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" En 1518, un Portugais exilé du nom de Magellan convainc le roi d'Espagne, Charles Quint, d'un projet fou : " Il existe un passage conduisant de l'océan Atlantique à l'océan Indien. Donnez-moi une flotte et je vous le montrerai et je ferai le tour de la terre en allant de l'est à l'ouest." Partie en 151, l'expédition reviendra 3 ans plus tard, disloquée mais victorieuse. Malgré les fausses cartes et les mutineries, le froid, la faim et les maladies, Magellan a forcé le détroit qui porte aujourd'hui son nom et vaincu le Pacifique, inconnu à l'époque. Un destin héroïque magistralement conté et réfléchi par Stefan Zweig."
Comme le dit très bien ce texte de la quatrième de couverture, Stefan Zweig ne fait pas que raconter cette fabuleuse aventure humaine dont nous avons finalement peu de traces. Il la replace dans son contexte historique montrant bien comment le Moyen Âge avec la main mise de l'Église sur le savoir scientifique a "oublié" certaines vérités connues de l'Antiquité. Il montre aussi comment le XVIème siècle redécouvre la géographie, non pas pour l'amour de la science et de l'aventure mais pour celui du commerce et du profit...
" Les croisades ne sont pas simplement ( comme des esprits romantiques les ont souvent dépeintes) une tentative mystico-religieuse en vue d'arracher les lieux saints aux infidèles; cette première coalition européo-chrétienne représente aussi le premier effort logique et conscient ayant pour but de briser la barrière qui ferme l'accès de la mer Rouge et d'ouvrir les marchés orientaux à l'Europe, à la chrétienté. L'entreprise ayant échoué, l'Egypte n'ayant pu être enlevée aux musulmans et l'Islam continuant d'occuper la route des Indes, il fallait nécessairement que s'éveillât le désir de trouver un nouveau chemin, libre, indépendant. L'intrépidité qui poussa Colomb vers l'ouest, Bartholomeu Diaz et Vasco de Gama vers le sud, Cabot vers le nord, vers le Labrador, est née avant tout de l'ardente volonté de découvrir des voies maritimes franches de toute servitude et d'abattre en même temps l'insolente hégémonie de l'Islam. Dans les grandes inventions et découvertes l'élan spirituel, moral, fait toujours fonction de force accélératrice; mais la plupart du temps l'impulsion réalisatrice décisive n'est due qu'à des facteurs matériels. Sans doute la hardiesse des idées de Colomb et de Magellan aurait suffi à enthousiasmer les rois et leurs conseillers; mais jamais personne n'eût financé leurs projets, jamais les princes ni les spéculateurs ne leur eussent équipé une flotte si on n'avait eu en même temps la perspective de récupérer au centuple les dépenses. Derrière les héros de cette époque se cachent les forces agissantes, les commerçants, l'impulsion première elle-même a eu des causes essentiellement pratiques. Au commencement étaient les épices."( p 28-29 )
Stefan Zweig a un peu moins de recul concernant la manière pour le moins cavalière dont le pape trace sur la carte la frontière qui sépare le monde en deux " donnant" généreusement "à la petite Espagne, la gigantesque Amérique ; au minuscule Portugal les Indes et l'Afrique" (p 43)
Une lecture très intéressante !
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