Bien des semaines ont passé mais le désert est toujours là présent au fond de moi. Sur mon blog (vishalakshi.blogspot.com) j'ai conté les temps forts de cette aventure dont je vous livre ici quelques extraits:
Le jour s'est levé sur la petite cité de 100 000 âmes. Pas un nuage dans le ciel radieux qui invite à la douceur. 6 Touaregs et 14 chameaux nous attendent au départ de la caravane, au nord de la ville. Ces hommes qui nous accueillent portent fièrement le chèche. Derrière leur yeux rieurs, ils seront garants de notre sécurité au milieu de cet amas de pierres et de rochers qui se perdent dans l'infini du ciel. Leur expérience du désert et de la vie nomade sera précieuse au cours des 140 kilomètres que nous allons parcourir à pied. Notre itinéraire prévoit de passer à l'Assekrem, l'ermitage construit par Charles de Foucauld.
Alain et Corinne, les bâtisseurs du projet, guident nos pas pour donner sens à cette aventure hors du commun. Un jour de 2005, Corinne a ressenti le besoin de retourner sur la terre de ses ancêtres. Seule d'abord, puis avec ses enfants. Le génie de la vie l'a conduit à organiser depuis deux séjours par an (en avril et novembre) pour celles et ceux qui souhaitent vivre une aventure intérieure loin de leurs repères habituels. A la bienveillance et à douceur de Corinne répond l'énergie et la détermination d'Alain. Masculin et féminin. Animateurs et guides spirituels. Ce qui est le plus remarquable peut-être ce sont les qualités humaines de deux êtres qui restent totalement disponibles quel que soit le moment, quelle que soit leur état de fatigue. Leur secret: ils parlent langage du coeur.
Entayent, en grand connaisseur de la région qu'il parcourt inlassablement depuis son enfance, choisit les passages les plus insolites, les meilleurs endroits pour les repas et le bivouac. Les montres ont été remisées au fond du sac. Le temps a posé ses valises. Le chèche bien serré autour de la tête pour protéger du soleil et de la poussière, le sac léger, contenant quelques effets personnels, bien calé sur le dos, le gros sac et la tente solidement ficelés sur les flancs des chameaux, une bonne paire de chaussures pour amortir le pas, la marche en silence peut commencer.
Chaque matin, avant de s'engager sur les traces d'Entayent, nous formons un cercle à l'endroit que nous allons quitté. Toute notre énergie est centrée sur l'intention du jour. Des propositions simples dans leur formulation mais pas toujours aussi évidentes dans le concret du quotidien: simplicité, silence, sensations et rythme de la marche, penser moins pour sentir plus, porter son attention sur ses vérités, aimer tout ce qui nous entoure, s'aimer soi-même, observer ce qui ne change pas au fond de soi.
Cette intention est présente en filigrane dans la communication et l'attention portée à chacun. De l'intention à l'attention, il n'y a qu'un pas. Je marche sans effort. Mes pas s'accordent avec la lenteur. La lenteur me va bien. Aller plus lentement permet de voir et d'apprécier pleinement la diversité et la beauté du monde. J'ai besoin de cette lenteur qui parcourt la totalité de l'être. Je me glisse dans l'ombre projetée devant moi. J'observe sa silhouette qui balance de droite à gauche selon les mouvements du terrain avant de revenir au centre. Jamais elle ne me quitte. Tant que le soleil me tourne le dos, elle m'indique le chemin. Lui faire confiance et lui porter l'attention qu'elle ne réclame pas. C'est tout le jeu de l'inconscient qui est ici à l'oeuvre.
Nous gravissons, à 4h du matin, le chemin qui conduit à l'ermitage. Pendant près de deux heures nous sommes restés prostrés en silence, dans la nuit froide. Le jour se lève enfin et le soleil entame son lent mouvement, s'harmonisant avec les premières lueurs de l'aube.
Après un temps de prière, Zbyszek nous offre le thé de bienvenue. Il nous parle de sa vie à l'Assekrem et l'immense bonheur qu'il a d'être ici avec ses frères. Nous vivons la messe au coeur du petit oratoire. La ferveur et la présence de Frère Ventura, l'officiant espagnol, est simplement communicative. Chaque mot, chaque geste est rempli de cette vibration tellement absente de nos églises. Il termine ce temps de prière par cette simple question que chacun se pose au terme de sa vie: "As-tu aimé?"
