Avatar : rien d'autre qu'une bête justification de la guerre !
par Pierre Desjardins
Naïvement, beaucoup ont vu dans le film de James Cameron Avatar un film antimilitariste, voire même pacifiste et écologiste. Pourtant, il n'en est rien ! Bien au contraire, ce film se veut l'éloge de la violence et de la guerre. Il est vrai qu'en inversant les rôles et en caricaturant l'armée américaine, ce film vient brouiller les cartes et en a confondu plus d'un. Mais, sous ses décors champêtres idylliques, ce film dissimule toutefois un discours éminemment corrosif : celui de la justification de la guerre pour les paisibles Occidentaux que nous sommes !
Rappelons d'abord la scène de cet arbre énorme qui tombe avec fracas au milieu d'une population désemparée. Comment ne pas y voir l'analogie avec la chute des tours du World Trade Center ? D'ailleurs, à partir de cette scène grandiose, tout se verra justifié pour le peuple d'indigènes sauvagement attaqué sur sa propre planète. Et c'est nul autre qu'un marine américain, Jake, le héros du film, qui proposera aux autochtones de s'unir ensemble (les forces alliées), pour réprimer et tuer ceux qui, tels des terroristes, les ont lâchement attaqués. C'est à ce moment qu'apparaîtra à l'écran dans toute sa splendeur l'aigle impérial américain (sous le couvert d'un dragon géant à la Transformers) que chevauchera hardiment notre héros américain pour mener les indigènes jusqu'à la victoire finale.
Ce héros, un simple soldat américain éclopé de la guerre, revampé dans un corps neuf, va reprendre du service mais pour une bonne cause cette fois-ci ! A ce titre, il est l'illustration parfaite de l'Américain moyen, c'est-à-dire un innocent qui ne veut pas de la guerre mais qui, pour les besoins de la cause, va finir par se transformer en un combattant enragé exhortant même la population indigène à le suivre dans le combat. Lorsqu'on est attaqué, il faut savoir se défendre. C'est là un droit absolu. Tel est le message central de cette superproduction américaine de 300 millions de dollars qui se veut l'expression de l'idéologie guerrière, c'est-à-dire celle de la guerre dite juste ou, si l'on veut, celle du bien contre le mal…
Car le film fait le partage entre les bons guerriers (les Na'vi) et les mauvais guerriers (les GI's). Mais on le sait, il n'y a pas de bons et de mauvais guerriers. Toute guerre, même celle qui semble la plus insensée, se fait toujours pour des motifs dits justes parce que de défense (ce n'est pas pour rien que l'on parle de ministère de la défense). Rappelons que même pour Hitler, la guerre était juste : il s'agissait d'élargir le territoire allemand pour assurer la survie de son peuple. On ne part pas en guerre pour se battre, vous dira d'ailleurs n'importe quel belligérant, mais pour se défendre ! C'est là l'essence même de la guerre et c'est cette essence fondamentale que veut remettre au goût du jour le film Avatar. Le mot même d'avatar, qui vient du sanskrit, désigne un envoyé de Dieu qui assure le combat du bien contre le mal.
Notons par ailleurs comment plusieurs scènes de combat dans la jungle sont un rappel de ce que fut pour les Américains la guerre du Vietnam où, malgré l'utilisation de napalm, la puissance américaine fut piétinée et humiliée. A pareille humiliation, propose subrepticement ce film, il faut désormais savoir riposter intelligemment. Non pas effrontément en écrasant tout sur son passage ou en employant bêtement du gaz toxique, mais en ciblant avec précision l'ennemi, et cela de concert avec les autres nations menacées. Ne trouve-t-on pas là la justification parfaite de la guerre en Afghanistan ?
Et, comme toujours, les indigènes nous sont présentés comme des êtres attachés à des rites dépassés et que doit guider vers le combat le héros intelligent du film. Armé d'une mitraillette pour anéantir l'envahisseur, ce Na'vi d'un type nouveau à l'allure d'un féroce exterminateur donnera l'exemple en montrant à ces pauvres indigènes comment combattre sans pitié et établir leur suprématie. Cela n'est pas sans rappeler les westerns américains où, presque toujours, un vaillant cowboy finissait par s'associer aux Indiens pour les inciter à se battre à mort contre l'armée américaine. En servant ainsi de justicier, pareil héros participait subtilement à une déculpabilisation nécessaire quant au génocide des peuplades d'Amérindiens.
