mercredi 2 avril 2008

Une spiritualité qui transforme (5)

(suite du 4)

Sagesse et Compassion


Mon point de vue n’est-il pas terriblement élitiste ? Mon Dieu, je l’espère. Si vous regardiez un match de basket ne préféreriez-vous pas voir jouer Michael Jordan que moi ?
Si vous aimez la pop musique, pour qui êtes vous prêt à payer pour écouter ? Moi ou Bruce Springsteen ? Lorsque vous lisez de la belle littérature, préférerez-vous passer du temps à lire Tolstoï ou moi ?
Si vous payez 64 millions de dollars pour un tableau, le feriez-vous pour un Van Gogh ou pour un de mes tableaux ?

L’excellence est élitiste. Y compris l’excellence spirituelle. Mais l’excellence spirituelle, est un élitisme auquel nous sommes tous invités. Nous nous tournons d’abord vers les grands maîtres comme Padmasambhava, sainte Thérèse d’Avila, le Bouddha, Dame Tsogyal, Emerson, Eckhart, Maimonide, Shankara, Sri Ramana Maharshi, Bodhidharma, ou Garb Dorje. Mais leur message est toujours le même : laissez cette conscience qui est en moi être en vous.

Vous commencez comme élitiste et vous finissez égalitaire, toujours.

Mais entre temps, il y a cette sagesse furieuse qui hurle dans nos cœurs; nous devons, tous, garder notre attention sur le but de la transformation ultime. Donc toute spiritualité intégrale ou authentique inclura forcément toujours un appel critique, intense et par moments polémique, de la part du camp de la transformation au camp purement translatif.

Si nous utilisons les pourcentages du chinois Ch’an comme exemple de base, cela veut dire que 0,0000001% de la population est engagé de façon active dans une authentique spiritualité, alors que 0,99999999 % de la population est impliqué dans des systèmes de croyances non transformatrices, non authentiques, purement translatives ou horizontales. Et cela veut dire, eh oui, que la grande majorité des aspirants spirituels dans ce pays comme partout ailleurs sont impliqués dans des pratiques qui sont loin d’être authentiques. Il en a toujours été ainsi; et c’est le cas maintenant. Ce pays ne fait pas exception.

Ce qui devient beaucoup plus dérangeant en Amérique aujourd’hui, est qu’une immense majorité d’adhérents de mouvements spirituels horizontaux prétendent souvent être à l’avant-garde de la transformation spirituelle, d’apporter le « nouveau paradigme » qui va changer le monde, la « grande transformation » dont ils sont les éclaireurs. Mais dans la plupart des cas ces nouveaux paradigmes ne sont pas transformateurs du tout. Ils sont purement et agressivement translatifs. Ils n’offrent pas de moyens efficaces pour démanteler le moi, mais proposent au moi de nouvelles façons de penser. Pas des moyens de transformation, mais des nouvelles façons de translater. En fait, ce que la plupart de ces mouvements proposent ce ne sont ni des pratiques ou des séries de pratiques, ni des sadhana, satsang, shikan-taza ou yoga. Ce que la plupart de ces mouvements offrent c’est : lisez mon livre sur le nouveau paradigme ! Tout cela est profondément dérangé et profondément dérangeant.

Ainsi les camps spirituels authentiques, tout en gardant le cœur et l’esprit des grandes traditions de transformation, feront coexister deux choses : une appréciation et un engagement pour les pratiques mineures et translatives (dont dépend leur succès généralement) et un cri du cœur tonitruant – hurlant que cette translation ne suffit pas en elle-même.

Par conséquent tous ceux qui ont été bousculés dans la profondeur de leur âme par la transformation authentique doivent, je le crois, en découdre avec le profond engagement moral, lancer cet appel du cœur – que ce soit tranquillement avec douceur et pleurant de réticence; ou avec un feu brûlant et une sagesse furieuse; ou par l’analyse lente et prudente; ou en étant un inébranlable exemple public. L’authenticité porte en elle de façon absolue une obligation et un devoir. Vous devez l’exprimer, secouer l’arbre de la spiritualité, braquer sur les yeux des complaisants les phares de votre réalisation au mieux de votre capacité. Vous devez laisser cette réalisation radicale déferler à travers vos veines pour ébranler ceux qui vous entourent.

