Le témoignage de Claude

Le survivant du Hoggar

Non, il ne faut pas croire que tout a été rose dans cette aventure saharienne.

Chaque jour une consigne était donnée par Corinne ou Alain, silence pour le 2° jour, vigilance pour le 3°, rien à redire, bien que le silence ait été difficile au début. Nous étions certains à trouver que le lien fraternel du groupe demandait à être renforcé par une connaissance mutuelle plus approfondie , donc parler………un peu !

Mais le 4° jour, alors que je commençais à prendre confiance, à entrer dans le rythme d’une marche lente et silencieuse, ouvert à la beauté de l’espace illimité du désert, la consigne, brutale, angoissante donnée par Corinne est tombée : “il faut sacrifier l’ancien” et, comme certains ne semblaient pas avoir compris, Corinne enfonce le clou: “supprimez le vieux” . Si le vieux (le vieux c’était moi, avec mes presque 74 ans mon ancienneté ne faisait aucun doute) aurait éventuellement accepté d’être sacrifié dans l’intérêt du groupe, la consigne de supprimer le vieux me semblait plutôt mafieuse, quelle raison mercantile pouvait bien se cacher derrière une telle décision ? J’ai regardé Corinne, atterré, elle a éclaté de rire, humour, sarcasme ?
Difficile à savoir, d’autant que, dans le groupe, certains restent impassibles; prendraient-ils la consigne au sérieux ? J’ai survécu à cette journée mais mon mental m’a raconté de bien sombres histoires, j’ai cependant réussi à garder la vigilance de la veille et n’ai remarqué aucun gestes hostiles.......

C’est alors que j’ai trouvé le vieil homme, bien plus vieux que moi, tapi au fond de mon être . Si je ne peux pas affirmer qu’il est mort pour laisser la place à l’homme nouveau, je crois qu’il a été sérieusement touché .
Comme me l’avait promis un chauffeur de 4x4 le jour de notre arrivée : “ en marchant dans le désert, tes pensées tomberont par terre “ Il en reste bien quelques-unes accrochées à la semelle de mes chaussures, mais, ça s’ouvre; de la conscience flèche de l’homme pressé, je m’ouvre doucement à la conscience coupe dont Entayent a été le modèle : simple, tranquille, conscient et “agissant” .

Si j’ai tout de même gardé mes bâtons jusqu’au dernier jour ce n’est pas pour me protéger mais pour assurer mon équilibre, pour m’aider dans les passages difficiles ......

Merci à tous, Corinne et Alain tout d’abord, mais aussi tous les autres, Touaregs et compagnons de route qui m’ont aidé, nourri, encouragé . cela fait bien longtemps que je n’avais senti une telle énergie en moi .

Claude (Le vieux du désert) , retraité dans le monde profane, actif sur le chemin depuis maintenant 23 ans ..............