mercredi 11 octobre 2017

Méditation couché

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Pour moi un des effets secondaires positifs du  Myélome multiple avec fractures osseuses est la découverte ou plutôt la prise de conscience des bienfaits spirituels de la méditation couché. J'ai toujours pratiqué cet exercice depuis plus de cinquante ans, mais plus ou moins, en tout cas pas de manière "intense" et quotidienne comme depuis plus d'un an et certainement pas comme un exercice spirituellement essentiel ce qu'il est en réalité. Pourtant le professeur de yoga que j'étais dans ma jeunesse savait très bien le nom de la posture dite de "relaxation" : Savasana: la posture du cadavre. Cela aurait pu me mettre la puce à l'oreille, mais non, c'était bien trop tôt. En fait dans le Hatha-yoga indien traditionnel, je pense que la posture du cadavre n'avait que peu de chose à voir avec la détente et beaucoup à voir avec une pratique de désidentification avec le corps. Cela reste éventuellement à  vérifier, peut-être certaines ou certains d'entre vous auront envie de s'y atteler, mais il me paraît évident maintenant que savasana est un entrainement, une préparation à la mort physique, un moyen pour mourir à soi-même, pour faire exploser la croyance: "Je suis ce corps". Le grand Ramana Maharshi n'a-t-il pas utilisé cet exercice pour faire le grand saut ? Dans son cas une seule pratique a suffit, visiblement il était plutôt doué.
Merci donc à ce dos fragile qui m'interdit ou pour le moins me limite beaucoup dans la pratique de la méditation assise. Je me retrouve un peu dans la situation d'Alexandre Jollien qui médite couché du fait de limitations physiques.
L' aspect détente reste vrai évidemment dans cette pratique et cela me permet souvent de diminuer, dissiper en partie ou faire disparaitre complètement des tensions liées à une toute nouvelle architecture dorsale, ce qui est déjà une motivation importante. Mais vous l'avez compris ce n'est pas du tout l'essentiel de mon propos aujourd'hui.

La méditation couché permet d'atteindre un état de détente qui est beaucoup plus difficile à obtenir en posture assise, sinon impossible. Et si on se donne du temps ce relâchement profond, simple et facile débouche de manière naturelle sur un affranchissement des limites corporelles, sur une désidentification par rapport au corps et n'ayons pas peur des mots sur un éveil, une prise de conscience, une découverte de notre véritable nature, notre nature de Présence sans forme et sans limite. Expérience certes pour l'essentiel limitée à la durée de l'exercice mais parfaitement authentique et surtout renouvelable à l'envi. C'est un véritable retour à la maison et pour reprendre la célèbre comparaison qu'Arnaud utilisait si souvent : le profond lâcher prise au niveau de la vague que je crois être, permet l'évidence de la réalité océanique que Je Suis vraiment, vraiment. Bingo.
Celles ou ceux d'entre vous qui sont entraînés aux exercices de Douglas Harding ne seront pas dépaysés. Mais la Méditation Couché apporte un "plus" que je ne saurais encore définir, peu importe.
Elle permet de faire exploser (momentanément, je suis d'accord) cette croyance fondamentale : j'existe à l'intérieur d'une enveloppe corporelle et donc, je suis irréductiblement limité et séparé du reste du monde, condamné à la dualité, incapable d'être un avec qui ou quoi que ce soit, exclu de tout capacité d'Amour.
Mais pour que "ça marche" il y a bien sûr un certains nombre de conditions à respecter. Essayons de voir cela de plus près.
D'abord, considérez qu'il s'agit d'une posture de Yoga et donc que la rigueur et la précision sont de mise. Couchez-vous sur le dos, la tête plus ou moins sur-élevée selon la souplesse de la zone cervicale. Le support doit être ferme, désolé ça ne marche pas sur le lit. Cherchez le bon écart des jambes et des bras, rigoureuse symétrie, le bon écart étant celui qui donne la meilleure sensation de confort. Placez les bras en rotation externe, face des mains vers le haut, pour dégager le haut de la zone thoracique. Si la région lombaire est plus ou moins douloureuse, placez une couverture roulée sous les jambes. Pas de lunettes, ni de montre évidemment. L'idéal serait d'être nu, mais il faut s'adapter aux conditions de température, sachons que si la pratique est longue (au-delà de 30 minutes) la température corporelle diminue légèrement.