Tamanrasset, fin de notre périple. Après un séjour de 10 jours avec nos compagnons d'aventure et nos amis Touaregs, le bilan s'impose. Avons-nous trouvé ce que nous étions venus chercher? Savions-nous exactement ce que nous cherchions dans le tréfonds de notre âme? Le désert apporte la réponse. L'absence de pollutions, les feux qui brûlent les déchets, tout concourt au grand nettoyage.
Le désert nettoie, le désert purifie. Il purifie le corps mais aussi le mental. Il aide à faire le vide en soi. Il permet l'abandon. Entre ciel et terre, seul au milieu des étoiles, on ne peut garder que l'essentiel. L'Essence même de l'Etre. La vie et la mort se confondent pour éclairer l'unique instant, l'instant présent. J'ai posé en moi les jalons de la paix, de la confiance.
J'ai réalisé la rencontre entre deux cultures. Je me suis abreuvé à la source de vie. J'ai ancré ma demeure dans la pierre, là où s'écoule le temps. Je me suis recueilli dans le souffle du vent et j'ai entendu l'appel du sacré dans le secret de mon coeur.
Quant à mes compagnons de voyage, je leur tire ma révérence. L'écoute, le respect, l'entraide, la bienveillance était toujours au rendez-vous. Lors des moments de partage, nous nous sommes nourris de la parole de l'autre, dans la simplicité, dans la différence.
Dans le désert ne restent que l'amour et le parler vrai. Et comme le dit un proverbe zen: "Les mots qu'on a pas dit sont les fleurs du silence".
Daniel Helbert
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Le jour s'est levé sur la petite cité de 100 000 âmes. Pas un nuage dans le ciel radieux qui invite à la douceur. 6 Touaregs et 14 chameaux nous attendent au départ de la caravane, au nord de la ville. Ces hommes qui nous accueillent portent fièrement le chèche. Derrière leur yeux rieurs, ils seront garants de notre sécurité au milieu de cet amas de pierres et de rochers qui se perdent dans l'infini du ciel. Leur expérience du désert et de la vie nomade sera précieuse au cours des 140 kilomètres que nous allons parcourir à pied. Notre itinéraire prévoit de passer à l'Assekrem, l'ermitage construit par Charles de Foucauld.
Alain et Corinne, les bâtisseurs du projet, guident nos pas pour donner sens à cette aventure hors du commun. Un jour de 2005, Corinne a ressenti le besoin de retourner sur la terre de ses ancêtres. Seule d'abord, puis avec ses enfants. Le génie de la vie l'a conduit à organiser depuis deux séjours par an (en avril et novembre) pour celles et ceux qui souhaitent vivre une aventure intérieure loin de leurs repères habituels. A la bienveillance et à douceur de Corinne répond l'énergie et la détermination d'Alain. Masculin et féminin. Animateurs et guides spirituels. Ce qui est le plus remarquable peut-être ce sont les qualités humaines de deux êtres qui restent totalement disponibles quel que soit le moment, quelle que soit leur état de fatigue. Leur secret: ils parlent langage du coeur.
Entayent, en grand connaisseur de la région qu'il parcourt inlassablement depuis son enfance, choisit les passages les plus insolites, les meilleurs endroits pour les repas et le bivouac. Les montres ont été remisées au fond du sac. Le temps a posé ses valises. Le chèche bien serré autour de la tête pour protéger du soleil et de la poussière, le sac léger, contenant quelques effets personnels, bien calé sur le dos, le gros sac et la tente solidement ficelés sur les flancs des chameaux, une bonne paire de chaussures pour amortir le pas, la marche en silence peut commencer.
Chaque matin, avant de s'engager sur les traces d'Entayent, nous formons un cercle à l'endroit que nous allons quitté. Toute notre énergie est centrée sur l'intention du jour. Des propositions simples dans leur formulation mais pas toujours aussi évidentes dans le concret du quotidien: simplicité, silence, sensations et rythme de la marche, penser moins pour sentir plus, porter son attention sur ses vérités, aimer tout ce qui nous entoure, s'aimer soi-même, observer ce qui ne change pas au fond de soi.
