Avec un deuxième succès à Wimbledon, Rafael Nadal vient de s’offrir, à vingt quatre ans, son huitième titre du Grand Chelem. Dans un entretien diffusé sur L’Equipe.fr, il livre ce qui me semble être un élément essentiel, trop souvent banalisé, passant quasi inaperçu alors qu’il devrait plutôt être entendu comme un réel secret nous étant confié.
Certains mots, expressions, sont en effet si souvent employés, qu’ils en perdent leur identité, leur profondeur. Le sens qu’ils renferment s’efface au fil de leur répétition. Pour preuve : les déclarations de Rafael Nadal sur le sujet qui me préoccupe sont relatés sur L’Equipe.fr mais disparaissent dans le journal L’Equipe, comme si ces lignes n’étaient porteuses d’aucun intérêt particulier. Tous les joueurs de tennis, quel que soit leur niveau, connaissent l’expression « jouer point par point », mais ont-ils tous conscience du message qu’elle cherche à faire passer, de sa relation au vécu de l’instant ? Ont-ils connaissance des liens de cette dernière avec les aspects mentaux de la performance ? Ont-ils réellement perçu l’intérêt de parvenir à « jouer point par point » et appris à développer les stratégies qui le permettent ?… Rafael Nadal, lui, a fait de la capacité à vivre dans « l’ici et maintenant », un mode de vie, un accompagnateur de performance, une sorte de règle. A la question du journaliste « Vous attendiez-vous à ce genre de match ? », il répond : « je ne m’attendais à rien avant le match. J’attends juste de jouer mon meilleur tennis sur chaque point et d’essayer de me battre sur tous les points jusqu’au dernier. Je ne me dis pas : « cela va être dur, je vais perdre ou je vais gagner ».
Je ne pense pas à ça. Je pense juste à me battre sur chaque point et à jouer point après point. Je ne pense pas au-delà du point suivant » . Il ne semble pas adopter cet état d’esprit uniquement durant une rencontre mais également dans son quotidien : « Disons que j’essaie de donner le maximum à chaque instant, à chaque entraînement, sur chaque point. L’important, c’est d’être présent tout le temps » (L’Equipe, Lundi 5/07/10, p.9). Banal… dans la formulation sûrement ! Avouer s’appliquer à jouer tous les points, pour un joueur de tennis, ne paraît pas révéler le moindre secret. Difficile également de saisir dans son entier ce que tout ceci est censé véhiculer dans une société où le présent se perd et où il nous est si complexe de nous en contenter. Notre Génération de zappeurs accorde peu son attention. Seules quelques secondes nous font décider de l’intérêt porté à autrui, à un reportage, à une conversation.
En observant certains jeunes, comment ne pas nous interroger sur leur réelle présence dans l’instant : confortablement installés devant la télé, ordinateur portable sur les genoux assurant la connexion simultanée avec Facebook, Twitter et Ventes Privées, ils parviennent encore à envoyer des SMS à des interlocuteurs multiples. Ils sont partout et nulle part à la fois… Faut-il se réjouir de leur polyvalence ou s’inquiéter de leur difficulté à se contenter ?
Tout se passe comme si une seule tâche ne pouvait prétendre, à elle seule, susciter le plein intérêt de notre cerveau. Pourquoi avoir échangé notre capacité à garder notre attention sur ce que nous faisons au moment où nous le faisons, pour une « attention changeante et distribuée » ? Qu’avons-nous à oublier pour, à ce point, trouver du plaisir à nous déborder ? Les sportifs ne peuvent pas se permettre ce genre de vagabondages dans les couloirs du temps et dans les actions à mener, sous peine de s’interdire l’atteinte de l’excellence. C’est ce que Rafael Nadal cherche à nous faire comprendre dans sa façon de communiquer. Il sait que l’incapacité à rester dans le présent prive le joueur de sa concentration sur la tâche en cours, du plaisir d’être absorbé par ce qu’il est en train de faire et interdit toute chance, à l’ensemble de ses compétences, de s’exprimer. L’état de grâce ou flow se transforme alors en terre inconnue, introuvable… Rafael Nadal a fait du présent une telle priorité qu’il semble ne plus pouvoir être ailleurs. Pas facile de recevoir son message et d’entrevoir la réflexion qu’il devrait soulever. Quand le journaliste conclut en lui demandant s’il pense à l’U.S. Open… qui se déroulera du 30 Août au 12 Septembre, Rafael Nadal garde le cap, avec une cohérence sans faille : « Maintenant, je suis juste heureux de gagner Wimbledon. Nous penserons à l’U.S.Open dans un mois. Maintenant, je vais me relaxer, aller à la plage, à la pêche, au golf, voir mes amis, faire la fête à Majorque. C’était très difficile de revenir à mon meilleur niveau. C’est donc un moment important et émouvant pour moi. Je veux savourer » (In l’equipe.fr, « Merci la vie »)… Il peut se le permettre, chaque chose en son temps !
