mercredi 25 novembre 2015

Participer à la guérison du monde

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Photo de Véronique Fabart


Participer à la guérison du monde

Même si elles ne l'exprimeraient probablement pas avec ces mots, il y a dans les motivations des nonnes de Dongyu Gatsal Ling un fort accent altruiste et la certitude que leurs méditations et leurs rituels sont une contribution au bonheur et à la bonne santé du monde, de tous les êtres sensibles. C'est une des différences entre la pensée orientale et la pensée occidentale. Spontanément l'occident orienté vers la matière, vers l'extérieur va penser l'aide à autrui sous une forme matérialiste : l'action citoyenne, politique au sens noble du terme, humanitaire. Et l'occident déploie dans ce domaine tout son talent lorsqu'il met au service du monde ses formidables compétences technologiques. C'est parfois en oubliant ou en niant que la matière n'existe que comme expression de l'esprit. C'est ainsi que chez nous ceux qui prient sont parfois considérés comme des inutiles qui ont fui l'action et le monde.
J'ai constaté que les nonnes de DGL voient les choses autrement et que pour plusieurs d'entre elles avec qui j'ai pu parler, devenir nonne, passer son existence terrestre à prier, méditer, accomplir des rituels était spontanément la réponse lorsqu'elles constataient l'océan de souffrance autour d'elles. Le bouddhisme tibétain insiste beaucoup sur une des conséquence pratique de la non séparation : pratiquer pour soi, vouloir sortir de sa souffrance, atteindre le bonheur pour soi est un non sens. La pratique de la méditation doit englober le monde, non par altruisme mais par réalisme parce qu'il n'y a pas de séparation entre le monde, les autres et moi. J'entends encore Jetsunma prolongeant le « Be happy » de Swami Prajnanpad. « Soyez heureux » car une personne malheureuse est automatiquement ego-centrée. Commencez votre pratique en vous donnant de l'amour et naturellement cet amour va se tourner vers les autres, va déborder vers eux. Et c'est ainsi que vous pourrez stabiliser l'expérience de la nature de l'esprit car la nature de l'esprit est ...amour.
Pour Jetsunma comme pour les nonnes de DGL, il ne fait pas de doute qu'être des nonnes heureuses est ce qu'elles peuvent offrir au monde souffrant et que sortir elles-mêmes de l'illusion du samsara n'est pas le but mais l'étape nécessaire pour ensuite aider les autres à le faire. C'est probablement une des raisons de la puissance et de l’extrême dignité de ces toutes très jeunes filles lorsqu'elles pratiquent les rituels. Elles mettent leurs pas dans ceux de leurs maîtres et ont conscience de la valeur universelle et de l'importance de ce qu'elles pratiquent.

Nous avons été bouleversés de voir dans les bâtiments des nonnes que nous visitions exceptionnellement – nous étions venus remercier les cuisinières pour leur nourriture pleine d'amour – sur un panneau d'affichage, au milieu de textes en tibétain, la photo de notre ami Alain-René. Il avait eu un AVC depuis quelques temps déjà et lorsque j'ai demandé à Jetsunma à la fin de l'entretien de l'entretien qu'elle nous a accordé ce que nous pouvions faire pour lui, la réponse a fusé : « But the nuns can do ! » ( Mais les nonnes peuvent faire quelque chose!) C'est ainsi que nous avons joint la France pour avoir une photo d'Alain-René qu'elles avaient dans l'esprit lors du rituel du soir au temple. Elles ont prié pour lui, comme l'ont fait aussi les Carmélites de Lisieux. Pas de séparation, et la prière, ensemble, comme une évidence.

Et à l'heure où je suis en train de recevoir les inscriptions au Constellations de Décembre à Valence, je ne peux pas m'empêcher de faire le rapprochement.
J'ai été touchée de voir combien plusieurs personnes après être venues participer avec un thème personnel précis, revenaient, même sans thème, pour se mettre au service des autres en tant que représentant. Parfois elles demandent quelque chose pour elles, parfois non, elles savent que ce qu'elles donnent pour les autres, elles le reçoivent aussi. Ces personnes sont celles qui ont vraiment compris ce dont il s'agissait dans les Constellations. Elles ont compris que guérir de nos souffrances personnelles n'est pas un acte séparé, que l'interconnexion - une évidence dans les Constellations - fait que « ma » guérison est liée à l'ensemble et qu'en fin de compte, il s'agissait de participer à la guérison du monde.  
Tu faisais Alain-René partie de ces personnes qui sont revenues régulièrement consteller . Fidèle parmi les fidèles, là comme ailleurs. Et pour cela aussi sois remercié.
Participer de cette manière de moins en moins ego-centrée, quelle que soit la pratique, Méditation, Constellations, Prière est la seule porte de sortie de la souffrance -et bien sûr ces pratiques ne sont pas exclusives d'un engagement social et politique. Là encore ce n'est pas l'un ou l'autre mais l'un et l'autre.

Au niveau spirituel, non pas « moi et ma souffrance, mais la souffrance sans moi » Cela demande dès le début du processus de s'ouvrir et que  donner et recevoir sont simultanés... Les nonnes font ça très bien, avec l'enthousiasme et la force de leur jeunesse.

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6 commentaires:

ipapy a dit…

Superbe et inspirant comme toujours. MERCI
Tu devrais écrire plus souvent ;-)

christiane a dit…

Très beau texte Corinne ! Très apaisant ! Belle et douce évocation d'Alain-René ! J'en suis toute réchauffée ...!!!

Anonyme a dit…

Gratitude et Silence...
JP gepetto

sylvie a dit…

C'est vrai et beau (pléonasme ?). Grand merci, Corinne.

philippe a dit…

Merci Corinne,oui, rien n'est séparé.

Anonyme a dit…

Merci Corinne !
Karl