mardi 28 octobre 2008

Le miroir initiatique (2)

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Mais le bébé grandit et les parents font leur travail de parents. Or comprenons bien que le travail d’éducation s’opère principalement sur deux plans : celui de l’apprentissage, et celui de l’identification, forme particulière d’apprentissage qui mériterait sans doute mieux le nom de dressage ou d’endoctrinement.

Celui de l’apprentissage est suffisamment évident et ne nous concerne pas ici ; intéressons-nous à l’identification qui est un processus terrible mais nécessaire. A partir de l’âge d’environ neuf mois, rarement plus tôt, le petit enfant peut commencer, je dis bien commencer, à faire la relation entre son image dans le miroir et lui-même (voir la psychanalyse, Lacan et le stade du miroir). L

es parents vont utiliser ce média pour lui faire admettre qu’il est ce qu’il paraît être, c’est à dire la petite chose dans le miroir. Et oui, éduquer un enfant c’est nécessairement le rétrécir dramatiquement. Mais il n’y a pas d’autre alternative. La psychologie génétique nous explique très bien comment le processus d’acquisition de la personnalité, du moi, se fait essentiellement par l’identification progressive à l’image spéculaire (l’image du miroir). Il faut croire que l’acquisition complète de cette image lointai
ne, de ce reflet, n’est pas une petite affaire puisqu’elle va demander à l’enfant entre 8 et 10 ans. Huit à dix ans pour qu’un jour une lourde porte de prison (mentale) se referme, la plupart du temps de manière définitive, sur le paradis de l'enfance.

Quelquefois chez certains enfants la porte ne se ferme jamais, ils manifestent une impossibilité structurelle à l’acquisition de cette image, cela fait d’eux des inadaptés sociaux qui souvent doivent finir leur vie en institution spécialisée. Ce rétrécissement de l’infini de la conscience aux limites d’un petit sac de peau, ce bannissement obligatoire du paradis de l’enfance, cette hallucination qui consiste à croire que je suis ce que je parais être, est donc absolument inévitable hors cas pathologiques. Cette aliénation inévitable constitue un rite de passage, une initiation à la vie, dont malheureusement ni les parents ni les éducateurs et encore moins bien sûr les innocentes victimes ne sont conscients. C‘
est là que nous retrouvons notre ami Narcisse avec la force et la clarté de son mythe.

Au tout début, lorsque Narcisse arrive près du lac et découvre son image, il n’est pas encore en péril. Pour Narcisse, cette image n’est pas lui. Ce n’est qu’une jolie chose intéressante, ce n’est pas sa véritable nature, cette image est loin dans le lac et pas ici là où il est. C’est le deuxième stade de la vie d’un être humain, disons de l’âge de un an à neuf, dix ans. L’enfant peu à peu fait de mieux en mieux la relation entre lui et son reflet. Le processus d’identification ne se fait pas bien sûr uniquement par identification avec l’image du miroir. L’enfant est aussi amené à croire qu’il est comme il voit que les autres sont, c’est à dire totalement clos, limité par la forme du corps, avec une tête en haut. Comme nous le verrons plus loin, c’est évidemment totalement faux de son point de vision personnel qui est le seul qui compte puisque étant son unique possibilité d’expérience. L’enfant s’identifie donc avec la forme générale des membres de son clan. Cette source d’identification n’apparaît pas dans le mythe de Narcisse.

Il est aussi tout à fait intéressant de lire et de réfléchir sur les cas connus d’enfants sauvés et élevés très jeunes par des animaux, comme Amala et Kamala ces deux jeunes indiennes élevées par des loups. Elles étaient devenues des louves dans les limites de leurs possibilités physiques. Elles étaient en tout cas infiniment plus louves qu’humaines. Et comme c’est souvent le cas en pareille situation, elles n’ont pas survécu au stress inimaginable que représentait la tentative de leur intégration forcée dans le monde des hommes.

L’homme est bien un animal social dont l’humanité n’est pas innée mais laborieusement acquise. Cette deuxième période de la vie de l’enfant, de la vie humaine, de notre vie à tous, et une période souvent merveilleuse. Car l’enfant, même s’il a déjà bien intégré son apparence, son visage, sa forme et son nom, est toujours en relation inconsciente avec la source, avec ses racines, avec sa nature divine, sa nature d’espace.

Et, lorsqu’il n’est pas dans l’attente d’une punition, lorsqu’il n’est pas sous pression pour assimiler telle ou telle règle du monde des adultes, il est encore ouvert, neuf, spontané, confiant, heureux d ’ Etre. Mais la porte de la prison se ferme, lentement certes mais inexorablement et un jour, c’est fini, l’identification est terminée, l’enfant est devenu une personne.


(à suivre)
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3 commentaires:

akidbelle a dit…

Oui, je suis d'accord sur la mecanique. Mais, un beau jour, il faut peut etre decider de faire le grand menage, et le faire.
.. juste pour la joie d'en faire un BEAU jour.
Merci
Jacques

Anonyme a dit…

Cela me semble très juste Alain mis à part l'âge de l'acquisition complète qui me semble élevé mais bon.
C'est un texte de toi ? Tu l'as écrit en te basant sur d'autres textes ??
Merci
Karl

Berit a dit…

je peut bien voir chez mon fils Karl,qui a 9 ans,qu'il a bien integre son apparence,sa forme et son nom mais qu'il est toujours bien en relation inconsciente avec sa source.Il est toujours heureux,
bien dans son Etre...J'ai pue constater ca chez pas mal des enfants dans ce group d'age.C'est le moment bien heureux quand Narcisse a decouvert son image mais qu'il
ne le prends pas encore pour lui.
Je me demande s'il n'y a pas des choses a faire pour que la porte ne se ferme pas definifement sur l'enfance,sur la Source?
Laisser l'enfant assez souvent avec lui-meme pour qu'il puisse vivre de sa source,ecouter la music sacre et donner soi-meme un example de la nonidentification dans la vie de tout les jours(en court:Etre pratique)...