De la même façon, ce film permet de redéployer l'aigle américain avec fierté et noblesse. Son réalisateur, James Cameron, aura sans doute compris mieux que tout autre cinéaste que pour qu'un film plaise, il faut savoir réconforter le public dans ses convictions. Tuer, oui, mais tuer uniquement ceux qui menacent la sécurité de nos pays ! Voilà qui est rassurant et sécurisant. Grâce à ce film, la formule si vis pacem, para bellum ("Si tu veux la paix, prépare la guerre") peut donc reprendre du service. Le seul hic toutefois avec cette vieille et ridicule formule est qu'elle est valable pour tout peuple qui se sent menacé…
Et dommage en terminant qu'un film qui, outre ses prouesses techniques, n'apporte rien de neuf sous le soleil, aille par ailleurs chercher tous les hommages. Se situant quelque part entre un film de Walt Disney et un épisode des Transformers ou encore, entre Jurassic Park et Terminator, Avatar va dans toutes les directions. Par exemple, la formule simpliste d'animaux amis des bons et ennemis des méchants est plus que désolante. Mais pour un pays où les problèmes environnementaux ne sont pas encore pris au sérieux, c'est sûrement amplement suffisant ! Et sans nul doute qu'avec des formules aussi racoleuses, le roi du monde, comme aime se nommer James Cameron, saura plaire à un très large public et sera, une fois de plus, couronné de tous les honneurs !
Pierre Desjardins est auteur et professeur de philosophie au collège pré-universitaire Montmorency (Québec).
Le Monde de mardi
31 commentaires:
Ouf heureusement Mr Pierre Desjardins qu'il y a des gens diplomé comme vous pour me dire que je suis naïve... stupide, ignorante même peut être ? Votre jugement étoffé m'impressionne beaucoup... tout comme m'a impressionné aussi une forme de beauté dans le film de Cameron... pourtant mon énergie n'est pas la même à la lecture de votre texte, qu'au sortir de la salle de cinéma...
Vous voyez dans ce film des choses que je ne vois pas... ce pourrait il que je vois dans le film quelque chose qui vous aurez échappé ?
Cordialement.
Super commentaire ma fille, je suis fier de toi !!
Monsieur Ipapy vous êtes redoutable.
Publier ce texte sans prévenir, "brut de décoffrage".
C'est malin !
Vu que j'ai adoré Avatar, je me sens coupable, impérialiste, militariste,
Ah, il nous faudrait une bonne guerre, tiens....
Désolé, mais je suis en partie d’accord avec ce qui est dit là. Ce qui me rassure un peu car je m’étonnais de l’angélisme généralisé autour de ce film. Mes lunettes 3D avaient-elles aussi été déformantes ? Les scènes d’exhortation au combat m’ont beaucoup dérangé. Mais c’est ressorti après le film car resté en arrière plan pendant ; entièrement pris que j’étais par la prouesse technique qui m’a littéralement scotché bouche bée à mon fauteuil tout le temps de la projection. Je trouve qu’il se dégage de ce film des impressions très fortes et contradictoires qui vont de l’enthousiasme à une certaine gêne.
Bravo Julie, tu as dit juste, et je le ressens comme toi. Même si tout n'est qu'opinion, il y a ce qui se passe dans la tête et ce qu'on ressent dans le coeur. Je viens de revoir le film dimanche, en 3D, que j'ai trouvé encore plus beau que la première fois. Si la violence est patente, la subtilité de certains messages à notre nature profonde me fait plus d'effet. Il est évident que tout le monde ne voit pas la même chose.
Peut-on être intello et sensible, that is the question!
Cela s'appelle une critique, une analyse ! pourquoi le lui reprocher ? il va au-delà de l'image, du scénario. Il interprète, comme d'autres le font avec des textes !
en tant que critique, il a regardé le film avec un regard critique justement, d'où son analyse un peu assassine.