Et si par malheur vous manquez à cet appel, vous trahirez votre propre authenticité. Vous dissimulerez votre état véritable. En refusant de déranger les autres, vous refuserez de vous déranger vous-même. Vous serez de mauvaise foi avec un mauvais relent d’infini.

(à suivre)


15 commentaires:

Anonyme a dit…

Oh! c'est de mieux en mieux!...encore!...

Super chouette, cette liste des manières différentes et authentiques de s'engager, selon le style de chacun...

Anonyme a dit…

De mieux en mieux... effectivement....

Vincent a dit…

Vivement que ça ne s'arrête pas !

Berit a dit…

oui,aussi a Hauteville il y a ce cri,que la translation ne suffit pas en elle-meme.Alain il faut crier encore plus fort.Mais pour que le cri soi entendu il faut aussi les oreilles. Intimement il y a ce cri aussi,je me demande souvent si je" m'offre des moyen efficaces pour demanteler le moi".Ou si je "propose au moi de nouvelles facons de penser".Tout enseignement peut etre pense,celui d'Hauteville et aussi celui de Douglas Harding .Je dois,moi-meme(car personne ne peut le faire pour moi) veiller qu'ils sont en service de la transformation,instant par instant,et pas pour "des nouvelles facons de translater".Pas evident.

Anonyme a dit…

Wilber a fait pas mal d'entrevues avec Andrew Cohen pour son magazine 'What is enlightenment'. Sur le site www.wie.org recherchez le mot clé 'wilber' et vous devriez pouvoir lire ses entrevues. En anglais evidemment.
Philippe.

Anonyme a dit…

Il semblerait que des versions francaises soient aussi disponibles! sur www.wie.org , cliquez en bas a gauche sur version francaise. Des versions francaises des entrevues entre wilber et Cohen sont aussi disponibles. Je ne sais pas si toutes les version anglaises ont été traduites. A voir.
Philippe.

philippe a dit…

Et,bien ,nouvelle découverte et approfondissement de ces étapes.
le but ,c'est le chemin.
Le moi de philippe peut tout récupérer.
Alors:qui suis je?

Anonyme a dit…

Allez, c'est parti, comme au rugby, après la description de chaque camp, le temps est venu de voir et sentir ce que nous voulons :
s'accrocher de façon crispée à la balle, à sa forme connue ou oser suivre la mêlée qui recouvre peut-être la balle ou son absence et s'aventurer vers des essais sans formes...
Enfin, facile à écrire, à l'intérieur la peur est bien présente.
J-P esso-petto

Berit a dit…

oui J-P esso-petto,la peur est bien presente.Mais qui a peur?
Suis-je cette peur ou...

Nadia B a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Nadia B a dit…

Pas 0,99999999 mais 99,9999999 n'est ce pas ?
Ou me trompe-je ?

fishfish a dit…

Bon c'est pas le tout, j'ai le dîner à préparer...Bref,comme le dit Ramdas:
"La seule chose à comprendre pour l'homme, si il veut atteindre la suprême Vérité, c'est qu'il doit renoncer à la notion d'individualité-Rien d'autre.

deed yea a dit…

oups ! Moi ronronnait tranquillement dans l'acceptation de l'idée que développe ce texte... jusqu'au dernier (provisoirement) paragraphe où il se sent inconfortablement concerné...

Anonyme a dit…

99,9999999 % , oui Nadia, Ah c'était sans doute pour voir ceux qui suivent!

Anonyme a dit…

Translatif, qui opère le transfert, d'une chose, ... Larousse de Poche.

Changement et transformation.
Aller de l'état A à l'état B, par la transformation.
La peur est naturelle, car sauter en parachute en ignorant si il y aura une terre où se poser !

gjm