lundi 19 janvier 2009

Ecoute petit homme

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Le musicien de rue était debout dans l'entrée de la station L'Enfant Plaza du métro de Washington DC. Il a commencé à jouer du violon. C'était un matin froid, en janvier dernier. Il a joué durant quarante-cinq minutes. Pour commencer, la chaconne de la 2ème partita de Bach, puis l'Ave Maria de Schubert, du Manuel Ponce, du Massenet et de nouveau Bach. A cette heure de pointe, vers 8h du matin, quelque mille personnes ont traversé ce couloir, pour la plupart en route vers leur boulot.

Après trois minutes, un homme d'âge mûr a remarqué qu'un musicien jouait. Il a ralenti son pas, s'est arrêté quelques secondes puis a démarré en accélérant. Une minute plus tard, le violoniste a reçu son premier dollar : en continuant droit devant, une femme lui a jeté l'argent dans son petit pot. Quelques minutes ensuite, un quidam s'est appuyé sur le mur d'en face pour l'écouter mais il a regardé sa montre et a recommencé à marcher. Il était clairement en retard.

Celui qui a marqué le plus d'attention fut un petit garçon qui devait avoir trois ans. Sa mère l'a tiré, pressé mais l'enfant s'est arrêté pour regarder le violoniste. Finalement sa mère l'a secoué et agrippé brutalement afin que l'enfant reprenne le pas. Toutefois, en marchant, il a gardé sa tête tournée vers le musicien. Cette scène s'est répétée plusieurs fois avec d'autres enfants. Et les parents, sans exception, les ont forcés à bouger.

Durant les trois quarts d'heure de jeu du musicien, seules sept personnes se sont vraiment arrêtées pour l'écouter un temps. Une vingtaine environ lui a donné de l'argent tout en en continuant leur marche. Il a récolté 32 dollars. Quand il a eu fini de jouer, personne ne l'a remarqué. Personne n'a applaudi. Seule une personne l'a reconnu sur plus de mille personnes.

Personne ne savait que ce violoniste était Joshua Bell, un des meilleurs musiciens sur terre. Il a joué dans ce hall les partitions les plus difficiles jamais écrites avec un Stradivarius de 1713 valant 3,5 millions de dollars. Deux jours avant de jouer dans le métro, sa prestation au théâtre de Boston était "sold out" avec des prix avoisinant les 100 dollars la place.

C'est une histoire vraie. Joshua Bell jouant incognito dans une station de métro a été organisé par le « Washington Post » dans le cadre d'une enquête sur la perception, les goûts et les priorités d'action des gens. Les questions étaient : dans un environnement commun, à une heure inappropriée, pouvons-nous percevoir la beauté ? Nous arrêtons-nous pour l'apprécier ?

Reconnaissons-nous le talent dans un contexte inattendu ?

Une des possibles conclusions de cette expérience pourrait être : si nous n'avons pas le temps pour nous arrêter et écouter un des meilleurs musiciens au monde jouant quelques-unes des plus belles partitions jamais composées, à côté de combien d'autres choses passons-nous ?



J'ai vérifié l'histoire est vraie. Voir le lien du Washington Post avec de courtes vidéo.

Envoyé par Nikita, merci ami.......

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10 commentaires:

Corinne a dit…

Cela fait effectivement réfléchir...réfléchir aussi à ce à quoi nous accordons de la valeur. À ce que l'extérieur nous désigne comme ayant de la valeur ou à ce que nous pourrions sentir par nous-mêmes, il est vrai, si nous en prenions le temps de nous arrêter...?

Anonyme a dit…

OUI...
... m' enfin, tout ce petit monde qui se déplace dans ce hall de métro... considère-t-il qu'il a le choix de s'arrêter et de savourer ? De même, en considérant qu' ils ne sont pas aussi insensibles que cela... était-il nécessaire de faire jouer un si illustre musicien (?!) pour faire ressortir la prétendue indifférence ou insensibilité qu' on semble vouloir nous désigner...
La plus grande des étrangetés est pour ma part, dans le fait que celui qui est capable de jouer pour tous, n' importe qui, et pour "personne"... soit surtout capable de se faire payer autant...
Est-ce vraiment nous qui décidons de ce qui se monnaye ? De ce que l'on achète, peut-être, et du prix que l' on y met, sans doute...
D' accord pour la valeur que chacun accorde, pourtant, comme il le peut, je crois...
Merci, pour ce post plus riche en interrogations qu' autre chose, vu d' ici.
Brigitte-confiante

Anonyme a dit…

Merci Nikita, pour ma part je pense que la plupart ne l'on pas remarqué ou à peine à cause de l'endroit, du moment, etc. J'aurai surement fait la même chose que tous ces passants surtout si je partais travailler...Bien qu'en ce moment je lève le pied alors peut être me serais je accordé le droit d'écouter quelques minutes cette belle musique !? Quel est la place du beau dans ma vie ?
merci, Karl

gjmtenba a dit…

Le décalage est sans doute trop important...

