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Voilà, nous partons ce matin. Quelques heures de train, d'avion, d'aéroports divers et nous serons en Inde. Ce n'est pas un vol direct mais j'aime ces heures de transition. Je me les représente comme un long tunnel où il n'y a qu'à se laisser porter. Au bout, il y a Chennaï.
Elles sont nécessaires ces heures intermédiaires, non seulement pour des raisons évidentes d'incarnation soumise aux lois de l'espace et du temps mais aussi pour amortir le choc. Je me souviens d'un film sur les indiens Kogis. La première fois qu'ils ont pris l'avion, ils n'ont rien dit mais à l'arrivée, ils se sont assis sur le tarmac et ont attendu. Lorsqu'on leur a demandé ce qu'ils attendaient, ils ont dit qu'ils attendaient leurs âmes car leurs corps avaient voyagé si vite qu'elle n'avait pas eu le temps de suivre.... C'est ça. Il faut du temps pour que l'âme suive et à la vitesse des avions, elle a bien du mal, la pauvre.
Après l'emploi du temps chargé des derniers jours de préparatifs - mettre les affaires en ordre, prévoir ce qui est nécessaire pour là-bas et ce qui l'est pour ce qui va rester ici, la maison, le chat, les plantes, - il y a ce temps flottant, entre deux continents, entre deux cultures, entre deux saisons. Ces lieux fermés que sont les aéroports, assez semblables dans leur organisation mais qui chacun à sa manière manifeste la différence du monde juste là, dehors. Les mêmes enseignes, les mêmes passages obligés, vérification des bagages, du passeport, contrôles, encore des contrôles... Et puis de ci de là, un indice du pays où l'on se trouve, niché dans la couleur de la moquette ou la musique diffusée dans l'aérogare, la langue parlée dans les micros, les vêtements des gens qui circulent - dès qu'on sort d'Europe, on sort du noir, du gris et du marron - la température et l'odeur de l'air du dehors qui parfois s'engouffre comme par mégarde dans les couloirs interminables.
Quelle heure est-il ? Tout à coup, on se rappelle que l'heure est aléatoire, qu'elle n'est pas certaine, que toutes les montres n'indiquent pas la même. L'heure, c'est juste celle d'"ici".
Et puis il y a ces écrans devant chaque fauteuil qui ont un programme magique, celui où on voit l'avion dans lequel nous sommes survoler la carte du monde en dessinant derrière lui un long trait noir : Tachkent, tu as vu, nous survolons Tachkent et plus loin, là en bas c'est la chaîne du Karakorum... Par le hublot on ne voit rien, trop de nuages ou trop haute altitude, ou encore c'est la nuit. D'ailleurs la nuit on la voit sur l'écran, matérialisée par les couleurs plus foncées de la carte et je vois sa limite loin, plus loin, à l'Est où le soleil s'est déjà levé. Nous allons vers le jour. Ou est-ce le jour qui vient vers nous ? Sommes nous immobiles, suspendus, au dessus de la terre qui fait avancer les pays sous le ventre de l'avion ?
Quelle heure est-il ? Tout à coup, on se rappelle que l'heure est aléatoire, qu'elle n'est pas certaine, que toutes les montres n'indiquent pas la même. L'heure, c'est juste celle d'"ici".
Et puis il y a ces écrans devant chaque fauteuil qui ont un programme magique, celui où on voit l'avion dans lequel nous sommes survoler la carte du monde en dessinant derrière lui un long trait noir : Tachkent, tu as vu, nous survolons Tachkent et plus loin, là en bas c'est la chaîne du Karakorum... Par le hublot on ne voit rien, trop de nuages ou trop haute altitude, ou encore c'est la nuit. D'ailleurs la nuit on la voit sur l'écran, matérialisée par les couleurs plus foncées de la carte et je vois sa limite loin, plus loin, à l'Est où le soleil s'est déjà levé. Nous allons vers le jour. Ou est-ce le jour qui vient vers nous ? Sommes nous immobiles, suspendus, au dessus de la terre qui fait avancer les pays sous le ventre de l'avion ?
