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L'Inde n'est pas disposée à renoncer à sa paternité sur le yoga, pas plus que la ville de Rishikesh [dans le nord de l'Inde] n'envisage de céder son statut de capitale mondiale de cette pratique au profit de Los Angeles. Pour contrer l'offensive lancée par des gourous américains cherchant à s'approprier les techniques ancestrales du yoga, l'Inde va ainsi recenser et cataloguer plus de 1 500 postures.
Rishikesh, qui s'étend sur les rives du Gange, non loin des sources du fleuve, compte près de 150 ashrams (centres de retraite spirituelle). La ville s'est fait connaître dans les années 1960, lorsque les Beatles, en quête d'inspiration, y séjournèrent un bon mois. Quarante ans plus tard, Rishikesh revendique la pureté originelle du yoga, mais ses nombreuses librairies montrent que la réalité est bien plus hybride, avec une offre new age et des manuels d'épanouissement personnel qui ne détonneraient pas à São Paulo, San Francisco ou Barcelone : Paulo Coelho y voisine avec le guide spirituel Sri Sri Ravi Shankar, l'auteur américain Carlos Castaneda avec le gourou indien Osho, Herman Hesse avec Aurobindo ou Krishnamurti.
De fait, le yoga est aujourd'hui bien plus populaire en Occident que sur ses terres natales : de nombreux titres proviennent ainsi des Etats-Unis, où le yoga est devenu une affaire juteuse rapportant 3 milliards de dollars par an. Le pays de l'oncle Sam est à l'origine de toutes les craintes indiennes, d'autant plus depuis qu'on a appris que des centaines de brevets avaient été enregistrés aux Etats-Unis autour du yoga – 150 titres de propriété intellectuelle et 134 sur des accessoires. Parmi ces brevets, on trouve des techniques soi-disant nouvelles, comme celle mise au point par Bikram Chaudry, le gourou des stars, qui se distingue par la température ambiante à laquelle il fait pratiquer le yoga, 45 °C. L'alerte n'a pas tardé à être donnée en Inde, où l'on craint que cet immense patrimoine immatériel ne soit confisqué par des petits malins mi-yogis, mi-businessmen, originaires d'Inde ou d'ailleurs.
Immédiatement, l'institut Ayush – où sont enseignés ayurvéda [médecine traditionnelle indienne], yoga, naturopathie, unani, siddha [deux médecines parallèles] et homéopathie – a décidé de créer une bibliothèque numérique du savoir traditionnel, dans le but de défendre ces connaissances populaires (fréquentes dans les pays du Sud) contre les systèmes légaux de protection taillés sur mesure pour le secteur privé des pays du Nord. L'institut entend démontrer l'âge millénaire de centaines de techniques de yoga en cataloguant plus de 1 500 asanas (postures). D'ici à la fin de l'année, 150 devraient être référencées, avec citations en sanskrit et illustrations vidéos.
Ce catalogue, traduit en anglais, en espagnol, en français, en allemand et en japonais, sera envoyé à des offices des brevets européens, américains et asiatiques afin de décourager toute velléité de vol. Le projet de l'institut Ayush comprend également une pharmacopée, bien plus avancée, où sont déjà numérisées quelque 4 500 plantes médicinales du sous-continent indien et 120 000 formules traditionnelles. Il y a deux ans, l'institut a obtenu l'annulation d'un brevet pris aux Etats-Unis sur deux compositions à base de curcuma et de margousier, respectivement utilisées par les Indiens comme antiseptique et comme fongicide.
Il y a quelques semaines, l'institut Ayush a obtenu du ministère du Commerce indien qu'il dépose une plainte devant son homologue étasunien. L'ambassade américaine à New Delhi a répondu en cherchant à dissiper les craintes des Indiens : il n'existe pas de brevet délivré sur les postures de yoga, mais seulement sur des "accessoires nouveaux et non évidents" [inventifs], même si la propriété intellectuelle sur les livres et les marques est garantie.
Reste que, dans la ville végétarienne et ascétique qu'est Rishikesh, de nombreux professionnels estiment que l'officialisation de ces prétendus progrès dans une discipline vieille de plus de 2 000 ans est une mauvaise plaisanterie. "Ce sont de fausses découvertes, de simples modifications", estime le yogi Vijay Rayal. Sur le portique d'Omkarananda, son ashram, on peut lire la devise "Pense comme un génie, travaille comme un géant, vis comme un saint", mais Vijay Rayal s'avère moins grandiloquent qu'on pourrait le croire : "Bikram Chaudry n'est pas honnête vis-à-vis de sa culture", lance-t-il simplement.
Sadananda Murthy, un autre maître de yoga, résume la situation : "Le yoga est une science si ancienne que personne ne sait qui exactement a inventé telle posture ou technique, bien que tout le monde se targue de le pratiquer autrement et mieux, y compris ici, à Rishikesh, où nous sommes des centaines de professeurs de yoga." De plus, assure-t-il, "les Occidentaux sont incapables d'entrer véritablement dans le yoga, d'aller au-delà de la surface".
jordi joan Banos La Vanguardia Barcelone in "Courrier international"
Rishikesh, qui s'étend sur les rives du Gange, non loin des sources du fleuve, compte près de 150 ashrams (centres de retraite spirituelle). La ville s'est fait connaître dans les années 1960, lorsque les Beatles, en quête d'inspiration, y séjournèrent un bon mois. Quarante ans plus tard, Rishikesh revendique la pureté originelle du yoga, mais ses nombreuses librairies montrent que la réalité est bien plus hybride, avec une offre new age et des manuels d'épanouissement personnel qui ne détonneraient pas à São Paulo, San Francisco ou Barcelone : Paulo Coelho y voisine avec le guide spirituel Sri Sri Ravi Shankar, l'auteur américain Carlos Castaneda avec le gourou indien Osho, Herman Hesse avec Aurobindo ou Krishnamurti.
