mercredi 8 avril 2015

Les âmes blessées / Boris Cyrulnik


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La deuxième partie de l'autobiographie de Boris Cyrulnik.
Un panorama plus qu'intéressant sur son histoire personnelle et sur l'histoire de la psychiatrie. Une manière de zoom arrière sur l'évolution de la conception de la maladie mentale en France et plus largement en Occident. Le regard de Cyrulnik est clair et toujours bienveillant.





" Au XIX° siècle, la syphilis rendait malade une partie importante de la population. Dans les années 1950, le chancre mou ou les maladies de peau qui donnaient à voir la faute vénérienne provoquaient le rejet du malade et sa honte. Il n'osait même pas consulter un médecin de peur de subir son mépris. Cet évitement faisait la fortune des charlatans qui soignaient par correspondance avec des produits inutiles. C'est la pénicilline qui a guéri la honte d'avoir une maladie vénérienne! Elles a modifié les récits culturels en démontrant qu'il s'agissait d'une maladie infectieuse et non pas d'une punition pour faute sexuelle. Et pourtant "la maladie mentale qui prend consistance en ce siècle où naît la clinique" a gardé cette mauvaise odeur de faute. On n'ose pas avouer sa dépression, même quand elle est normale après une série d'événements catastrophiques. On masque les symptômes, on souffre en secret, car l'aveu de troubles psychiques ajouterait la honte à un désespoir logique. Alors comment voulez-vous qu'on parle de sa bouffée délirante, même quand elle est guérie? Tout un pan du monde psychique est inabordable parce qu'il est honteux. Dans un contexte culturel où l'on accorde à la souffrance une fonction de rédemption, il est logique d'attribuer la cause de cette souffrance à une faute. Non seulement on souffre, mais quand on appelle au secours, on s'entend répondre qu'on est coupable. Plus tard, on dira que notre mère est cause de notre malheur et, après Mai 68, c'est la société qui deviendra la source des souffrances psychiques. Pendant quelques années, les étudiants ont dû lire des livres où on leur expliquait que le capitalisme était la cause de la schizophrénie. Quelle que soit l'origine du mal  -  péché sexuel, transgression morale, culpabilité maternelle ou capitalisme  -  on demeurait encore dans l'univers de la faute.

page 131/132

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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Le sujet m'intéresse, je prends note...
JP gepetto