Fermez les yeux, après avoir pris  toutes les précautions pour ne pas être dérangé et après avoir enclenché un timer réglé à la durée minimum prévue.
Vous allez de manière classique utiliser le souffle pour faciliter le lâcher-prise sur chaque expiration.
Tout ça vous connaissez depuis longtemps.
Le point particulier, le plus délicat, peut être nouveau pour vous, le point clé en tous cas est de ne pas utiliser la méthode dite du "scan", qui consiste à visualiser successivement toutes les parties du corps afin de les détendre. Cela irait à l'encontre de notre but qui est de "perdre la forme corporelle". Donc il s'agit de s'établir dans le "ici et maintenant" et de réaliser que couché et les yeux fermés toute image corporelle est lié à la mémoire et à notre capacité d'imagination et non à une expérience de vision directe. Il s'agit de déjouer le mécanisme du mental qui cherche à maintenir à tout prix la croyance, l'hallucination de la limite,et donc de la séparation. Il s'agit de réaliser que toutes les sensations bien réelles, immédiates ne constituent pas une limite. C'est très simple: une sensation n'a pas de forme. Mais vous allez découvrir que le mental ne lâche pas aussi facilement, il faut le neutraliser par l'évidence et ça prend un peu de temps. Au fur et à mesure que la détente s'approfondit, l'hallucination de la limite corporelle se dilue comme une nappe de  brouillard. Les sensations sont toujours là mais elles apparaissent dans un espace sans limite, un espace de Présence, l'Espace que vous êtes, votre nature océanique, votre nature d'éternité. Vous êtes revenu à la maison et la citation de TS Eliott qui est en exergue du iPapyBlog prend tout son sens:"Alors, nous reviendrons en ce Lieu que nous n'avons jamais quitté et nous le reconnaîtrons pour la première fois".
Rien d'autre, c'est tout.
La durée a son importance, disons le mini minimum: 20 minutes, la bonne durée: 30 minutes et au-delà, que du bonheur, juste le bonheur d'Être.
Vous pensez : "Je vais m'endormir". Et alors, quel est le problème?
L'aspect spécifique de cette pratique, c'est peut être son coté addictif, et ce coté de bonne addiction saine est sans doute lié au fait que la résistance que nous avons toutes et tous expérimenté par rapport à la pratique de la méditation assisse, ne joue pas pour méditation couché. En tous cas, pas pour moi.
Voilà les amis ce que je voulais partager avec vous. Pour l'instant je me sens un peu isolé dans mon enthousiasme, mais comme vous allez vous y mettre, je vais recevoir plein de retours. Merci et bonne et fructueuse pratique.

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26 commentaires:

Patrick HITTE a dit…

Merci beaucoup pour ce partage, enseignement.
Patrick

Anonyme a dit…

Je m'y adonne depuis mon retour d'Hauteville cet été. Effectivement beaucoup moins de résistances dans cette pratique.
Merci pour ce partage Alain
Anthony

christiane a dit…

J'essaie dès aujourd'hui !! Merci Alain , pour ce partage !!

Anonyme a dit…

Et bien ....j'ai le sentiment qu'il y a là , pour moi , un des moyens qui me manque pour pouvoir détendre , détendre, détendre....
je vais le faire ...car dans la méditation assise ,il y a une résistance à lâcher comme si une partie de moi a peur .....et résiste ..
Merci Alain
Monique

Anonyme a dit…

Merci Alain pour ce précieux témoignage qui sonne comme une révélation. Pensées affectueuses du bout du monde de la part d'une fidèle lectrice et pratiquante occasionnelle!
Barbara

Christian a dit…

Bien que tu m'en aies parlé en septembre, je n'ai pas encore essayé.Merci du rappel que je prends au sérieux.Je vais faire un essai comparatif sur une certaine période.Pour le ou les moments de la journée, le matin avant le petit-déj et le soir avant le coucher ?

j-p gepetto a dit…

Merci Alain de ce précieux partage, je vais aussi la tenter régulièrement...
Je vous Embrasse.
JP Gepetto

Unknown a dit…

Que cela fait du bien...et de te lire et d'expérimenter
Merci pour ce partage

Nathalie Tardieu a dit…

Merci Alain pour ce partage. Touchée et attirée par cette expérimentation.

Anonyme a dit…

Merci Alain. Berit

Anonyme a dit…

Merci Alain !
Fabrice

Anonyme a dit…

Merci beaucoup Alain,
Je vais le faire
Karl
Ps : dommage que ca ne marche pas dans le lit :-)

Anonyme a dit…

Une nouvelle orientation pour ma pratique. Un cadeau.

Gratitude

Guy bxl

Anonyme a dit…

merci Alain
j'ai testé cette position et spontanément je me suis remise en position assise aprés 30 à 35 minutes de position couchée.

Et là est parvenu un sentiment de vide total,une espece de vacuité ou il y avait méditation sans personne qui médite .

