se met au service du coeur. Tout simplement, la plus haute possibilité de l'être humain.

Un extrait :

"«  Il y a deux problèmes que l'économie de marché et l’égoïsme individualiste ne pourront jamais résoudre, celui des biens communs et celui de la pauvreté au milieu de l'abondance. Pour ce faire nous avons besoin de la sollicitude (care en anglais) et de l'altruisme. » Telle est l'opinion exprimée par Dennis Snower, professeur d'économie à Kiel et fondateur du Global Economic Symposium (GES) qui s'est tenu à Rio de Janeiro en octobre 2012 et auquel il m'avait invité en compagnie de la neuroscientifique Tania Singer.
Faire une telle déclaration dans un discours d'ouverture, devant un parterre de quelque six cents financiers, hommes d'État, entrepreneurs sociaux et journalistes, demandait une certaine audace. En effet, pour les économistes classiques, il est incongru de parler de motivation ( autre que l’intérêt personnel ), d'émotions ( bien qu'elles interviennent dans toutes nos décisions ) et, à plus forte raison, d'altruisme et de solidarité. Nous l'avons vu : l'économie n'est pas censée utiliser un autre langage que celui de la raison. Dennis Snower était donc passablement soucieux avant de prononcer son discours, comme il l'était de consacrer trois séances plénières à une neuroscientifique qui allait parler de l'empathie, et, pis encore, à un moine bouddhiste qui allait expliquer qu'altruisme et bonheur étant indissociables, le concept qui répond le plus efficacement aux défis de notre temps est donc l'altruisme.
À son grand soulagement, les choses se passèrent fort bien et, trois jours plus tard, lorsque les participants durent voter pour dix propositions que le GES devait s'efforcer de soutenir, deux de nos projets furent retenus. Il s'agissait de celui des « gymnases mentaux de l'altruisme » destinés à cultiver l’altruisme au sein des entreprises, ainsi que celui de l'entraînement à la compassion dès l'école maternelle, un programme de recherche mené par le psychologue et neurobiologiste Richard Davidson à Madison avec un succès étonnant, et que j'avais présenté à cette occasion. 0 notre grand étonnement, ce dernier projet fut adopté comme projet n°1. Dennis Snower avait réussi son pari : les participants s'étaient ouverts à sa vision des choses. "
p 654-55

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1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai noté références, car ce thème
m'interpelle tous les jours, dans les rapports "dits humains", de l'entreprise où j'exerce, et dans les rues, espaces publics, où des personnes sans domicile me demandent un peu d'argent ou/et d'être "reconnue" en tant qu'être humain...
J-P gepetto