vendredi 16 mai 2008

Tranquillement


Je vous propose de fermer les yeux, de vraiment prendre le temps de vous installer confortablement, d’entrer tranquillement dans la posture. Il est possible de considérer la méditation comme un rendez-vous, de la vivre comme un rendez-vous avec soi-même. Un rendez-vous avec soi-même et avec la pratique. Ce qui nous revient en premier lieu c’est de nous assurer que ce rendez-vous va se dérouler dans les meilleures conditions de confort, de détente.

C’est ce que nous offre la posture. Elle nous donne beaucoup d’indications précieuses. D’abord ce n’est pas ma posture, c’est une posture traditionnelle, même si elle est adaptée à ma condition physique du moment et que je peux être assise ou assis sur une chaise . Entrer dans la posture, c’est entrer dans une tradition, une lignée de méditants. Le fait d’être connecté à soi-même est dès le départ associé au fait d’être connecté à ces millions de femmes et d’hommes qui ont pris cette posture, qui la prennent en ce moment et qui par cette posture manifestent qu’ils sont ancrés au sol et reliés à plus Grand. Comme Alain l’a fait remarquer hier, croiser les jambes est une manière de dire : voilà, je me tiens là, je ne fais rien, je ne fuis pas, simplement je suis là. Je marque mon intention d’être là, je marque mon intention de présence. Et en plaçant correctement le bassin, légèrement vers l’avant, je permets à la colonne vertébrale de s ’aligner tranquillement et au corps d’être droit, pas avachi, mais pas raide non plus. Pas dans l’effort, pas dans « tiens-toi droit » mais simplement dans « repose-toi sur tes assises ». Tranquillement.

Méditer en fait c’est juste s’asseoir, ou s’asseoir de manière juste. Et une fois assis, avec une curiosité bienveillante, observer ce qui se passe, ce qui se produit. Sans attendre quelque chose de particulier. Il n’y a rien à faire pour méditer, rien à créer de plus que ce qui est là. Et, quoi qu’il arrive, ce sera de la méditation. Quoi qu’il arrive, si on veut absolument qualifier, ce sera une bonne méditation.

Un rendez-vous avec soi-même dans la bienveillance. Et qu’est-ce que je constate ? Moi-même se présente d’abord comme un mouvement. L’immobilité de la posture permet de voir, de goûter, un mouvement, des pensées qui passent, un climat émotionnel changeant, des sensations que par une sorte d’automatisme je vais qualifier au moment même où elles apparaissent comme agréables ou désagréables. La pratique consiste à reconnaître tout ce qui se présente, accueillir. Le mot reconnaître peut être perçu comme plus neutre. C’est un peu comme si cette agitation, plus ou moins marquée, tous ces mouvements émotionnels, ces mouvements de la pensée, ces sensations, étaient des enfants qui s’agitent pour qu’on les voie. Il s’agit simplement leur dire « oui, oui, je t’ai vu, je t’ai reconnu », il s’agit de s’autoriser à ressentir, à goûter les sensations, les pensées les émotions qui se présentent, éventuellement les nommer, mais surtout les ressentir, tranquillement, et se détendre.

Il y a un livre de Françoise Sagan qui s’appelle « Bonjour tristesse », eh bien, c’est un peu ça : s’il y a une tristesse, bonjour tristesse, s’il y a quoi que ce soit d’autre, bonjour. Bienvenue. Bien souvent nous refusons de ressentir parce que nous avons la conviction que ressentir vraiment va amplifier le malaise ou la souffrance. Et si par hasard, s’autoriser à ressentir vraiment ce qui est déjà là, n’amplifiait pas mais détendait ?Tout simplement parce que c’est la vérité. S’autoriser à être en contact, consciemment avec sa vérité du moment. Ma vérité du moment c’est çà. C’est que c’est très agité, je n’arrive pas à me concentrer, ça pense tout le temps : d’accord. Ma vérité du moment c’est que ma poitrine est oppressée, fermée ou encore ma vérité du moment c’est que c’est léger et joyeux.

En reconnaissant, en nommant cette vérité du moment, en observant comme effectivement elle change, tranquillement, avec bienveillance, je suis vraiment en contact avec moi-même, mais avec un moi-même qui est bien plus grand, bien plus vaste que toutes ces émotions, ces sensations et c
es pensées qui passent. Un moi-même qui comprend – et il n’est pas nécessaire de la localiser- qui comprend aussi l’observation des phénomènes changeants, du mouvement perpétuel de la vie. Ce qui observe, ce qui voit, ce qui ressent et qui est stable, qui ne change pas, c’est aussi moi-même. Quelque chose de souple, de fluide, qui peut s’élargir et s’élargir à l’infini. Qui peut s’ouvrir, contenir. Et qui est complètement contenu dans le mouvement de la vie.