http://sportmental.blog.lemonde.fr//
Merci François, superbe
..
Certains mots, expressions, sont en effet si souvent employés, qu’ils en perdent leur identité, leur profondeur. Le sens qu’ils renferment s’efface au fil de leur répétition. Pour preuve : les déclarations de Rafael Nadal sur le sujet qui me préoccupe sont relatés sur L’Equipe.fr mais disparaissent dans le journal L’Equipe, comme si ces lignes n’étaient porteuses d’aucun intérêt particulier. Tous les joueurs de tennis, quel que soit leur niveau, connaissent l’expression « jouer point par point », mais ont-ils tous conscience du message qu’elle cherche à faire passer, de sa relation au vécu de l’instant ? Ont-ils connaissance des liens de cette dernière avec les aspects mentaux de la performance ? Ont-ils réellement perçu l’intérêt de parvenir à « jouer point par point » et appris à développer les stratégies qui le permettent ?… Rafael Nadal, lui, a fait de la capacité à vivre dans « l’ici et maintenant », un mode de vie, un accompagnateur de performance, une sorte de règle. A la question du journaliste « Vous attendiez-vous à ce genre de match ? », il répond : « je ne m’attendais à rien avant le match. J’attends juste de jouer mon meilleur tennis sur chaque point et d’essayer de me battre sur tous les points jusqu’au dernier. Je ne me dis pas : « cela va être dur, je vais perdre ou je vais gagner ».
Je ne pense pas à ça. Je pense juste à me battre sur chaque point et à jouer point après point. Je ne pense pas au-delà du point suivant » . Il ne semble pas adopter cet état d’esprit uniquement durant une rencontre mais également dans son quotidien : « Disons que j’essaie de donner le maximum à chaque instant, à chaque entraînement, sur chaque point. L’important, c’est d’être présent tout le temps » (L’Equipe, Lundi 5/07/10, p.9). Banal… dans la formulation sûrement ! Avouer s’appliquer à jouer tous les points, pour un joueur de tennis, ne paraît pas révéler le moindre secret. Difficile également de saisir dans son entier ce que tout ceci est censé véhiculer dans une société où le présent se perd et où il nous est si complexe de nous en contenter. Notre Génération de zappeurs accorde peu son attention. Seules quelques secondes nous font décider de l’intérêt porté à autrui, à un reportage, à une conversation.
En observant certains jeunes, comment ne pas nous interroger sur leur réelle présence dans l’instant : confortablement installés devant la télé, ordinateur portable sur les genoux assurant la connexion simultanée avec Facebook, Twitter et Ventes Privées, ils parviennent encore à envoyer des SMS à des interlocuteurs multiples. Ils sont partout et nulle part à la fois… Faut-il se réjouir de leur polyvalence ou s’inquiéter de leur difficulté à se contenter ?
