lundi 21 mai 2007

"Petit commentaire"

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Alain m’a demandé un « petit commentaire » sur la médit de ce matin. Je me suis laissé entraîner et c’est un peu plus long que prévu….
La méditation de ce matin, c’est l’installation dans la posture correcte. La posture spirituelle.
Ensuite, dans cette conscience de l’absence de forme, OSER voir les convictions à la base de nos souffrances récurrentes.
OSER tranquillement voir et remettre en cause, à partir de la conscience de l’absence de forme, les erreurs de celui qui se prend pour une forme fermée, séparée.

L’absence de forme c’est la fluidité absolue, c’est le Présent sans cesse renouvelé, c’est donc la conscience de l’Impermanence. Cette Impermanence que nous nions complètement lorsque nous nous prenons pour une forme : nous la nions pour le passé puisque nous maintenons nos vieilles blessures d’enfance comme des lunettes en peau de saucisson que nous tenons serrées avec nos deux mains devant nos yeux; tout ce ressassement de souffrance depuis des lustres alimente les pensées pessimistes sur l’avenir : pourquoi est-ce que ça changerait ? En même temps nous la craignons pour le futur : l’Impermanence est ce qui nous fera “perdre” ce à quoi nous nous accrochons, jeunesse, santé, facultés intellectuelles, personnes aimées, succès, compte en banque bien garni,...etc
Il ne s’agit pas de nier la souffrance. Mais est-ce que l’accueillir et la laisser partir suffit ?. De toute façon, elle partira... C’est comme le rhume : sept jours sans médocs, une semaine avec médocs !! Eh bien, la souffrance passe : 3 heures avec pratique, 180’ sans. Si la pratique s’arrête à l’Accueil, la souffrance reviendra et reviendra encore. Je constate qu’elle revient. Peut-être l’Accueil n’est-il pas radical, inconditionnel ?? Dans mon expérience, le fait est qu’elle revient.
La pratique, c’est aussi la remise en cause des pensées qui génèrent les émotions et engendrent la souffrance. Et là on rentre dans le particulier de l’histoire de la forme Alain, Corinne, Martine ou Jacques.
Le démontage des pensées et convictions à l’origine de notre souffrance grâce à l’Impermanence. Oui, la même qui nous fait peur. C’est elle aussi qui nous sauve. Et c’est une bonne nouvelle : tout est lié. S’en remettre à l’Evidence, enfin, que je – oui, je, dans son sens le plus banal pas celui de JE SUIS,non, moi Alain ou moi Corinne, ou moi tartampion, - je, donc, ne suis plus le bébé impuissant qui réclame une mère absente, l’enfant de 2 ans trahi par la naissance d’un petit frère, c’est libérer le présent et aussi le futur. Que chacun remplace le bébé impuissant ou l’enfant trahi par le schéma de base sur lequel il ou elle est resté coincé( e ). Si je lâche l’enfant du passé alors je lâche l'éternel jeune homme, la femme qui ne vieillit jamais, celui ou celle qui échappe à la maladie, à la vieillesse et à la mort. Je reconnais que tous ces personnages sont des fantômes : ceux qui sont morts depuis longtemps et les autres qui n’ont jamais existé que dans mon imagination. Je laisse la colère et le désespoir liés au passé et la peur liée au futur. Ces fantômes, font partie de l’exigence d'impossibilité dont parle Daniel. Qu’est-ce que j’exige et qui est impossible ? J’exige que l’ enfant ravagé vive encore, je le maintiens artificiellement en vie . Alors qu’aucune des cellules qui constituaient son corps il y a 30, 4o, 50 ou 60 ans n’est demeurée. Quel acharnement !
Et c’est cet ectoplasme qui a tout pouvoir ? C’est fou, non?

Le travail de remise en cause, est à faire à partir de la conscience de ce que nous sommes vraiment vraiment comme dit Douglas, mais il est à faire. Sinon, c’est une existence coupée en deux : la conscience de l'absence de forme d’un côté, et la souffrance dans la forme de l’autre. La spiritualité d’un côté, le psychisme de l’autre. La Perfection-toujours, d’un côté, la Perfection- jamais,de l’autre. Une dualité terrible. Le Grand et le petit, à jamais séparés.
Alors s’il est juste, dans nos sociétés axées uniquement sur l’intellect et le contrôle de ne pas se shooter sans cesse, comme le dit Alain, à « comprendre » et « faire » , la question : “Et qu’est-ce que j’en fais de tout ça ?” n’est pas inepte. Il y a bien quelque chose à faire : voir, reconnaître, et agir sur nos pensées, confronter leur absurdité.
Se libérer de la forme n’est pas s’abstraire dans la conscience de l’absence de forme, c’est expérimenter en tant qu’humain, la forme juste. Celle qui ne nie pas les lois de la Vie en maintenant le passé et en refusant le futur. Ni refus, ni appropriation.