Un instant de Grâce
Merci et que la vie continue à travers vous à nous aider à retrouver la maison

M-Jose a dit…

Merci Alain,
Je suis très touchée par ton témoignage.Bel enseignement;
Je l'ai expérimenté une seule fois lorsque tu me l'avais évoqué déjà et pas poursuivi...
Mais je vais essayer . Dans l'expérience du voyage au Ladakh, la sensation de voyager sans mon corps, car je ne pouvais m'appuyer dessus,et ton récit me donnent envie de m'y coller.
Je t'embrasse.
MJo

Georges a dit…

Un très grand merci pour ce post...Il résonne très fort en moi;d'autant plus que depuis environ un an, j'ai eu une opération du genou et que de ce fait, la méditation assise jambes croisées m'est impossible. Je médite donc sur une chaise et allongé.
C'est très difficile pour moi de me séparer de la position assise sur un coussin à laquelle, le recul me fait sentir que j'y étais très attaché
Mes "expériences" les plus significatives ont toujours eu lieu quand je ne m'y attends pas et prennent le plus souvent corps sous la forme écriture, l'inspiration, qui, quand elle est là, touche de très près vers Cela.
Je suis un "vieux méditant' Je commence seulement à apercevoir la possibilité de voir les pensées apparaître puis de revenir à moi même
En tout les cas, ton post, ce matin, Alain, me booste un max,m'entraîne dans une dynamique renouvelée. Encore Merci

Georges

Unknown a dit…

Merci Alain.
Je confirme cet état de profonde détente dans la méditation allongée. Ce que je peux partager de mon expérience, c'est que les limites du corps perdent de leur "étanchéité"...et la maison devient très vaste.
Chaleureusement,
Brigitte

Dimitri a dit…

Allons-y ! Besoin de baume du tigre pour que le Camphre apaise les douleurs, qui sont lancinantes même allongé , et en avant !

ipapy a dit…

Merci pour les retours. Le but est d'expérimenter notre véritable nature vide, spacieuse sans limite. La détente profonde reste un moyen.

Anonyme a dit…

Beaucoup apprécié l'image d'illustration et le témoignage

... mais j'ai failli défaillir en lisant : "Le grand Ramana Maharshi n'a-t-il pas utilisé cet exercice pour faire le grand saut ? Dans son cas une seule pratique a suffit, visiblement il était plutôt doué."


Ramana Maharshi n'a fait aucun exercice, aucune pratique.
Il a été saisi par la Grâce de l'Eveil, et c'est ce saisissement implacable qui a fait exploser la croyance, l'identification à son corps.

Zil

Acouphene a dit…

étendu détendu...

Anonyme a dit…

Bonsoir Alain,
Au-delà de la richesse de ton enseignement (qui me donne très envie de redécouvrir la méditation couchée et de l'approfondir), je suis touchée par ta fidélité à plus Grand, plus Vaste.
Debout ou couché, en santé ou malmené, tu fais feu de tout bois. C'est tout toi ! Quelle vaillance !
Puisses-tu, chaque jour, t'asseoir un instant à la Table du banquet ; celle que le Tout-Autre a dressée pour que s'y asseyent ensemble, dans la détente et la paix, les quêteurs de Vérité qui osent aller jusqu'au bout du chemin : là où les frontières se perdent dans l'Infini et l'Amour.
Un grand merci pour qui tu es.

Isabelle

Georges a dit…

12 octobre- 22 octobre

Aujourd’hui, j’ai senti mon dos douloureux, mais contrairement à la méditation assise ou en tout cas, avec une beaucoup plus grande facilité, j’accepte le mal de dos beaucoup plus facilement car l’ancrage au sol est beaucoup plus fort qu’en position assise (en tout cas, pour moi). C’est très net
Non seulement, je l’accepte intellectuellement mais avec mon cœur
J’ai le sentiment qu’en fait, c’est pour mon bien, une sorte de purification

Je relève aussi aujourd’hui au moins deux évidences : D’abord, i l’évidence d'une beaucoup plus grande facilité d’atteindre, comme le souligne Alain « un état de détente qui est beaucoup plus difficile à obtenir en posture assise, sinon impossible »
L'autre point est l'évidence là encore à la plus grande facilité à être pris par le sol, ancré dans la terre de façon profonde ;ce que je n’ai jamais senti ainsi en méditation assise. C’est état de fait jaillir un autre effet conséquent par rapport au temps de méditation. C'est vraiment dur de quitter la méditation. Il semble( mais mon expérience ne fait que commencer que le temps de méditation est automatiquement plus long, même avec mal au dos, car l'enracinement au sol est tellement puissant que je tiens le coup ;je reste allongé sans bouger
Je sors de cette méditation profondément relaxé

