jeudi 3 juillet 2008

Tagore


" Quand nous en arrivons à croire que nous possédons notre Dieu parce que nous appartenons à telle ou telle secte, nous sommes parfaitement aises de penser que Dieu sert uniquement à nous permettre d'assommer avec plus de componction les gens qui pour leur bien ou pour leur mal, se font de Lui une idée différente de la nôtre sur quelques détails théoriques.

Ayant ainsi pourvu à notre Dieu, dans quelques Champs-Elysées de credo, nous nous sentons libres de nous réserver à nous-mêmes tout l'espace dans le monde de la réalité, et nous débarrassons ce monde du merveilleux de l'Infini, en en faisant quelque chose d'aussi trivial que le reste de notre mobilier.

Une vulgarité aussi entière ne devient possible que si dans notre esprit nous ne doutons plus de croire en Dieu, tandis que dans notre vie nous Le négligeons totalement.

Le pieux sectaire est fier parce qu'il se sent le droit de posséder Dieu. Le dévôt est humble parce qu'il sent que dieu a sur notre vie et son âme le droit d'amour. Or ce qui est l'objet de notre possession doit nécessairement devenir plus petit que nous ; sans l'admettre explicitement, le sectaire bigot entretient la croyance inconsciente que ses pareils et lui peuvent tenir Dieu à leur merci dans une cage qu'ils Lui ont forgée. C'est de la même manière que les races humaines primitives attribuent à leurs rituels une influence magique sur leur dieux.

Et ainsi chaque religion commence comme agent de libération et finit par être une vaste geôle. Edifiée sur le renoncement de son fondateur, elle devient entre les mains de ses prêtres une institution d'accaparement ; revendiquant l'universalité, elle devient une centre actif de déchirements et de schismes.

..... Je vous le dis : Si vous êtes véritablement amoureux de la Vérité, osez la chercher dans la plénitude, dans toute l'infinie beauté de sa majesté, et ne vous contentez jamais de thésauriser ses symboles vides en l'avare captivité que lui offrent les hautes murailles des conventions.

Vénérons les grandes âmes dans la sublime simplicité de leur grandeur spirituelle - que toutes ont en commun - là où elles se rejoignent dans un désir universel de libérer l'homme de son asservissement à son propre ego individuel, à l'ego de sa race et à celui de sa secte. Mais dans les bassesses des traditions, là où les religions se défient mutuellement, réfutent les prétentions et les dogmes des unes et des autres, le sage, consterné et plein de doute, doit se sentir à l'écart d'elles.

Rabindranâth Tagore
in Paroles des sages de l'Inde Albin Michel Carnet de Sagesse pages 16 et 17

6 commentaires:

Anonyme a dit…

le phenomene religieux décrit dans ce texte je le porte depuis bien longtemps sans pouvoir y mettre des mots c'est donc fait reste à integrer le corollaire du sage
practice toujours..........( avec un cli d'oeil au golf)
le celte

Anonyme a dit…

clin et non cli !!!! ça derape sec ce matin
le celte again

Anonyme a dit…

... pranam... humilité
Merci, Alain
Brigitte

fishfish a dit…

oui humus, merci Alain.

Anonyme a dit…

J'ai vu de temps en temps,
- lorsque des personnes se plaignent de quelque-chose et que ces plaintes affaiblissent,
selon moi,
les personnes présentes -
que je me comporte betement,
comme dans ce texte.

J'assome alors ces personnes de soi-disantes vérités cassantes,
et d'étapes "logiques" sensées redresser la manière de pensée.
Je me suis dis il y a peu de temps:
"Je me conporte dans ces cas comme un dictateur teinté de philosophie".

Les personnes se retrouvent accablées alors
stop,
je serais légé,plus doux à présent.
Après tout,
agir comme j'ai eu tendance à le faire est similaire à ce prendre pour Dieu non?

J'aime prendre conscience de ces choses,voir ce qui cloche en moi,et énonçer avec douceur des sujets difficiles.

Bonne journée à tous.

Anonyme a dit…

Voilà bien ce qui m'a fait cracher à la face de Dieu. Allergique aux dogmes et aux religions, j'ai piétiné tout ce qui portait soutane et respirait au nom du Tout-Puissant.
Jusqu'au jour où j'ai compris, viscéralement compris, que Dieu m'avait offert la Vie et que Son don n'était pas affaire de théorie, mais affaire de coeur.
Isabelle