Tout se passe comme si une seule tâche ne pouvait prétendre, à elle seule, susciter le plein intérêt de notre cerveau. Pourquoi avoir échangé notre capacité à garder notre attention sur ce que nous faisons au moment où nous le faisons, pour une « attention changeante et distribuée » ? Qu’avons-nous à oublier pour, à ce point, trouver du plaisir à nous déborder ? Les sportifs ne peuvent pas se permettre ce genre de vagabondages dans les couloirs du temps et dans les actions à mener, sous peine de s’interdire l’atteinte de l’excellence. C’est ce que Rafael Nadal cherche à nous faire comprendre dans sa façon de communiquer. Il sait que l’incapacité à rester dans le présent prive le joueur de sa concentration sur la tâche en cours, du plaisir d’être absorbé par ce qu’il est en train de faire et interdit toute chance, à l’ensemble de ses compétences, de s’exprimer. L’état de grâce ou flow se transforme alors en terre inconnue, introuvable… Rafael Nadal a fait du présent une telle priorité qu’il semble ne plus pouvoir être ailleurs. Pas facile de recevoir son message et d’entrevoir la réflexion qu’il devrait soulever. Quand le journaliste conclut en lui demandant s’il pense à l’U.S. Open… qui se déroulera du 30 Août au 12 Septembre, Rafael Nadal garde le cap, avec une cohérence sans faille : « Maintenant, je suis juste heureux de gagner Wimbledon. Nous penserons à l’U.S.Open dans un mois. Maintenant, je vais me relaxer, aller à la plage, à la pêche, au golf, voir mes amis, faire la fête à Majorque. C’était très difficile de revenir à mon meilleur niveau. C’est donc un moment important et émouvant pour moi. Je veux savourer » (In l’equipe.fr, « Merci la vie »)… Il peut se le permettre, chaque chose en son temps !
http://sportmental.blog.lemonde.fr//
Merci François, superbe
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11 commentaires:
Merci, c'est passionnant, et ça me fait du bien de m'en souvenir, pour mes propres tournois au travail... et ailleurs !
oui superbe article !
"Pourquoi avoir échangé notre capacité à garder notre attention sur ce que nous faisons au moment où nous le faisons, pour une « attention changeante et distribuée » ? ". il y a différentes formes d'attentions (cf neuropsycho), dont l'attention sélective et l'attention partagée.Apparemment rafa est à fond dans l'attention sélective, mais n'oublions pas que l'attention partagée peut nous faire survivre parfois ! je pense qu'il faut bien différencier "attention" et "concentration".
bel article, merci !
Cet article tombe à point pour ma fille qui re-passe le permis demain, et pour qui cela devient problématique si elle le rate (pour diverses raisons). Donc elle est morte de peur et je fais de mon mieux pour la rassurer. Mais là...j'ai la clé!
Et si malgré cela elle le rate encore...finalement, ce n'est pas si grave, le plus important étant l'état d'esprit, instant après instant. Merci, et merci la Vie!
Oui superbe article je trouve, c'est aussi très étonnant que le ou la journaliste est à ce point mis l'accent sur la présence à l'instant !
Merci
Karl
oui , ce qui m'a le plus marqué :
« Disons que j’essaie de donner le maximum à chaque instant, à chaque entraînement, sur chaque point. L’important, c’est d’être présent tout le temps »
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et pour illustrer cet état d'esprit dans Kun Fu Panda , un extrait :
"Le chemin est un but ":
cliquer sur le lien pour visualiser l'extrait :
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http://www.dailymotion.com/video/x61rwf_kung-fu-panda-extrait-long-exclusif_shortfilms
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Oui, superbe message.
Merci
Jacques
très intéressant... et "qu'a-t-on à oublier", nous génération de zppeurs..
merci et très bel été à vous deux !
eh oui j'écoute en même temps de la musique ici... de "zappeurs" bien sûr...
mais sans aucun doute ce sont mes peurs que je cherche à oublier quand je zappe... pas certain que ce soit la même chose pour les jeunes... qui peuvent être par ailleurs comme Rafael Nadal, me semble-t-il... beaucoup plus qu'à mon époque djeune
Dommage que cette attention dans l'instant ne soit pas plus porté vers l'amour des autres. Sur la photo, je ne vois pas beaucoup d'empathie dans son regard. Voilà toute la différence entre un sage, comme Arnaud et un champion sportif! :-)
Philippe.
spiritualité ou méthode Coué
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