« Mon" souffle agit ainsi: De temps en temps, j’ai besoin d’une plus ou moins grande goulée(inspiration) d’air. Le corps répond à un appel intense pour se soulager, se soigner, se purifier. C’est bon, heureux, addictif
Alors, quelque chose de nouveau apparaît, un grand calme, recueillement, qui dure quelques instants, quelques minutes. Puis, revient la nécessité d’aspirer une nouvelle goulée d’air ;ce qui montre très clairement qu’il y avait bien un obstacle à la libre circulation de l’air. C’est pourquoi j’ai employé le mot purification, soulagement, guérison
Ce processus dure tout au long de la méditation.
Lors des périodes d’heureux soulagement (quand la respiration s’est presque évanouie,) il est très clair que dans ces moments là, le corps physique se déidentifie de ce que je crois être normalement. La dissolution du corps physique flotte dans l’air (très absent) (rire)
C’est pourquoi, ce type d’expérience, est une très riche et intense possible préparation à la mort

Le mental ne lâche pas le morceau...il se pointe avec des pensées, des commentaires, des émotions (à un moment, des larmes sont montées) Il s’agit donc de le laisser passer .Il ne fait qu'encombrer, gêner, obstruer les possibilités de méditer plus en profondeur pour se diriger pas à pas vers une déidentification de plus en plus forte jusqu’à ?

J’observe aussi très fort la possibilité d'addiction mais, une addiction saine, positive, car, dirigée vers la reconnaissance du questionnement essentiel : « Qu’est ce que je suis vraiment ?
Un dernier mot, cette forme de méditation est plus facile, en tout cas pour moi et je vous la recommande très fort du fonds du cœur et c’est un « vieux » méditant qui vous parle !!!
Bonnes méditations
Georges

ipapy a dit…

Super Georges, je suis très content de ton retour.
A suivre bonne paratique
ps: laisse le mental apparaître, passer et disparaître dans l'espace de conscience que Tu es

Morant Georges a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Georges a dit…

Quand je sors d’une méditation allongé, je n’ai souvent qu’un désir, une envie, c’est de recommencer. C’est particulièrement intéressant, motivant, car si j’ai envie d’y retourner, c’est que c’est agréable, heureux…
Les sensations sont perçues de manière beaucoup plus nettes…la vrai profondeur commence quand la respiration est devenue extrêmement tenue ;elle sembles s’être arrêtée
La méditation de ce matin ne m’a pas lâchée de la matinée. Aussitôt rentré de ballade, je m’assieds sur le canapé et médite…il y a comme une force adictive, un aimant secret, invisible
J’ai l’impression qu’avec ce genre de méditations, le corps et le psychisme sont soignés, soulagés, allégés, renforcés, dynamisés, réparés. Une telle méditation porte à l’optimisme…
La pratique de la méditation allongée entraîne une plus grande facilité à méditer sur une chaise. Les deux formes de méditation (assise et allongée) se soutiennent, se bonifient l’une avec l’autre

Le mental(les pensées) est toujours là. La première pensée qui m’est venue aujourd’hui, est pour que cette méditation profite à d’autres ; je cultive le désir que cette méditation puisse entraîner quelque chose de positif, d’heureux, de soulagement, non seulement pour moi mais pour les autres
La profondeur apparaît par vagues et à ce moment là, j’ai la possibilité de choisir des pensées spécifiques spirituelles dans le genre : rester éveillé au moment de tels instants de profondeur, ne pas lâcher la situation propice pour résonner avec Cela, Mystère
Méditer ainsi est très positif non seulement pour moi mais pour l’univers. Cela me fait particulièrement du bien. Pourquoi ? N’ayant pratiquement aucune compétence dans aucun domaine, si ce n’est un certain talent de poète pour écrire, je me sens particulièrement heureux de pouvoir faire quelque chose de concret bien qu’invisible pour , comme dirait Arnaud, la bonne santé du monde
La pratique de cette méditation allongée provoque un recentrage important, un épanouissement personnel. Méditer élargit


C’est plus difficile ce matin…c’est long trente minutes…Pensées, pensées ; revenir à soi même, revenir à soi même…Il y a des brèches, très courtes, comme des trous de souris ;c’est à ce moment là qu’il s’agit de rester présent
Au sortir de cette méditation, je descends l’escalier et m’assois sur le canapé ;je repars aussitôt en méditation avec l’impression que si je veux, je pourrais y rester longtemps
Ce genre de méditation, allongée, trente minutes, entraîne, induit pour le reste de la matinée un retour vers soi, une attention, une présence plus centrée

Georges