jeudi 7 août 2008

Être humain...




Voici deux textes extraits de deux livres très différents…J’ai trouvé le rapprochement intéressant. Car ce qui m’a frappé c’est ce que ces deux approches avaient de commun : la place centrale de l’Esprit dans notre humanité. Michel Fromaget universitaire inclassable l’aborde directement, Rupert Isaacson journaliste passionné d’Afrique la découvre au bout de son parcours…




« Tant que nous continuerons de nous éprouver et de nous concevoir comme un être à deux phases : âme et corps, psychisme et physique, alors la question de l’esprit – la spiritualité – nous demeurera étrangère, à tout le moins extérieure, et le cycle de violence n’aura pas de fin. Chaque jour qui passe crie l’urgence d’une transformation en profondeur de notre manière de sentir, penser, agir notre humanité et le monde et la vie, pour que cesse enfin ce jeu du psychique – mais la comédie est millénaire et sans pitié – par lequel chacun refuse l’absurde et la guerre, mais accepte, et le plus souvent conforte activement, les conditions qui les rendent inévitables »

Michel Fromaget
Dix essais sur la conception anthropologique « corps, âme, esprit »
L’Harmattan Essai VI p 117




« C’est bien de savoir d’où l’on vient. Je ne pense pas seulement à la famille immédiate, mais plus généralement, à « notre » origine à tous.

À une époque relativement récente, il y avait quantité de théories sur les origines de l’humanité. Aujourd’hui, nous possédons quelques certitudes : nous avons vu le jour en Afrique, il y a deux cent mille ans à peu près, et de là, nous nous sommes progressivement dispersés dans le reste du monde au gré d’une diaspora. Nous savons que nos ancêtres étaient des chasseurs-cueilleurs et que, pendant environ cent quatre vingt dix mille ans de l’histoire de l’humanité, c’est ainsi que nous avons vécu, sur tous les continents où cette diaspora nous a conduits.

Puis quelque chose d’étrange s’est produit. Nous avons cultivé des plantes et domestiqué des animaux. Le phénomène semble assez récent : il date de plus ou moins dix mille ans. D’autres changements étranges sont alors survenus. Nous avons commencé à créer de surplus de nourriture, qu’il a fallu conserver et protéger. Nous avons eu besoin de plus d’enfants, de façon à fournir le travail nécessaire à la culture. Nous avons commencé à nous regrouper en villages, qui sont devenus des villes. Les éleveurs et cultivateurs de cette nouvelle ère, en regardant les chasseurs-cueilleurs, y ont vu un danger pour le bétail, les clôtures, pour le nouvel ordre. La violence qui s’en est suivie continue de hanter notre époque.

C’est étonnant mais les chasseurs-cueilleurs n’ont pas tendance à faire la guerre. On ne la voit pas représentée dans les peintures rupestres anciennes. Elle ne fait pas partie de leurs contes populaires. Oh, bien sûr ils se battent entre eux. Mais individuellement. Et en général, il ne faut pas très longtemps pour que le reste de la communauté intervienne pour désamorcer la situation. Alors quand les gens déclarent avec un haussement d ‘épaule : « La guerre fait partie de la nature humaine », ce n’est peut-être pas vrai.C’est peut-être une aberration née de notre « crise des deux ans », de notre adolescence, ou de je ne sais quelle étape de notre évolution dans laquelle nous nous trouvons en ce moment.

Les généticiens ont mis en évidence l’existence d’un ADN commun à tous les habitants de la planète et remontant pensent-ils, à une femme qui aurait vécu il y a environ soixante mille ans dans ce qui est aujourd’hui le Botswana, dans le grand Kalahari d’Afrique australe. Il y a soixante mille ans, les habitants de cette région étaient les ancêtres des San, ou Bushmen, d’aujourd’hui. Et les Bushmen y vivent toujours. Survivent.

Les diamants, le bétail, les préjugés inhérents aux tribus de cultivateurs et d ‘éleveurs (tant noires que blanches), la création de réserves naturelles, tout cela a poussé la plus ancienne des culture humaine au bord du précipice. Et pourtant les Bushmen tiennent bon, malgré la torture, le viol, la dépossession, le désespoir.

Comment ? Grâce à une technique spirituelle aussi vielle que l’humanité.