C'est triste ces parents qui empêchent leur enfant d'écouter.
Il faut en parler au Dr Sachs.

Cela me rappelle cette histoire vraie : Un homme de très petite taille marche sur un trottoir. L'enfant : " Dis Maman tu as vu le petit Papa ? "
La mère : " Mais non, ne dis pas de bêtise, c'est un petit nain !"

Anonyme a dit…

tu n'as sans doute pas tort,Brigitte...Qui sait comment chacun de nous aurait réagi dans le contexte...Je me souviens pour ma part m'être arrêté plusieurs fois dans le métro parisien pour écouter des musiciens qui retenaient mon attention,mais la plupart du temps sans que j'ai d'impératifs horaires absolus...Quoiqu'il en soit,j'ai l'impression que beaucoup de gens passent à côté de grands musiciens(c'est le cas de le dire!);mais on peut facilement passer à côté de tellement de choses.

Julie du Canada a dit…

Et pourquoi ne pas partir un peu plus tôt le matin. Au cas où....


J.

Anonyme a dit…

Mardi 20 janvier 09 : j'ai entendu cette histoire ce matin à la radio sur France Culture. Comment se fait-il qu'on en entende parler soudainement alors qu'elle date de janvier 2007?
Je me demande s'il n'aurait pas mieux valu tenter l'expérience "du temps de midi" (comme on dit chez nous), soit à un moment où les travailleurs prenant leur pause-déjeûner ont effectivement le temps de s'arrêter au moins 5 minutes.
LoR

Berit a dit…

pour s'apercevoir de la beaute il
faut etre present!Tous ces passants
etaient deja a leurs destinations finales,au futur ou toujours dans le passe,a leur maison... Les enfants ont remarques le musicien,car ils sont bien dans le ici et maintenant.
Et quand il y a un musicien,meme un grand musicien en concert,beaucoup des auditeurs sont aussi ailleurs,sauf qu'ils doivent rester bien assis,apres tout ils ont payes leur places.
Et la je le bien observee moi meme.
Sans presence,sans pratique nous passons a cote de la beaute,a cote de la vie.

Anonyme a dit…

C'est une réalité,
c'est bon de voir la réalité.
Cela m'a rendu reellement triste en grandissant.Je me disais:"Si une beauté nait quelque part et que cela ne sert pas au monde, si le monde n'y est pas sensible,que faire?
Et puis comment se fait il que la beauté ne soit pas reconnu dans le monde puisque c'est la vie est que le monde est la vie?"
Si la beauté n'est pas reconnu c'est qu'elle est refusé,à l'époque je n'ai pas comprit pourquoi et j'en "crevais" littéralement.
Je sentais quelque chose mais maintenant je le vois,c'est l'égo qui étouffe la vitalité dans le monde,qui fuit la beauté et qui donc pompe la vie.
Par rapport à cela,
l'humain ne se comporte pas si mal avec cet égo mal-portant en lui.
Et tant pis pour le neutre dur à lire,l'auto-congratulation generale n'est pas une solution.

Anonyme a dit…

Bonjour, je suis un artiste mime-automate expérimenté depuis presque 23 ans et ce texte très intéressant prouve que je n'ai pas été le seul à vivre la même chose en tant qu'artiste : je me souviens particulièrement d'un enfant qui s'était arrêté net devant moi, mais son père qui lui tenait la main lui avait tiré de force et l'enfant était contraint de le suivre sous peine de l'irriter, je n'oublierais jamais le regard de cet enfant, chargé de tristesse, rivé sur moi alors qu'il peinait à marcher à toute vitesse. L'on oublie de vivre, l'on stresse inutilement, on marche trop vite, on bouge trop vite et on passe à côté de bien des belles choses, ce qui est bien dommage. Ce n'est pourtant pas très difficile de rester alerte et de détecter les opportunités que la vie nous offre sous notre nez, là, ici et maintenant, et de les saisir tranquillement. C'est complètement différent dans une salle quand les spectateurs sont assis sur leur chaise ou leur siège. Normal car ils ne bougent quasiment plus et sont donc plus prompts à percevoir la beauté des choses. Cette étude est intéressante. Longue à vie à ce blog ^^.