dimanche 4 janvier 2009

Le promeneur de Jirô Taniguchi

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Proposé en grand format cartonné, le nouvel album de Jirô Taniguchi, renoue avec l’inspiration déambulatrice de L’Homme qui marche et du Gourmet solitaire. Le maître japonais s’en explique en répondant aux questions de l’écrivain Jean-Philippe Toussaint.

JEAN-PHILIPPE TOUSSAINT : Y a-t-il une véritable philosophie de la promenade chez vous ? Un éloge conscient de la marche?

JIRÔ TANIGUCHI: Je n’ai pas de philosophie particulière de la marche. J’ai le sentiment que, parmi les actions quotidiennes des êtres humains, la marche est la plus naturelle. Et c’est aussi, je pense, une activité particulièrement importante, surtout quand elle n’a pas d’objectif précis. La promenade me semble devoir être une liberté. Ni objectif, ni limite de temps ne doivent l’entraver. J’ai l’impression que la course par exemple, ou le déplacement avec un appareil de locomotion, sont motivés par un but: pour faire quelque chose ou aller quelque part. Quand on marche, on est libre de son allure, de sa foulée. Je pense que, en raison de sa vitesse, la marche correspond au déplacement le plus naturel pour l’être humain. Mais la marche nécessite un état de disponibilité. Et puis il est également important de s’arrêter de temps en temps. En marchant lentement on peut découvrir des choses qui nous échappaient jusque-là. (…)

JEAN-PHILIPPE TOUSSAINT: Contrairement aux Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau, où le promeneur reste enfermé sur lui-même et quasiment hermétique au monde extérieur, la promenade est chez vous une ouverture, un mode d’appréhension du monde.

JIRÔ TANIGUCHI: Presque tous les jours, je vais de chez moi à mon atelier. Je prends d’abord le train et puis je descends en cours de route pour finir le trajet à pied. Il m’arrive de ne pas aller directement à mon atelier et de faire des détours. C’est sans doute le moment de la journée où je suis le plus détendu. Marcher pendant ces sortes d’interstices dans mon emploi du temps me libère mentalement. Ce sont les seuls instants pendant lesquels je peux oublier mon travail ou mes soucis.Si j’ai envie de raconter des histoires à partir de petits riens de la vie quotidienne, c’est parce que j’attache de l’importance à l’expression des balancements, des incertitudes que les gens vivent au quotidien, de leurs sentiments profonds dans les relations avec les autres. Cette attention aux petites choses, aux menues beautés du quotidien, souvent nappée de nostalgie ou de mélancolie, me semble caractéristique de votre manière de voir le monde.

JEAN-PHILIPPE TOUSSAINT: Y a-t-il là quelque chose de spécifiquement asiatique?

JIRÔ TANIGUCHI: Je pense que les hommes et les animaux sont essentiellement des êtres tranquilles pour lesquels une certaine réserve, une certaine discrétion, sont des moyens de survivre. Dans la vie quotidienne, on ne voit pas souvent des gens hurler ou pleurer en se roulant par terre. Si mes mangas ont quelque chose d’asiatique, c’est peut-être parce que je m’attache à rendre au plus près la réalité quotidienne des sentiments des personnages. Si on y pénètre en profondeur, une histoire peut apparaître même dans les plus petits et les plus banals événements du quotidien. C’est à partir de ces moments infimes que je crée mes mangas.


Questions et réponses traduites par Corinne Quentin à Tôkyô en juin 2008.


Un partage de Karl, oui, bel album
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1 commentaire:

Mabes a dit…

oui quel philosophe ce Taniguchi, grand parce qu'il n'en fait pas profession ;-))
bon dimanche, Alain