lundi 19 janvier 2009

Gurdjieff (5)


Voici la fin du texte décapant de Gurdjieff, qui arrive plus tard que prévu pour cause de monastère : nous arrivons en effet de quatre merveilleux jours de retraite en l'Abbaye bénédictine d'En Calcat.

" Il vous faut savoir encore une chose : chez beaucoup de personnes, certains états sont provoqués artificiellement non par elles mêmes mais par l'Institut. C'est pourquoi porter atteinte à cet état chez un autre peut gêner le travail de l'Institut. La seule chance de salut est de vous rappeler jour et nuit que vous êtes ici uniquement pour vous-même, et que vous ne devez être gêné par rien ni personne ; ou alors faites en sorte qu'ils ne vous gênent pas. Vous devez les utiliser comme moyens d'atteindre vos buts.

Cependant, on fait tout ici excepté ça. Vous avez transformé la vie de l'Institut en quelque chose de pire que la vie ordinaire. Bien pire même. A longueur de journée, les gens sont accaparés par des intrigues, ou déblatérent les uns contre les autres, ou s'ils ne le font pas ouvertement, n'en pensent par moins en leur for intérieur, ils jugent et considérent chacun, trouvant l'un sympathique, l'autre antipathique ; ils affichent des amitiés, collectivement ou individuellement se jouent des tours sordides, le regard toujours fixé sur les mauvais côtés de chacun.

Il ne sert à rien de penser que certains sont meilleurs que d'autres. Il n'y a pas "d'autres" ici. Ici, les gens ne sont ni intelligents, ni stupides, ni anglais, ni russes, ni bons ni mauvais. Il n'y a que des automobiles détraquées, comme vous. Et c'est seulement grâce à ces automobiles détraquées que vous pouvez atteindre ce que vous espériez en veant ici. Chacun de vous y pensait à son arrivée. Maintenant il est nécessaire de vous le rappeler et de revenir à votre première idée.

Tout ce que j'ai dit peut se résumer en deux questions:

1° Pourquoi suis-je ici ?
2° Cela vaut-il la peine que je reste ?


G.I. Gurdjieff in "Gurdjieff parle à ses élèves" Stock/Monde ouvert 1980 page 144 à 149
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3 commentaires:

Christian a dit…

Magnifique de justesse, de rigueur et d'exigence ! J'en tremble...

Anonyme a dit…

Voilà, j'ai tout imprimé, dans l'espoir d'être décoiffée, voire décapée, tous les jours.

Berit a dit…

merci pour ce texte de Gurdjieff.
J'adore la comparaison de son institut avec un garage,parlant des automobiles detraquees ou d'un depot de locomotives,ou les voitures sont sans capots,les pieces demontees,exposees au regard.Les carosses et peintures ne couvrent plus la mechanique.Et mechanique nous sommes tous.C'est bien de regarder comment ca marche.