Je n’avais pas l’intention de m’embarquer dans cette histoire de guérison. Mais une fois que vous avez pénétré dans ce monde il n’y a (Dieu merci) pas de moyen de faire demi-tour.


Rupert Isaacson
Les derniers hommes du Kalahari À la rencontre des Bushmen
Latitudes Albin Michel p 11


8 commentaires:

Anonyme a dit…

"Puis quelque chose d’étrange s’est produit. Nous avons cultivé des plantes et domestiqué des animaux. Le phénomène semble assez récent : il date de plus ou moins dix mille ans. D’autres changements étranges sont alors survenus. Nous avons commencé à créer de surplus de nourriture, qu’il a fallu conserver et protéger. Nous avons eu besoin de plus d’enfants, de façon à fournir le travail nécessaire à la culture. Nous avons commencé à nous regrouper en villages, qui sont devenus des villes. Les éleveurs et cultivateurs de cette nouvelle ère, en regardant les chasseurs-cueilleurs, y ont vu un danger pour le bétail, les clôtures, pour le nouvel ordre. La violence qui s’en est suivie continue de hanter notre époque."

Et pire encore, nous avons inventé l'écriture et les livres. Ce qui a nécessité de détruire des arbres pour fournir le papier (ce qui n'empêche pas l'auteur d'écrire des livres!) Encore plus horrible, nous avons inventé ensuite l'internet et les ordinateurs, qui ont besoin d'électricité.

Philippe.

Anonyme a dit…

A lire: "La Spirale Dynamique : Comprendre comment les hommes s'organisent et pourquoi ils changent"
http://www.amazon.fr/Spirale-Dynamique-Comprendre-sorganisent-pourquoi/dp/2100515217/ref=sr_1_1?ie=UTF8&s=books&qid=1218108771&sr=8-1

Ce livre comment la conscience humaine évolue, et quelles sont les avantages et les problèmes de chaque 'stade' de l'évolution humaine.

Philippe

gjmtenba a dit…

Fromaget, lecture conseillée par Alain. A terminer.

Il est intéressant de remarquer que les vrais Hommes sont les plus "sauvages" ou plutôt les plus proches de la nature.
Parmi eux les aborigènes d'Australie, les Hommes du Kalahari, les Dogons, les Masai, les Inuit...

En Grèce il est courant de distinguer trois catégories d'hommes :
les vrais hommes, c'est-à-dire les Crétois,
puis les Iliens,
enfin en dernier les Athéniens.

Acouphene a dit…

François Couplan dans son dernier livre parle également des chasseurs cueilleurs. J'ai adoré le film sur les bushmen "Les Dieux sont tombés sur la tête". Je tenterai d'en mettre un extrait sur mon blog. Merci pour ces textes !

Anonyme a dit…

Merci Corinne pour ces deux conseils de lecture. Ces deux extraits m'ont mis l'eau à la bouche.
Accouphène, j'ai aussi beaucoup aimé le film "Les Dieux sont tombés sur la tête". J'aimerai d'ailleurs bien le revoir.
Karl

Anonyme a dit…

qu'est-ce qu'un vrai homme?
en suis-je un faux?
comment affirmer que les chasseurs cueilleurs ne se battaient pas?
l'homme est un animal, ne l'oublions pas et tous les animaux défendent leur territoire de survie, leur garde manger.
la guerre n'existait pas parce qu'elle n'est pas représentée, qu'on ne la voit pas, que l'on en a pas de preuve? mais alors? et dieu? et mahomet?
et suffit-il de dessiner une scène, un personnage, de représenter un imaginaire pour qu'il soit vrai?

Anonyme a dit…

Lecture sur l'homme :

"Si vous me trouvez un homme normal, je vous le guérirais." CG Jung

Pour les psy. aucun homme n'est normal, adulte.
cf leur DSM IV.

gjm

akidbelle a dit…

Excellent!
je crois que c'est la première fois que je trouve sur ce blog un texte qui place (un peu) la spiritualité dans l'évolution des sociétés humaines.
Dix mille ans, pour nos genes, ce n'est rien: nous sommes construits pour être des chasseurs-cueilleurs, vivant en groupes nomades de 50 à 150 personnes, et qui ne possedent rien!
A+
Jacques