Polir la tuile ne fait pas un miroir. Cette phrase citée dans l’article sur l’expérience spirituelle peut être à l’origine, comme la distinction du Grand et du petit, d’une séparation qui au lieu de nous libérer de nos conditionnements nous y enferme. La méditation, le retournement de la conscience, ou toute pratique spirituelle devient alors une trappe sur l’Infini qu’on ouvre de temps en temps pour ne pas mourir asphyxiés dans nos émotions.

Il ne s’agit pas en voyant nos exigences d'impossibilité “psychologiques” d’améliorer le moi. D’exiger un peu moins, moins souvent, de rabattre un peu nos prétentions. Non, c’est plus radical. Il s’agit de pulvériser l’exigence, de la détruire en constatant son absurdité. Lorsqu’un enfant comprend que le Père Noël n’existe pas il ne va pas simplement décider de lui écrire des lettres un peu moins longues. Il n’écrit plus. Cela s’appelle remettre en cause mon moi dans mon fonctionnement à moi et pas LE moi qui est un concept général. Et remettre en cause mon moi à moi ne se fait pas seulement par l’expérience de l’absence de forme, expérience impersonnelle s’il en est. Mais par un pointage très personnel qui met en lumière la forme particulière que prend le délire mental chez moi, Pascal, Lucie, Jean-Pierre, Laurence ou tartampion. Si la reconnaissance de notre absence de forme à un certain niveau est séparée de l’existence, alors elle va amener son opposé complémentaire : le pataugeage émotionnel. Et dans l’autre sens, tout épisode émotionnel intense appellera une expérience très « désincarnée », une « pause » dans le marasme émotionnel quotidien. L’expérience de l’absence de forme ou l’expérience du témoin que permet la méditation est ce à partir de quoi nous pouvons nommer nos convictions erronées. Mais le travail ne va pas se faire seul. Peut-être se fait-il seul dans les monastères Zen où les moines font za zen 10 heures par jour.
Je ne sais pas, je ne suis pas moine zen. Et je ne sais pas ce que c’est que za zen.

Après des années d’essais, viennent parfois deux tristes sires : Découragement et son acolyte Résignation. Je l’ai souvent entendu avec des phrases comme : « le petit restera toujours le petit, mais ce que je suis c’est le Grand. » ou dans une autre version : "le moi restera toujours le moi, mais ce que je suis c'est la conscience pure."

Est-ce que ça n’est pas confondre nos limites humaines avec nos conditionnements ? Nous ne sommes pas là pour nous libérer de nos limites humaines ( la mort, la vieillesse, les limites de notre force physique...etc) mais pour en faire l’expérience. En revanche nous sommes là pour nous libérer de nos conditionnements et un des, sinon le conditionnement de base, c’est la conviction que nous sommes un contenant fermé dans lequel les expériences restent et macèrent. C’est l’idée que nous avons (càd que nous possédons) une histoire, des expériences, des souvenirs, des traumatismes...et que nous n’existons que si nous les gardons. Quitte à en crever !! On peut avoir un enfant de 2 ans désespéré en soi, avoir un bébé qui pleure. On ne peut pas être cet enfant ou ce bébé à 30, 40, 50 ou 60 ans !! Car comme le dit la sagesse populaire : “ on ne peut pas être et avoir été” !!
C’est là-dessus qu'Arnaud, après être rentré, guidé par Swamiji dans le détail de ses conditionnements personnels, a basculé durant l’été 71 à Ranchi : ÊTRE ou AVOIR ?
Que disait-il Swamiji ?
« To be free is to be free from having, nothing else. »
« Être libre, c’est être libre d’avoir, rien d'autre. »


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22 commentaires:

ipapy a dit…

Pranam Corinne, je suis souvent impressionné par ta vision juste, précise et clairement exprimé de l'enseignement. Te dire merci serait un peu léger. Comme dirait Mathilde, ce texte "c'est du lourd" du très lourd. Au boulot Alain et au boulot les amis

Corinne a dit…

Je m'inclus dans l'équipe qui a du boulot !!

ipapy a dit…

Oui, bien sûr, mais quel cadeau tu nous fais car tu dénonces très clairement dans ce post une stratégie majeure du saboteur. Et ce n'est pas le genre de discours que l'on rencontre si souvent.

Anonyme a dit…

Aprés les jolies phrases de sagesse qui gratifient le mystique en moi, c'est une sacrée remise en cause d'une autre part de moi qui en prend plein la gueule.
Je reste sans voix.
Très clair.

