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Ce livre montre l'ampleur de ce que le peuple tibétain a enduré et endure toujours. À la demande du Dalaï Lama, Päldèn Gyatso, moine tibétain raconte sa vie. Son enfance chez sa tante à la mort de sa mère, puis chez son père dans le village de Pa-Nam où sa famille possède une belle maison et des terres, son entrée au monastère. Puis le jour où tout d'un coup son monde bascule. Päldèn Gyatso passera plus de trente ans dans les prisons chinoises. Il raconte avec sobriété le froid, la faim, la douleur des pieds enchaînés et des mains menottées dans le dos pendant des années, les interrogatoires où alternent torture morale et torture physique, un système où l'arbitraire règne, où les prisonniers sont changés sans cesse de cellule pour qu'aucun lien ne puisse s'établir entre eux, où chaque parole est déformée, les interminables séances de rééducation et les séances de dénonciation organisées, les insultes et la peur omniprésente, la destruction systématique de la culture et des valeurs du Tibet traditionnel. Dans l'extrait que j'ai choisi, Päldèn Gyatso est emprisonné depuis 7 ou 8 ans et il a changé déjà plusieurs fois de lieu de détention.
" On nous remit un petit recueil contenant les directives en seize points du président Mao. L'officier nous avertit d'un ton ferme que nous devions les apprendre par coeur. On attendait aussi de nous que nous exprimions clairement notre opposition à tous les ennemis du Parti auxquels nous devions être déterminés à faire la guerre. J'étais ébahi par la rapidité avec laquelle les autorités chinoises avaient produit ce petit livre et sa traduction tibétaine. Cela prouvait que la nouvelle campagne devait être prise très au sérieux.On nous dit aussi que nous pouvions formuler nos doutes et nos critiques. Apparemment, Mao lui-même avait décrété que personne ne serait puni pour avoir exprimé ses vues. L'officier qui nous parlait semblait sincère. En dépit de son ton doux et mélodieux, je n'étais pas convaincu. Je ne cessais de penser au préambule de chaque interrogatoire que j'avais subi : Si tu avoues, on te traitera avec indulgence.Nous étions si avides de parler librement que cette promesse de clémence incita un grand nombre de prisonniers à exprimer leurs doléances et donner libre cours à des sentiments gardés secrets durant des années. Aucun d'entre nous ne s'était jamais plaint de sa détention, des intimidations endurées durant les réunions hebdomadaires, de la cruauté des chefs de cellule. Avant toute chose, nous voulions pouvoir discuter librement entre nous sans craindre que nos propos fussent interprétés comme des diffamations du socialisme ou du Parti. Cette prétendue indulgence n'était évidemment qu'un piège, une tactique que les Chinois définiraient plus tard par : "comment attirer le serpent hors de son trou par la ruse". Cette promesse marquait le commencement de la révolution culturelle qui, durant les dix années à venir, plongerait le Tibet dans l'enfer."p193-194
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