Ce mouvement de la vie, je peux en prendre conscience, le percevoir, en même temps que la valse des émotions, des sensations, des pensées, je peux le ressentir dans la respiration, et même peut-être avec une attention beaucoup plus fine dans la perception des battements du cœur. C’est aussi moi-même. Lorsque je suis dans cette perspective d’être simplement là, d’accueillir, d’inclure, je peux sentir physiquement l’élargissement, la détente, et prendre conscience que la plupart du temps, ce qui se produit dans mon existence c’est le mouvement inverse : exclure, fermer. Enfin dans le silence, dans ce silence que nous partageons il est possible de sentir que ce contact avec moi-même, un moi-même large, vaste, souple, n’exclut pas les autres, mais me relie à eux.

Je propose de faire le pranam qui clôt la méditation, dans l’intention d’honorer, ce moi-même vaste qui contient tout, qui ne sépare de rien, de s’incliner consciemment devant tout ce que je connais de moi, que je perçois, qui passe, et devant le Mystère, devant le plus Grand, devant l’Ouverture. Et de le faire tranquillement, les yeux ouverts.
Corinne, Belle Chasse 11/05/08




11 commentaires:

Chronophonix a dit…

Et comme le dit Alain, laisser le Mystère, le plus Grand, l'Ouverture, cette Vastitude qui contient tout "contaminer notre quotidien".

Anonyme a dit…

sujets de méditation?

Extrait d’un entretien accordé par Arnaud Desjardins à un magasine/revue de psychologie

De ce qu’avait votre maître, que désiriez-vous ?
La liberté, la plénitude, la présence. Il était comblé et ne demandait rien. C’était lui le plus riche d’entre nous. Et ce qui dominait chez lui, comme chez tous les maîtres authentiques que j’ai approchés, c’est l’amour. Non pas "l’amour émotion" dans son sens galvaudé d’aujourd’hui, mais un amour profond, une bienveillance, un sentiment qui a à voir avec la bonté, l’intelligence du cœur. Ma fille, qui avait 4 ans à l’époque, a demandé à celui que nous appelions Swâmiji s’il possédait des pouvoirs miraculeux comme certains yogis. Il lui a répondu : « In-finite love, infinite patience » (« Amour infini, patience infinie »). Aujourd’hui, je réalise à quel point c’était vrai. Donc, c’est cela qui motive : trouver quelqu’un qui vous donne envie de ce qu’il est et non de ce qu’il a.

Là je suis bien d’accord qu’il est plus important de posséder amour et patience que don pour faire des figures acrobatiques extraordinaires.
Mais j’ai bien lu:
Swamiji reconnaît que c’est ce qu’il possède et non ce qu’il est ?
Arnaud Desjardins « transforme » le « ce qu’il a (possède)» en » ce qu’il est »
C’est un homme qui possède amour et patience qui est la personne à trouver pour motiver (il est question de l’engagement sur la voie)ou c’est un homme qui est amour ? Ou être et avoir se confondent à un moment donné ? ou n’est-ce pas encore le mental qui nous guête ; d’où sort cet amalgame être/avoir ?
Allez je ne résiste pas à vous mettre aussi la question précédente :

Et qu’est-ce qui peut motiver dans cette ascèse si difficile ?
L’envie de se développer dans la ligne de l’être, et non dans celle de l’avoir. Et la rencontre directe avec des personnes qui ont déjà accompli ce travail. Vous savez, Swâmi Prajnânpad, mon guru, n’était à peu près rien, socialement parlant. Mais nous, ses quelques disciples français qui avions des moyens financiers, eh bien je peux vous dire que nous étions des mendiants à côté de lui, des infirmes du cœur… Un jour, je l’ai vraiment compris. Je sortais de l’ORTF, où je travaillais, et il pleuvait des trombes. Je ratai le bus. Mon mental se mit à tourner en vrille. Intérieurement, je ne cessais de me plaindre : « Pourquoi dois-je vivre ça, à attendre sur le trottoir, après une journée de travail, etc. ». A ce moment-là, un producteur très célèbre à l’époque est passé devant moi, confortablement installé dans sa limousine. Je râlais de plus belle : « Oui, évidemment, moi je suis sur le trottoir, trempé, pendant que d’autres… » Et soudain, du plus profond de moi, une question est montée : « Arnaud, de quoi as-tu le plus envie dans ta vie ? Veux-tu ce que possède ce producteur ou bien ce que vit Swâmi Prajnânpad ? » Eh bien, la réponse, évidente, ne s’est pas fait attendre. Et je me suis immédiatement apaisé.