Sans doute que le bonhomme savait que Le Monde lui demandait un article, alors il y est allé chaussé de ses lunettes en mode "critique".
Je suis contente Ipapy que tu aies mis l'article qui ne va pas dans le sens de tes précédents transports en faveur de ce film, c'est une belle preuve d'ouverture d'esprit !
bonne journée !
D'où l'importance lorsque l'on a l'esprit critique de ne pas prendre de télévision ,pour ne pas se faire mal et mariner dans ce style de pensées .
Car même avec beaucoup de sagesse par ailleurs ,être rempli de critiques n'est pas sain pour soi.
Cela ternie la vie.
Il n'empêche ,en tant qu'antidote, regarder un film de Guy Debord est excellant !!
Ça réveille et en durée limitée ,ça fait du bien .
Le propre d'une œuvre d'art (si, si le cinéma peut encore en être un) est de susciter et de supporter plusieurs lectures qui s'avèrent différentes et même opposées.
Et puis une fois encore, cela nous rappelle que personne n'a vu "Avatar" mais que chacun a vu SON "Avatar".
N'y voir qu'une bête justification de la guerre est par trop réducteur mais y voir cela aussi ne m'offusque pas.
Christian Le D.
Dans le genre colonisation brutale et meurtrière, pour des motifs essentiellement d'exploitation de ressources naturelles, il y en a une qui dure toujours actuellement : celle du Tibet par la Chine. Donc, transposons, pour voir : les Na'vis seraient les tibétains, les G.I's les chinois; qu'y verrions nous alors, une apologie de la guerre, ou un combat du bien contre le mal? Mais d'un autre côté, que se passerait-il si au lieu du Dalaï Lama dont l'attitude est un exemple même de la valeur humaine la plus haute, il se présentait un "libérateur" (chinois, si possible...) pour entrainer le peuple tibétain à la résistance ? Et pour revenir au sujet initial, imaginons que Jake Sully soit un sage... Finalement, le film de James Cameron apporte à sa manière son lot de réflexion, ce qui ne m'a pas empêché, je tiens à le mentionner, de rester scotché à mon siège pendant toute la durée de ce spectacle grandiose!
P.S. : juste avant de poster le commentaire, j'ai cherché sur le net, et j'invite chacun à visiter cette page : Avatar en Chine
du pain et des jeux pour la plèbe,
des us dollars - même dévalués - pour cameron
quel plus joli son que celui du tiroir-caisse !
curieux : mon intuition que les chinois avaient leur propre interprétation d'avatar !
gjm
Merci Chronophonix pour l'article sur Avatar en Chine, très intéressant.
Pour compléter le débat, j'aimerais citer l'inspecteur Harry qui se plaisait à rappeller que :
"les avis c'est comme les trous du cul, a priori tout le monde en a un".
Bon alors il faut que j'aille le voir ou pas? Aidez moi!
Oui, n'hésite pas, ça nous fera toujours un avis de plus ;-)
assez d'ac avec toi Dominique... c'est curieux comme il y a des avis kashers ici alors que l'on passe son temps à dire "chacun a vu son avatar"!
L'envie de croire est puissante et les unanimismes me font froid dans le dos... attention à ne pas pas prendre la première poupée venue pour un ... avatar !!
martine/mabes
La citation de "l'inspecteur Harry" m'apparaît assez
pertinente ici---oui, sans doute que chacun aura vu son film ;il n'y a pas à être pour ou contre ce film- que
j'aurai apprécié-mais peut-être reconnaître le positif qui s'y trouve quoi qu'il en soit.
Et un commentaire de plus
Ouais bon faut voir alors? Un Desjardins peut en cacher un autre?