Acouphene a dit…

Cela est semblable aux paroles de Daniel entendues en Belgique récemment. Etre c'est être libre d'avoir... On dit "s'être fait avoir". Alors je me joins à vous pour abattre l'avoir et laisser vivre le voir. Merci Corinne

Anonyme a dit…

merci

Anonyme a dit…

Mijoter Le Changement
Mitonner Le Courage
et Mouvementer Les Cuirasses
...Merci La Corinne!

Catherine Bondy:Psycho-Praticienne et Peintre. a dit…

tartampion te remercie corinne,
ce matin , c'était la tempête émotionnelle pendant la méditation ,
et , à la lecture de ces quelques lignes ,
je me sens recentrée ... sur l'action juste : dénoncer les fausses lois du mental (comme dirait Daniel )... et il y en a un paquet , en ce qui me concerne !!!

Anonyme a dit…

touché coulé
juste le coup de pied aux fesses qu'il me fallait pour faire suite a notre conversation d'hier
merci

gjmtenba a dit…

Merci Corinne.

Ce qui m'aide un peu c'est de savoir que je suis esprit incarné.
Le corps est important : aucun de ses os ne sera brisé, pourquoi ?
Je suis crucifié avec mon enfant morte dans mes bras, mais elle et moi nous montons ensemble vers notre Ciel.

Julie a dit…

Waouh imparable ! Merci c'est radical... je pressens que le futur livre du tandem Corinne/Alain que je commande dès aujourd'hui... va sans aucun doute nous aider à la pulvériser cette exigence absurde !!!

Anonyme a dit…

Après lecture du texte et comme je suis en plein dans le sujet, je vous quitte pour retourner au boulot. Vaste chantier.
Belle allusion au père Noël.... entre autres.
Merci Corinne
Michelle

Corinne a dit…

Il est probablement plus difficile d'enterrer nos enfants de chair que nos enfants "intérieurs". Mais la terre recycle tout. Confiance à toi gjm.

Anonyme a dit…

Quelle clarté.
Merci Corinne
Eliane

Valérie a dit…

Merci Corinne... et surtout n'hésites pas à revenir plus souvent sur le ipapy's blog !

Valérie a dit…

Ps : je viens d'avoir Emilie Thouvenot au téléphone. Elle me charge d'envoyer des MILLIERS de GROS bisous à son fils spirituel ! Et figurez vous que ça y est : elle a décidé de s'acheter un ordinateur et de se connecter sur la toile ! Et tout ça rien que pour suivre le blognotes de iPapy ! Si c'est pas une vraie fan ça je m'y connais pas !

Anonyme a dit…

Chapeau, cela redonne courage et énergie. Je mesure au quotidien combien ce combat est le seul essentiel à mener, et combien les résistances se lèvent si puissamment. Je sous-estime de moins en moins les épreuves et difficultés inévitables à traverser et propres à chacune et chacun.
Je t'embrasse. J-P gepetto

Anonyme a dit…

Tiens autre chose. Nécessité d'oser la folie de sentir qu'il est tout à fait possible de traverser toutes les épreuves, y compris la peur de l'ego de ne plus se maintenir, être ce vide plein conscient, sans formes, contenant toutes les formes.
J-P gepetto.

Anonyme a dit…

Woa ! tu as battu le record des commentaires !

Anonyme a dit…

eh bien, merci Corinne, tu me tires d'une solitude assez déchirante..."risque d'une existence coupée en deux"... je n'ajoute rien de plus aux commentaires de J.P. Gepetto, suis tout à fait d'accord avec ce combat à mener au quotidien
merci d'avoir mis des mots sur un ressenti très douloureux et c'est vrai que le voir et l'accueillir ne suffit pas ...
martine

Catherine Bondy:Psycho-Praticienne et Peintre. a dit…

corinne,
je reviens lire et relire ces phrases si précieuses que j'en ai soulignées quelques unes sur mon cahier perso. ; tu as été inspirée . merci de nous transmettre tes observations sur le fonctionnement infatiguable du mental , qui revient sans arrêt sur les vieilles blessures ,en nous laissant croire que c'est une manière d'exister !
PLACE AU NEUF , MAINTENANT !

dany a dit…

Un commentaire qui me touche 'au coeur" dans ma recherche particulière du moment.
Comment être sans-forme et être dans sa forme?
Comment être témoin et aussi dedans, impliqué?
Comment être Je et moi?
Comment être dieu et homme?
Jouer le jeu du balancier, selon une image récente d'Alain, dans la joie et l'accueil de l'instant.
Un superbe programme.
Merci dany