Swami n’a peut-être pas un beau parapluie, ce n’est pas une limousine ,mais il en a un
Arnaud n’en a-t-il pas envie de ce parapluie ? sur le trottoir sous la pluie, ne désirerait-il pas posséder le parapluie de Swami ?
On peut là se poser la question du minimum vital qu’il nous faut posséder….. comment on s’inscrit dans la société ? ….. qu’est-ce que nous lâchons ? par rapport à qui ? à quoi ?
La suite ?


Vous avez expérimenté cette transformation promise par les enseignements spirituels. De quoi est-elle faite ?
Je dirai d’abord qu’il y a une diminution de l’égocentrisme et que, donc, notre perception du monde, des autres, devient plus vaste. Il y a aussi la disparition progressive de ces émotions qui sont toujours liées à « moi, mes souffrances ; moi, mon bonheur ; moi, ma réussite » ; la neutralisation de toutes sortes de pensées inutiles qui sont des projections, des peurs, des illusions ; et ainsi de plus en plus d’ouverture spontanée et aisée aux autres, de plus en plus de présence au moment présent.
Et cela, même dans les pires circonstances ?
Oui. En juillet 2000, j’ai eu un gros problème, un œdème pulmonaire aigu. Peu à peu, je sentais l’eau monter dans mes poumons comme si j’allais mourir noyé. Les secours n’arrivaient pas. Jusque-là, je ne savais pas si je serais capable de « dire oui à la mort ». Et bien, après toutes ces années d’exercice de l’acceptation, je n’ai pas résisté. J’étais calme, entièrement prêt à cette nouvelle expérience. Ce que nous enseignent les spiritualités, « vivre dans le climat du oui », opérait encore. En cela, je veux témoigner : même si j’ai réalisé tous mes rêves d’enfant, comme celui de réussir, d’avoir du succès, de connaître des gens célèbres, de voyager, l’aventure qui de loin reste la plus importante, celle qui surpasse toutes les autres, c’est cette transformation intérieure.

« Moi et mes souffrances» c’est vrai, il faut être très vigilant,
« moi et ma réussite », personnellement, je ne cours après rien de ce côté là (ou je ne l’ai pas encore en conscience ??)
« moi et mon bonheur»?n’est ce pas ce après quoi nous courons tous ? Bonheur, Paix, Amour, Nirvana, Eveil, Plénitude etc……
Arnaud a-t-il été vigilant sur le « moi et ma réussite» ? ne l’a-t-il pas habilement apprivoisé
N’est-ce pas son engagement sur la voie qui l’a rendu célèbre, qui lui a permis de voyager et d’accéder à la réussite (de quoi ?) et au succès dont il rêvait ?
Etre capable de dire oui à la mort ? de toutes façons, aurons nous le choix de dire non ? et en disant un oui conscient, préparé de toute une vie, nous aurons des os aux couleurs de l’arc en ciel ?
Bonne méditation à tous et à toutes
louis

ipapy a dit…

Bonjour Louis, bienvenue sur notre petit blog familial et amical. Bonne lecture et bonne méditation.

lilou a dit…

merci d'avoir retranscrit ces méditations qu'Alain et toi avez proposé à Belle Chasse. C'est un beau cadeau Corinne.

Linda L.

Anonyme a dit…

Oui, ça le fait Corinne...
Merci!

Anonyme a dit…

Quel bonheur de retrouver le blog après trois semaines de déconnection obligée !
Et quel bonheur de "tomber" alors sur cette méditation qui contient tout et conduit à l'Essentiel : à l'Amour et au partage.

Merci Corinne !
Isabelle

Anonyme a dit…

Merci Corinne, j'ai lu avec grand intéret et c'est effectivement un beau cadeau. Merci.
Merci Louis de nous offrir cet entretien d'Arnaud d'une grande richesse ; on ne s'en lasse pas !
Très heureuse journée à vous tous.

philippe a dit…

Cela me me fait souvenir,à un article dans un quotidien.Il s'agit d'une ado.de 17 ans qui a sorti son premier livre qui s'appelle:"bordel de pensées".
Elle dit ,qu'elle ressent cela souvent comme bien des jeunes.

Merci Corinne.

Catherine Bondy:Psycho-Praticienne et Peintre. a dit…

hé ben ! certains commentaires deviennent des posts !
merci Louis de ce rappel d'un des nombreux témoignages d'Arnaud ...
il est bien à propos !
et pour corinne :
merci de retranscrire tellement précisément ce que chacun peut ressentir :
mettre en mot ...
c'est d'une grande aide pour accéder à un peu plus de détente.

Anonyme a dit…

Etre en contact avec sa vérité du moment, un beau travail à faire : ne plus refuser ... étre d'accord ...
Merci Corinne,
Karl

Anonyme a dit…

Oui, c'est possible de faire une méditation devant son ordinateur!
merci de tout coeur pour cette méditation guidée qui me met en contact avec la merveille de la vie qui est là et avec tous les méditants que je ne connais pas.
Sylvie