En cherchant dans ma mémoire me revient une affirmation chinoise au 19ème siècle :
elle concernait une colonie d'européens juifs en Chine ; les responsables se demandaient s'il fallait les renvoyer chez eux, mais finalement rien ne fut fait contre eux,
puisque tôt ou tard ils seraient assimilés et chinois eux aussi. L'idée de fond étant que finalement toute la planète sera un jour chinoise; pas étonnant qu'Avatar qui flatte l'orgueil hégémonique US ne leur convienne guère;
gjm
En tout cas il en soulève des questions ce film. J'ai trouvé le scénario très proche de "Danse avec les loups".Les hommes bleus ont des moeurs étrangement ressemblantes aux indiens. De plus j'ai beaucoup aimé que la Terre soit vivante et qu'elle puisse se défendre. Est que le succès du film ne repose pas sur une nostalgie d'un rapport beaucoup plus intime avec la nature et ses forces que nous avons perdu dans nos sociétés modernes ? Et puis voler sur le dos d'un dragon ca doit être génial !!
Karl
Alain, nous avons un ami en commun qui dit : "Les avis c'est comme le trou du c..l tout le monde en à un...
Bonjour Alain et merci pour ce post
mes enfants qui ont 10 ans sont allés le voir avec leur mère, ils ont adoré, leur mère l'a revu plusieurs fois depuis.
Je n'ai regardé que la bande annonce et j'ai trouvé cela violent.
Petite nature me direz-vous? non car des films violents j'en ai vu, certes je préfère d'autres expression cinématographiques.
Je crois qu'il y a tant de violence dans ce monde que celle-ci véhiculée par ce film n'améliore pas les rapports humains.
C'est un point de vue, je verrai le film soit au cinéma, soit en dvd et mon opinion sera alors plus juste, je vous l'accorde!
Enfin chacun peut voir ce qu'il veut dans un film, il y a forcément plusieurs lectures.
Rafael
Mr Pierre Desjardins, je ne suis pas d'accord avec vous, car ce film est bien pire que ce que vous dites.
Merci Alain.
Jacques
"Et,comme toujours (?), les indigènes nous sont présentés comme des êtres attachés à des rites dépassés (...)" ah bon ! "comment ne pas y voir l'analogie avec la chute des tours du World Trade Center ?" Je savais pas que ces tours (malheureusement tombées) avaient une dimension sacrée pour les américains, j'y voyais plutôt un symbole de l'orgueil national. Faut-il comprendre que pour Pierre Desjardins, en cas d'agression il n'est jamais juste de chercher à se défendre pour sauver sa peau ?
Salut Jacques, ton frère va bien?
Bonjour Fish-fish. Je crois, oui.
Pierre Desjardins vous fait un cadeau à tous :)
Pei
Je comprends ce que veut soulever Monsieur Desjardins mais je ne le suis pas dans son exposé.
Il y a aussi beaucoup à prendre en plaisir et en réflexions diverses dans ce film:
Qu'il y ait un côté "à la gloire des U.S." et une certaine apologie facile du new-age, c'est sûr mais, avec un peu de conscience, il y a des aspects très nourrissant sur le plan de l'inconscient collectif et des interrogations qu'il peut susciter sur notre monde moderne et ses excès.
Au final, un excellent moment divertissant sans culpabilité et ... un tri à faire dans les nourritures qu'il propose ?
Le "yogi" apprend à digérer toutes les formes de nourritures, y compris les "poisons" ? Personnellement je me suis régalé !
Pascal C.
Le commentaire de Desjardin en vaut un autre, toutes les figures rhétoriques étant de mise comme le disait si bien l'inspecteur Harry. Ce qui m'a frappé dans le film c'est l'inversion du rapport de dominations, de l'occidental sur la nature, du 'sauvage' sur le colon. Force et faiblesse du technologisme occidental face à la nature, révélation du sous-jacent guerrier du paisible indigène.
Je trouve seulement dommage que Desjardins se soit sentit obligé de faire référence à l'attrape nigaud 9/11-terrorisme, encore fallait-il plaire à l'éditeur, pour le moins symbole cette fois ci réel de notre décadence à nous, occidentaux.
franchement ceux qui n'aiment pas avatar ne sont pas normal,en tout cas c'est mon opignon .je dit cela car il est deja super bien fait et aussi l'histoire n'est pas mal du tout avec les na'vis ... voilà
franchement avatar est trop génial
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