mardi 14 février 2012

L'Espace de la Grande Vacuité Immuable

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Photo de Matthieu Ricard : monastère de Shéchèn au Népal



"Bien que le sujet et l'objet ne soient pas deux,

Ils nous apparaissent comme des entités fondamentalement distinctes.

Et en nous y attachant, nous renforçons toujours davantage cette tendance :

Le samsara ce n'est rien d'autre que cela.

Bien que les bons et les mauvais actes soient dénués de réalité propre,

Par le pouvoir de notre intention ils ont pour effet bonheurs et malheurs,

Tout comme les graines de plantes sucrées ou amères

Donnent des fruits au goût correspondant.

Ainsi, le monde apparaît-il de façon similaire

À ceux qui ont des karmas communs,

Et de façon dissemblable à ceux dont le karma diffère.

En fait, même si l'on « va » en enfer ou ailleurs,

Ce n'est qu'un changement de notre perception du monde.

Comme dans les rêves, où les choses qui nous apparaissent n'existent pas,

La racine de toutes nos perceptions illusoires est l'esprit.

La nature de l'esprit transcende les notions d'existence

Et de non‑existence, d'éternité et de néant :

À cette nature on donne le simple nom d'« espace absolu ».

Cet espace, de lui-même parfaitement pur,

Ce ciel immaculé, vide et lumineux, sans milieu ni pourtour,

Se trouve depuis toujours au cœur de chaque être,

Son « visage » occulté par le voile éphémère des constructions mentales.

Difficile est de mettre fin par la force

À l'enchaînement continuel des pensées,

Mais si, quand elles surviennent, on reconnaît leur nature,

Les pensées n'ont pas d'autre choix

Que de se libérer dans leur propre sphère.

Sans poursuivre les pensées passées

Ni inviter les pensées futures,

Demeure dans l'instant présent, et reconnais

Simplement la nature de ce qui surgit dans ton esprit.

Détends-toi dans la simplicité libre d'intentions et d'attachements.

Bien qu'il n'y ait là rien à « méditer »,

Demeure dans la pleine conscience sans te laisser distraire

En t'habituant, sans rien altérer, à la manière dont les choses se présentent d'elles-mêmes,

La sagesse primordiale, d'elle-même lumineuse, s'élèvera de l'intérieur.

« Comment cela ? » demanderas-tu :

Si tu laisses reposer de l'eau trouble,

Elle deviendra naturellement limpide.

La plupart des autres « méditations »

Ne sont que d'éphémères accalmies de l'esprit.

L'espace de la grande vacuité immuable

Et la simple luminosité de la présence éveillée ininterrompue

Sont depuis toujours indissociables.

Tu dois faire toi-même l'expérience de cette chose essentielle

Qui se trouve en toi : personne ne peut le faire à ta place."


NYENDRAK LOUNGRIK NYIMA (XIXème Siècle)

'
cité par Matthieu RICARD
"Chemins spirituels, petite anthologie des plus beaux textes tibétains"
p224 à 226.


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3 commentaires:

yannick a dit…

Magnifique.

Anonyme a dit…

Oui , comme Yannick , magnifique !
Cela pourait être un
"Texte Sacré de Chevet",
pour se donner l'occasion
de le lire et le relire ...
tellement son parfum est subtil.
Merci Alain.

Anonyme a dit…

J'ai adoré lire ça, ça me "réconforte" dans ma pratique, c'est essentiel, ce texte est essentiel pour moi. Merci, décidément ce blog est vraiment riche c'est une bibibliothèque virtuelle vivante. Cool.

Florian