vendredi 14 janvier 2011

Tristesse

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Nous venons de décider Alain et moi d'annuler la prochaine randonnée d'avril 2011 dans le Hoggar. Les événements récents au Niger ont modifié les termes du site du ministère des Affaires Étrangères (conseil aux voyageurs) : des recommandations de prudence appuyées, on est passé à « formellement déconseillé » pour toute la zone du Sahel y compris le Grand Sud algérien (Tamanrasset-Djanet), ce qui est la dernière étape avant l'interdiction de la zone.
C'est avec beaucoup de tristesse que nous avons écrit à notre ami Abdelwahab de l'agence de Tamanrasset et aux personnes qui étaient partantes : nous sommes tristes de ne pas aller dans le Hoggar, de ne pas partager les trésors naturels et humains qu'il recèle, et tristes aussi parce que nous savons les conséquences pour nos amis algériens et touaregs de l'arrêt du tourisme dans la région. Pas de touristes cela veut dire pas de travail pour les hommes, pas d'argent pour nourrir la famille, pour nourrir les bêtes.
Ce sont des temps difficiles qui ont commencé pour Intayent notre guide et sa famille. Nous ressentons une grande gratitude pour eux tous : Abdallah sa connaissance du désert, sa gentillesse et son humour malicieux, Rhaned dont le français impeccable est une merveille à entendre, Moussa si digne et efficace aux fourneaux, Rhabut si élégant et espiègle - nous souhaitons que sa santé se rétablisse - Abdelkader, le solitaire, jamais si heureux que lorsqu'il part seul avec son chameau, Sliman, la fougue de la jeunesse qui connait toutes les "cabines téléphoniques" du Hoggar, Tayeb le géant as du volant, Ahmoud si discret, Ahmed, le chauffeur de 4x4 d'expérience, Immouden et sa verve, El Ramis et ses lunettes noires , et tous les autres, ils sont trop nombreux pour les citer, et les femmes au village ou au campement Aïcha, Tamouna, Bechenna, Rutti, Cheli, les éclats de rire de Rhama, Bachir et Chir qui courent après les chevreaux.


Bien sûr nous pensons à Intayent qui connaît si bien le désert, les hommes et les chameaux. Rien n'échappe à son œil ni à son cœur, ni un chameau mal bâté, ni une personne esseulée à qui il va proposer de mettre son chèche ou qu'il va aider à monter sa tente ou encore à qui il va tendre en premier les dattes et les biscuits de la pose. Nous savons qu'il prend les temps difficiles comme les périodes fastes, avec la même égalité d'âme, la même acceptation tranquille de ce qui est. En cela il est un guide aussi.
Nous espérons de tout cœur que l'évolution de la situation nous permettra de retourner les voir à l'automne, Inch' Allah.

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5 commentaires:

jean baptiste a dit…

deux choses me viennent à l'esprit:
- est il possible d'aider ces personnes à passer ce moment difficile?
- n'est ce pas une chance pour ce territoire que cette menace afin qu'il ne devienne pas un terrain de jeu de l'aventure du monde occidental?

Corinne a dit…

Pour ta première question, Jean-Baptiste, la réponse est oui, nous le faisons personnellement, et nous avons pensé à proposer une collecte d'argent à envoyer pour manifester notre solidarité.
Pour ce qui est de la deuxième question ma réponse est non. Le "terrain de jeu" est grand comme la France (je parle seulement du Hoggar) et il n'y a pas tant de gens qui sont près à aller y jouer. C'est évident, un certain tourisme est de cet ordre là, prédation, utilisation. Mais il y a aussi, c'est ce que nous faisons et nous ne sommes pas les seuls loin de là, des occidentaux qui viennent non pas prendre mais apprendre, comprendre une autre manière d'être au monde. En fait Jean-Baptiste, je crois que je vais écrire un petit article là dessus. merci de ta question.

Acouphene a dit…

Merci Corinne... Le coeur est triste aussi...

Marie K. a dit…

Bonjour, je suis membre de votre blog que j'apprécie et aussi la présidente d'une association régionale (de Lorraine) créée en 2005 pour aider au développement du Niger. J'ai publié moi aussi un article - différent du vôtre, mais j'avais déjà parlé à différentes reprises de l'extrême gentillesse des peuples du Niger, y compris des nomades Peuls Wodabee dont je connais personnellement plusieurs membres - suite au récent acte de terrorisme qui a eu lieu à Niamey.
Je partage votre tristesse car pour quelques fous, c'est toute une nation et un peuple qui va supporter les conséquences.
Bien amicalement,
Marie K.
http://passageredelavie.blogspot.com/2011/01/faits-dhiver.html

Anonyme a dit…

Mono mo aware (*)

... mélancolie attachée aux belles choses englouties dans le passé, la mémoire. Plaisir de l'impalpable, du disparu...

Tristesse oui,
et joie de l'avoir vécu.

Merci par avance à Corinne pour son écrit.

gjm

* japonais