mardi 10 juin 2008

Faites vous-même votre malheur





Il a beaucoup été question d'être heureux hier. A ce propos, connaissez-vous cette perle qu'est le petit livre de Paul Watzlawick : "Faites vous-même votre malheur" ?
Voici un extrait et une présentation très rapide de l'auteur....Bonne lecture !



Paul Watzlawick a étudié et travaillé dans plusieurs pays - Italie, Suisse, Salvador - avant de s'installer aux Etats-Unis, où il devient l'un des piliers de l'institut de recherche mentale de Palo Alto en Californie dès les années 1960.







« Vivre en conflit avec le monde et, en particulier avec les autres hommes, voilà qui est à la portée du premier venu ; mais sécréter le malheur tout seul, dans l’intimité de son for intérieur, c’est une autre paire de manches. On peut toujours reprocher son manque d’amour à son partenaire, attribuer les pires intentions à son patron, ou mettre sa propre mauvaise humeur sur le compte du temps qu’il fait – mais comment s’y prendre pour faire de soi-même son pire ennemi ?

Les abords du malheur, comme un itinéraire fléché, sont marqués de divers poteaux indicateurs frappés au coin de la prétendue sagesse des nations. Le bon sens a présidé à leur érection, ou l’instinct immémorial, ou celui des autres noms qu’il vous plaira de donner à cette mystérieuse source d’inspiration. On ne s’inquiétera surtout pas de découvrir si, pour chacun de ces adages, il en existe en règle générale un autre qui le contredit diamétralement : « Mieux vaut tenir que courir », mais « Qui ne risque rien n’a rien », par exemple. Là n’est d’ailleurs pas la question, car il s’agit d’en choisir un et un seul et de s’y tenir mordicus, d’en faire sa règle de vie, l’expression de Soi-Même, de façon à parvenir à l’absolue conviction qu’il n’existe qu’un seul point de vue valide : le sien propre. Depuis un tel poste d’observation, il deviendra plus évident que le monde ne tourne pas rond. Et nous tenons là de surcroît, le moyen de distinguer les véritables experts des dilettantes. Ces derniers s’arrangent, au moins par moments, pour hausser las épaules avec fatalisme et poursuivre la morne tâche de vivre d’un jour sur l’autre. Mais celui qui demeure loyal envers lui-même refuse d’entrer d’en d’aussi mesquins compromis. S’il faut choisir entre le monde tel qu’il est et le monde tel qu’il devrait être (choix crucial qui figure déjà dans les Upanishad), notre expert opte sans balancer pour le second, rejetant avec horreur le premier. Seul maître à bord de son vaisseau que les rats ont déjà abandonné, il cingle héroïquement à travers la nuit et la tempête. On ne peut que déplorer que son répertoire de vieux adages sagaces ne renferme point celui-ci, déjà connu des Romains : Ducunt fata volentem, nolentem trahunt – le destin guide celui qui l’accepte et traîne celui qui le refuse. »


Paul Watzlawick
Faites vous-même votre malheur
Ed du Seuil p 17-19



7 commentaires:

ipapy a dit…

Super, merci Corinne, que je n'arrive pas à joindre au téléphone..........tu as vu mon mail.....bisous

Madeleine a dit…

Oui, je connais, c'est pétri d'humour subtil et de références littéraires.
De la même veine : "Comment réussir à échouer"
Il cite Dostoievski (Les Possédés)
"Tout est bien... Tout. L'homme est malheureux parce qu'il ne sait pas qu'il est heureux. Ce n'est que cela. C'est tout, c'est tout !
Quand on le découvre, on devient heureux aussitôt, à l'instant même..."
Bref, la situation est désepérée, et la solution désepérément simple.

Merci Corinne.

Acouphene a dit…

Oui et s'entraîner à ne pas se trainer...

Berit a dit…

pour changer quelque chose il faut d'abord le oui,l'acceptation de ce qui est,ne nous conviens pas.Voila,
Ipapy nous le montre tres bien en haut de la page.
Sans ce oui nous serons traines et pas guides par le destin,j'aime bien cette formulation.

akidbelle a dit…

Je crois que je vais acheter ce bouquin.
La premiere phrase de ce texte est tres humoristique, ca peut facilement masquer que:

- Vivre en conflit avec le monde et, en particulier avec les autres hommes..

et

- ..sécréter le malheur tout seul, dans l’intimité de son for intérieur.

c'est bel et bien la meme chose. ..du moins tel que je le ressens, il n'y a pas l'un sans l'autre, ni l'autre sans l'un.

A+
Jacques

Ann a dit…

Avec :"le chemin le moins fréquenté" de Scott Peck, "Faites-vous même votre malheur" et le second d'une trilogie qui pour moi a fait l'effet d'un électrochoc dont je ne me rends compte qu'à postériorié (peut-être est-ce normal en cas d'électrochoc ?!...) et le dernier, également de Paul Watzlawick qui n'est pas des moindres avait pour titre : "Le langage du changement". Je les ai lus il y a environ 15 ans, je me sens rafraichie de revoir ce texte sur le blog et en même temps, je me demande si c'est normale de se sentir "rafraîchit" en regardant (déjà) 15 ans en arrière...

Ann a dit…

Désolée pour les fautes de frappe et d'orthographe, c'est l'embalement.