De fait, le yoga est aujourd'hui bien plus populaire en Occident que sur ses terres natales : de nombreux titres proviennent ainsi des Etats-Unis, où le yoga est devenu une affaire juteuse rapportant 3 milliards de dollars par an. Le pays de l'oncle Sam est à l'origine de toutes les craintes indiennes, d'autant plus depuis qu'on a appris que des centaines de brevets avaient été enregistrés aux Etats-Unis autour du yoga – 150 titres de propriété intellectuelle et 134 sur des accessoires. Parmi ces brevets, on trouve des techniques soi-disant nouvelles, comme celle mise au point par Bikram Chaudry, le gourou des stars, qui se distingue par la température ambiante à laquelle il fait pratiquer le yoga, 45 °C. L'alerte n'a pas tardé à être donnée en Inde, où l'on craint que cet immense patrimoine immatériel ne soit confisqué par des petits malins mi-yogis, mi-businessmen, originaires d'Inde ou d'ailleurs.
Immédiatement, l'institut Ayush – où sont enseignés ayurvéda [médecine traditionnelle indienne], yoga, naturopathie, unani, siddha [deux médecines parallèles] et homéopathie – a décidé de créer une bibliothèque numérique du savoir traditionnel, dans le but de défendre ces connaissances populaires (fréquentes dans les pays du Sud) contre les systèmes légaux de protection taillés sur mesure pour le secteur privé des pays du Nord. L'institut entend démontrer l'âge millénaire de centaines de techniques de yoga en cataloguant plus de 1 500 asanas (postures). D'ici à la fin de l'année, 150 devraient être référencées, avec citations en sanskrit et illustrations vidéos.
Ce catalogue, traduit en anglais, en espagnol, en français, en allemand et en japonais, sera envoyé à des offices des brevets européens, américains et asiatiques afin de décourager toute velléité de vol. Le projet de l'institut Ayush comprend également une pharmacopée, bien plus avancée, où sont déjà numérisées quelque 4 500 plantes médicinales du sous-continent indien et 120 000 formules traditionnelles. Il y a deux ans, l'institut a obtenu l'annulation d'un brevet pris aux Etats-Unis sur deux compositions à base de curcuma et de margousier, respectivement utilisées par les Indiens comme antiseptique et comme fongicide.
Il y a quelques semaines, l'institut Ayush a obtenu du ministère du Commerce indien qu'il dépose une plainte devant son homologue étasunien. L'ambassade américaine à New Delhi a répondu en cherchant à dissiper les craintes des Indiens : il n'existe pas de brevet délivré sur les postures de yoga, mais seulement sur des "accessoires nouveaux et non évidents" [inventifs], même si la propriété intellectuelle sur les livres et les marques est garantie.
Reste que, dans la ville végétarienne et ascétique qu'est Rishikesh, de nombreux professionnels estiment que l'officialisation de ces prétendus progrès dans une discipline vieille de plus de 2 000 ans est une mauvaise plaisanterie. "Ce sont de fausses découvertes, de simples modifications", estime le yogi Vijay Rayal. Sur le portique d'Omkarananda, son ashram, on peut lire la devise "Pense comme un génie, travaille comme un géant, vis comme un saint", mais Vijay Rayal s'avère moins grandiloquent qu'on pourrait le croire : "Bikram Chaudry n'est pas honnête vis-à-vis de sa culture", lance-t-il simplement.
Sadananda Murthy, un autre maître de yoga, résume la situation : "Le yoga est une science si ancienne que personne ne sait qui exactement a inventé telle posture ou technique, bien que tout le monde se targue de le pratiquer autrement et mieux, y compris ici, à Rishikesh, où nous sommes des centaines de professeurs de yoga." De plus, assure-t-il, "les Occidentaux sont incapables d'entrer véritablement dans le yoga, d'aller au-delà de la surface".
jordi joan Banos La Vanguardia Barcelone in "Courrier international"
6 commentaires:
a) Donc si les occidentaux sont incapables d'entrer vraiment dans le yoga, les indiens n'ont pas fondamentalement à s'inquiéter !
b) Le yoga est vraisemblablement né en Asie Mineure ( Iran, Egypte ) et pas en Inde !
Quelle remue-ménage ds cette pratique ancienne!
L'integralité des cultures humaines s'étant transmises par imitation, tant dans le temps que dans l'espace, il est évident que la "propriété intellectuelle", c'est du vol.
Vol du droit que j'ai de naissance de faire comme mon voisin, de parler la meme langue, de chanter la meme chanson, de cultiver la meme plante, de copier son outil, sa technique, etc..
Jacques
bravo quand même à cet institut de défendre un patrimoine traditionnel de l'usurpation mercantile par un esprit occidental maérialiste. mais comment se défendre avec les outils de "l'ennemi".
c'est quand même du même ordre que la guerre contre les amérindiens , non ????
muguet
Oui c'est du même ordre, pas un génocide ici mais toujours s'emparer du bien, des connaissances de l'autre.
In God we trust.
Tiens je vais faire breveter à mon nom la molécule d'eau et en tirer des redevances d'usage.
Idem pour le Signe de Croix : au Nom du Père, au Nom du Fric...
Chaque fois que je ferais le signe de croix je mettrais un euro dans ma tirelire.
Les pratiquants de la sophrologie
devraient être imposés, car Caycedo a largement puisé dans les différents yogas !
"In God we trust".
Pour celles et ceux qui ne seraient pas au courrant, c'est écrit en gros et en bonne place sur tous les billets verts (Dollars US).
C'est la-dessus qu'il faut déposer une marque.
Jacques
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