Cette intention est présente en filigrane dans la communication et l'attention portée à chacun. De l'intention à l'attention, il n'y a qu'un pas. Je marche sans effort. Mes pas s'accordent avec la lenteur. La lenteur me va bien. Aller plus lentement permet de voir et d'apprécier pleinement la diversité et la beauté du monde. J'ai besoin de cette lenteur qui parcourt la totalité de l'être. Je me glisse dans l'ombre projetée devant moi. J'observe sa silhouette qui balance de droite à gauche selon les mouvements du terrain avant de revenir au centre. Jamais elle ne me quitte. Tant que le soleil me tourne le dos, elle m'indique le chemin. Lui faire confiance et lui porter l'attention qu'elle ne réclame pas. C'est tout le jeu de l'inconscient qui est ici à l'oeuvre.
Nous gravissons, à 4h du matin, le chemin qui conduit à l'ermitage. Pendant près de deux heures nous sommes restés prostrés en silence, dans la nuit froide. Le jour se lève enfin et le soleil entame son lent mouvement, s'harmonisant avec les premières lueurs de l'aube.
Après un temps de prière, Zbyszek nous offre le thé de bienvenue. Il nous parle de sa vie à l'Assekrem et l'immense bonheur qu'il a d'être ici avec ses frères. Nous vivons la messe au coeur du petit oratoire. La ferveur et la présence de Frère Ventura, l'officiant espagnol, est simplement communicative. Chaque mot, chaque geste est rempli de cette vibration tellement absente de nos églises. Il termine ce temps de prière par cette simple question que chacun se pose au terme de sa vie: "As-tu aimé?"
Tamanrasset, fin de notre périple. Après un séjour de 10 jours avec nos compagnons d'aventure et nos amis Touaregs, le bilan s'impose. Avons-nous trouvé ce que nous étions venus chercher? Savions-nous exactement ce que nous cherchions dans le tréfonds de notre âme? Le désert apporte la réponse. L'absence de pollutions, les feux qui brûlent les déchets, tout concourt au grand nettoyage.
Le désert nettoie, le désert purifie. Il purifie le corps mais aussi le mental. Il aide à faire le vide en soi. Il permet l'abandon. Entre ciel et terre, seul au milieu des étoiles, on ne peut garder que l'essentiel. L'Essence même de l'Etre. La vie et la mort se confondent pour éclairer l'unique instant, l'instant présent. J'ai posé en moi les jalons de la paix, de la confiance.
J'ai réalisé la rencontre entre deux cultures. Je me suis abreuvé à la source de vie. J'ai ancré ma demeure dans la pierre, là où s'écoule le temps. Je me suis recueilli dans le souffle du vent et j'ai entendu l'appel du sacré dans le secret de mon coeur.
Quant à mes compagnons de voyage, je leur tire ma révérence. L'écoute, le respect, l'entraide, la bienveillance était toujours au rendez-vous. Lors des moments de partage, nous nous sommes nourris de la parole de l'autre, dans la simplicité, dans la différence.
Dans le désert ne restent que l'amour et le parler vrai. Et comme le dit un proverbe zen: "Les mots qu'on a pas dit sont les fleurs du silence".
Daniel Helbert
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7 commentaires:
Merci beaucoup Daniel, je lis tes posts sur le désert avec délectation.
En échange voici une adresse qui nous rappellera quelques souvenirs :
http://www.i-trekkings.net/dossiers/dossiers.php?val2=1250_1248_l+assekrem+pere+foucauld
Je savoure ces belles images venues des profondeurs de ta rencontre avec le désert et qui entrent en résonance avec mon souvenir. Merci, Helen
Tiens, je renouvelle ma question, qui n'ôte rien à l'intention du séjour : combien ça coûte ? (plus cher que la Redoute ?)
Merci Daniel, ton témoignage est très juste je trouve. J'avoue que j'en ai la nostalgie en relisant ces quelques lignes. Ce que nous avons vécu là est vraiment inoubliable et je souhaite vraiment au plus grand nombre de faire cette belle expérience.
Karl
un partage de coeur
merci Daniel
guy bxl
Je reçois ton témoignage, comme une nourriture précieuse, il fait son oeuvre en profondeur.
J-P Gepetto
merci Daniel pour ce beau temoignage.
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