Le voyage a vraiment commencé : nos certitudes sur l'heure, le temps qu'il fait, le lieu où nous sommes, notre vision habituelle d'un monde connu qui change peu et dans lequel nous nous déplaçons avec la mécanicité de l'habitude, tout cela vacille doucement, un léger doute s'est infiltré dans nos repaires... Et juste par des noms sur une carte accrochée au fauteuil de notre voisin de devant, le monde, le vaste monde dans son incroyable diversité a fait brusquement irruption dans notre bulle.
Elle éclatera cette bulle, à l'arrivée, sous l'assaut des klaksons et du brouhaha, des voix de tête qui s'interpellent dans une langue inconnue, de la chaleur moite qui nous enveloppe dans un bain de vapeur tandis que les couleurs éclatantes des saris et l'odeur entêtante du jasmin que les femmes portent dans leurs cheveux finit de nous étourdir.
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12 commentaires:
Tu écris bien Corinne!
Blog-machin me dit c'est une erreur, votre message ne sera pas transmis...
je recommence :
i. quelle poésie, l'âme qui rejoint le corps, pourtant elle est plus légère que lui !
ii. le soleil ni ne se lève ni ne se couche, c'est la terre qui tourne sur elle-même. j'en suis toujours étonné.
iii. j'ai offert à Noël un échiquier Made in India à mon petit fils V. Magnifiques pièces et plateau.
Bon séjour à vous et à A.
gjmtenba
tres beau texte Corinne
bon voyage a vous deux
Beatrice
Chère soeur de coeur,
Il faudra que tu écrives un beau livre de "voyages poétiques et spirituels", illustré de belles photos
prises par ton cher et tendre !
Bon voyage à vous deux et à tous le groupe…
Je vous accompagne de tout coeur,
Alain-René
MAGNIFIQUE ! A quand le livre ?
A quand le livre ?
je vous propose Corinne d'être lecteur-vérificateur final avant envoi chez l'éditeur. j'ai de l'expérience dans ce domaine.
gjm
C'est drôle car l'idée du livre m'est apparue en lisant ton texte Corinne.
Alors j'attends le jour où j'ouvrirai sa première page...........
Aujourd'hui,je m'envole virtuellement pour Chenaï.D'ailleurs,j'en ai rêvé cette dernière nuit.
Bises à vous 2
mjo
Ton texte me donne une "bonne" nourriture, qui me permet de vous accompagner par le sentiment.
Soyez à votre tour, nourris pleinement et profondément durant votre voyage.
Gurubaï, je vous embrasse fort.
J-P gepetto
L'idée du livre, moi aussi , elle m'est apparue en lisant ton texte Corinne texte qui nous emmène vers l'Orient
Bon voyage et bon séjour là-bas
Clo
Corinne, Alain,
Bien sûr que je vous souhaite un "bon" séjour là-bas ... Mais ... quel besoin de transporter vos corps là-bas alors que vos âmes y sont pratiquement tout le temps, et que l'esprit & Esprit de l'Inde (les mahavakhya des Upanishads, le sanatana dharma, ...) n'est autre que votre vraie nature, ce que vous/nous sommes vraiment vraiment ...?
Pardonnez-moi de vous balancez ce qui suit, c'est parce que je vous aime beaucoup : http://volte-espace.fr/esotourisme-ne-plus-cautionner-linconscience/
NB : ce qui est écrit au-dessus de la photo ne vous concerne pas du tout.
Amitié. Bon séjour.
Jean-Marc
C'est pas un peu polluant tous ces trajets? Il me semble avoir lu un de vos articles traitant du sujet....
Faites ce que je dis mais pas ce que je fais quoi...
Les grandes cohérences des gens "spirituels"...
Merci
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