mercredi 15 octobre 2008

L’odyssée amérindienne (2)



À propos du temps…
Et de l'autre qui est un autre ...

« En une semaine à peine, bon nombre de notions ont été bouleversées – en premier lieu celle du temps. Depuis notre arrivée en Amérique latine, nous avons appris les bons comportements en la matière : ne pas porter de monter, qui sert plus à attirer la convoitise qu’à organiser son temps ; arriver systématiquement avec une demi-heure de retard à un rendez-vous – on sera malgré tout en avance ;s’attendre, quand une personne prononce dans une conversation le mot « ahorita » (terme intraduisible en français, qui signifierait « dans un futur proche »),à ne la voir revenir que plusieurs heures plus tard, voire jamais. Après ces quelques bases, nous devons désormais apprendre à accepter une nouvelle notion : la priorité. Quiconque voyage en Amérique latine, et plus particulièrement en milieu indigène, s’apercevra que personne ne répond jamais à la négative à ces questions. Du coup, il semble facile de fixer rendez-vous à quelqu’un : on vous dit toujours oui. Vous demandez à préciser l’heure de la rencontre : votre interlocuteur réfléchit quelques instant avant de vous en donner une. Vous arrivez le jour dit, plus ou moins à l’heure dite. Personne. Vous pensez qu’on se moque de vous. Pas du tout ! C’est juste que votre contact avait mieux à faire. Il n’a peut- être pas osé vous le dire pour ne pas vous blesser. À moins que ses plans n’aient changé enter temps. Il ne vous a pas fait prévenir parce qu’il pense que, comme pour lui, le temps coule pour vous comme une belle rivière dont on ne cherche pas à retenir l’eau. Ce qui ne se fait pas un jour se fera le lendemain. L’attente n’est jamais un supplice : il y a toujours possibilité de la combler. Vous n’étiez pas la priorité du moment et il vous faut l’accepter sans garder rancune… »

L’odyssée amérindienne
Julie Baudin
Ed Glénat P270-271


« Le choc des cultures s’est poursuivi quand Walt (1) a abordé la notion d’économie. Les Shuars (2) vivant dans un milieu riche en ressources mais également très humide, ils consomment presque immédiatement ce qu’ils pêchent , chassent ou cueillent. Pour eux, le présent compte plus que toute autre chose. Demain est un autre jour. Demain n’existe pas.
Du coup, difficile de leur expliquer que pour faire durer la batterie d’un panneau solaire (et éviter de devoir en acheter une nouvelle tous les ans) il faut économiser l’énergie qu’elle contient et ne jamais la vider. En somme, il faut penser à demain ! Le problème, c’est qu’en suivant nos consignes, chaque maison peut allumer un maximum de trois ampoules par jour pendant quatre heures. Pas assez, se plaignent certains. Si on a l’électricité, on veut pouvoir en jouir à sa guise ! Regarder la télévision. Faire fonctionner de temps en temps un mixeur, brancher un frigo ! En bref, disposer du même confort que partout ailleurs. Nous avons beau expliquer qu’une telle utilisation viderait la batterie et qu’il faudrait alors attendre plusieurs jours que celle-ci se recharge, rien n’y fait. Demain est un autre jour, et si la batterie lâche et qu’on n’a pas d ‘argent pour en acheter une nouvelle, et bien…on reste sans électricité ! Et alors ?!

Ibid P287

(1) technicien américain venu dans la jungle enseigner les bases de ‘énergie solaire et hydroélectrique.
(2) Les Espagnols les ont appelés les Jivaros, mais eux-mêmes se désignent sous le nom de Shuars. Ceux qui ont lu le superbe roman de Luis Sepulveda « Le vieux qui lisait des romans d’amour » connaissent le nom de Shuars.


3 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est vraiment très intéressant.
Eliane

Patrick a dit…

superbe leçon sur le temps pour mes tendances mentales intransigeantes.
Comme ça me chatouille d'aller faire un tour en Amérique Latine.... voilà une raison de plus :-)

Anonyme a dit…

Oui moi aussi j'aime bien ce décalage de culture sur la notion du temps : tout est relatif ! Je sais que lorsque j'étais allé en Algérie il y a quelques années pour rendre visite à mon père qui y travaillait ca m'avait aussi frappé : ils étaient beaucoup + cool avec le temps et en fait ca m'avait fait du bien : je voulais plus revenir en France!
Merci pour ce conseil de lecture
Karl