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Allez, un effort !
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"Awake! The time is running out. Remember the Divine. Realize the Truth before life passes into death." Chandra Swami Udasin
Cédric Bannel a créé le personnage du qomaandaan Oussama Kandar, chef de la brigade criminelle de Kaboul. Un policier hors pair, à la fois tenace et très humain, ancien snipper de Massoud, profondément croyant et qui aime son pays. Dans les trois enquêtes parue jusqu'ici, L'homme de Kaboul, Baad et Kaboul Express, il est amené à collaborer avec des occidentaux, Nick qui travaille pour les services secrets en Suisse pour la première enquête, la commissaire Nicole Laguna,chef de la Brigade nationale de recherche des fugitifs pour les deux autres.Des intrigues bien ficelées servies par un montage nerveux qui alterne les séquences dans les différents pays. Violence, corruption, trafics en tout genre, l'aspect sombre du monde est très présent mais évoqué sans complaisance. Dans des situations difficiles on trouve pourtant des personnages nuancés, pas des anges certes, mais qui essaient de garder leur dignité et dans le relatif, de faire au mieux... Et puis, il y a l'Afghanistan, le chaos de Kaboul, la rudesse et la beauté des paysages. Cédric Bannel réussit à faire de ce pays un portrait sans concession mais que l'on sent débordant d'amour !
Et voici un extrait : après un début de vie adulte dans sa ville de Bourges où il est marié, père de famille et a une position sociale reconnue, Jacques Coeur passe quelques temps en prison pour fraude. À sa sortie, il décide de réaliser son rêve et part en Orient. Il traverse la France avec son valet ...
" Je n'avais jamais connu que des gens de ma ville, hormis Ravand et quelques rares négociants. Je connaissais leur origine, leur famille, leurs positions et pouvais deviner leurs pensées. Avant mon départ, j'aurais dit que ces références étaient nécessaires pour les échanges humains. Pourtant, voyageur anonyme, sans aucune marque de fortune ni d'origine, j'abordais sans crainte et avec une immense curiosité des personnes que le hasard mettait sur ma route sans rien connaître d'elles. Cet échange d'inconnu à inconnu se révélait infiniment plus riche que l'habituel commerce entre gens qui savaient déjà tout les uns des autres.J'avais toujours dormi à l'abri de murs épais et d'huis clos ; la ville m'avait été une carapace sous laquelle j'étais né et qui paraissait nécessaire à ma survie. Or, dans les chaudes régions où nous cheminions et quoique les nuits fussent encore fraîches, nous prîmes l'habitude de coucher dehors. Je découvris le ciel. Les étoiles, chez nous, étaient la plupart du temps voilées par les nuages. Il m'était arrivé de les contempler un moment après souper pendant les nuits d'été, avant de regagner le couvert d'une maison. En voyage, j'étais livré à la nuit. Quand le feu du repas mourait en braises, la terre, entièrement obscure, laissait éclater au dessus de nous le cri des étoiles que l'obscurité du ciel dégagé de nuées faisait briller jusqu'à les rendre aveuglantes. J'avais le sentiment d'avoir brisé ma coquille. Je n'étais peut-être que le dernier de ces astres, le plus insignifiant et le plus éphémère mais, comme eux, je flottais dans une immensité sans limites ni murs. Quand nous entrâmes dans Montpellier, j'étais devenu un autre homme : moi-même."
" " Un pauvre vieil homme prie avec ferveur. Le rabbin à sa grande surprise s'aperçoit en s'approchant qu'il récite l'alphabet. Il s'adresse au bonhomme : "Que récites-tu là ?" Et l'autre : " Tu sais, Rabbi, je suis un pauvre homme sans grande instruction, sans grande intelligence et j'ai peur de déplaire à mon créateur. Alors je lui offre toutes les lettres de l'alphabet pour qu'il se serve lui-même et se compose la prière qu'il aimerait entendre.""
Je viens de relire ce récit passionnant des 10 ans d'initiation de Fabienne Verdier partie en 1983 à 22 ans étudier la calligraphie et la peinture traditionnelle chinoise à l'Institut des Beaux-Arts de Chongqing dans le Sichuan .Vers la fin de son séjour, elle est attachée culturelle à l'ambassade à Pékin et a l'occasion de rencontrer et d'aider parfois les plus grands maîtres de calligraphie, de peinture ou de musique qui ont survécu à la révolution culturelle :
" Ils avaient été à deux doigts de sombrer dans la folie, usés par une agression quotidienne absurde, souvent incompris de leurs proches, regardés avec honte par leurs propres enfants, critiqués avec acharnement pendant des années ; leurs biens, rouleaux anciens, bibliothèques savantes, brûlés ; eux-mêmes battus et torturés, et pourquoi ? Parce qu'ils peignaient ? Parce qu'ils étaient poètes ? Parce qu'ils osaient parler de l'insaisissable et, par la voie des arts, se libérer des entraves ? Aujourd'hui, dans la grande "Chine ouverte", ils restaient des laissés pour compte, des bannis de la terre pour n'avoir cessé d'aimer la peinture, les pensées poétiques et philosophiques, la contemplation inlassable des merveilles de la nature. Quand j'arrivais, je trouvais toujours le vieux Lu Yanshao seul, perdu dans ses pensées, ultime ilot de survie dans un environnement qui l'avait oublié.Comment exprimer le profond désarroi ressenti à rencontrer ces derniers maillons de la chaîne de l'histoire de la peinture, ces passeurs d'éternité, ces héritiers du patrimoine de l'humanité ? Comment expliquer qu'à ce degré de connaissance, de détachement absolu presque imposé par le régime totalitaire, ils avaient atteint une universalité puissante , En leur compagnie, j'oubliai complètement qu'ils étaient chinois alors que je me trouvais au coeur même de la spécificité chinoise. Avec eux, d'emblée, les barrière culturelles tombaient, celles-là mêmes auxquelles je m'étais douloureusement heurtée. "
" Entre tous les moyens qui concourent à la libération c'est à la dévotion que revient la place d'honneur. L'effort auquel se livre le pratiquant pour réaliser sa propre et véritable nature, nous lui donnons le nom de dévotion. Celle-ci apparaît ainsi autant comme une pratique d'effort et d'élan qui nous permette d'avancer que comme l'émergence du sentiment, le fruit de l'ascèse ou le parfum qu'exhale une fleur qui s'ouvre."