mercredi 3 décembre 2014

Ayurvéda

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Les Védas sont des textes sacrés contenant le savoir révélé aux premiers Rishis (voyants) fondateurs de la tradition hindoue. Ce Livre a été compilé entre 2000 et 500 ans avant notre ère par le sage Vyasa. L'AyurVeda ou  savoir, connaissance à propos de la vie est la science médicale traditionnelle inspirée des Vedas . C'est à Yann Le Boucher que je dois cette courte introduction. Merci Yann.

Je n'ai jamais lu les textes de l'Ayurvéda et je ne suis ni praticienne ni médecin ayurvédique, je suis simplement les recommandations d'un médecin ayurvédique indien et c'est à ce titre que je partage ce que j'ai pu observer de la manière dont l'ayurvéda s'expérimente dans le quotidien. C'est souvent assez difficile à expliquer car notre mentalité occidentale a une certaine vision de la médecine, de la santé et de la maladie qui ne correspond pas à la vision de l'Ayurvéda.
L'ayurvéda n'est pas seulement une médecine au sens occidental du terme. Dans nos sociétés, la médecine est essentiellement orientée vers la lutte contre les maladies. Il ne viendrait à personne l'idée d'aller consulter un médecin en période de bonne santé. Par ailleurs, l'alimentation et le style de vie sont considérés comme une affaire de goût personnel et culturel qui ne sont pas du ressort du médecin. Sauf cas particulier le médecin ne donne pas de conseils alimentaires et il suffit de voir ce que l'on donne à manger aux malades dans les hôpitaux pour comprendre la pauvreté du lien qui existe dans nos représentations occidentales entre ce que nous mangeons et notre état de santé !
La pensée occidentale moderne procède par division et spécialisation du savoir. Elle peut de ce fait atteindre l'excellence dans un domaine très précis mais souffre d'une sorte de myopie : les liens entre les différents domaines ne sont plus perçus parfois même en dépit du simple bon sens. Tout conducteur de voiture sait que le fonctionnement de son véhicule dépend de la qualité et de la pertinence du carburant dont il le « nourrit ». Notre corps et notre psychisme sont bien plus sophistiqués qu'une simple voiture mais sont cependant nos véhicules d'incarnation. Leur état dépend de ce qui les nourrit. Et nous avons la responsabilité de ces nourritures. Ce n'est pas une idée très répandue chez nous .



Pour un médecin ayurvédique imprégné de pensée orientale, une vision globale du patient qui allie le corps, l'âme et l'esprit est une évidence. Cette vision tient compte du sexe et de l'âge de la personne, de sa culture et de son histoire personnelle, de son environnement de vie, de ses habitudes alimentaires et, dans le détail, de ce qui fait son existence au quotidien.
Il existe dans l'ayurvéda, une pharmacopée et des techniques de soins précis correspondant non pas à des maladies mais à un déséquilibre propre à une personne à un moment donné. Ce déséquilibre est évalué par le médecin par comparaison avec l'équilibre de base de cette personne particulière, qui est une proportion chiffrée des trois énergies fondamentales du corps : vata, pitta et kapha. Un déséquilibre des trois dosha (vata, pitta, kapha) a pour conséquence un certain nombre de symptômes que l'on appelle des maladies, mais ce que le médecin va traiter c'est une personne. L'ayurvéda considère d'ailleurs que l’apparition des symptômes est le sixième stade de la maladie, il s'intéresse donc à la bonne santé de la personne en premier lieu. Et c'est pour cette raison que l'on consulte un médecin ayurvédique même en l'absence de « maladie ». On va chercher auprès de lui non seulement une aide pour notre corps et notre mental en cas de dysfonctionnement avéré et étiqueté maladie mais simplement pour être en bonne santé.

Or la plupart du temps nous considérons à tort que la bonne santé est l'absence de maladie. Nous sommes tellement obnubilés par la maladie que nous en oublions de nous interroger sur la santé. L'ayurvéda s'intéresse de très près à ce qu'est la bonne santé et les questionnaires auxquels j'ai eu à répondre quotidiennement au cours d'une cure en Inde précisent les domaines dans lesquels nous avons à nous interroger. Des questions très simples qui concernent la qualité de l' énergie, de l'appétit, de la digestion, de l'élimination et du sommeil.
En fait en étant un peu attentif nous savons tous si nous disposons d'une bonne énergie physique et mentale . Cette bonne énergie n'est pas l'absence de fatigue après un effort bien sûr mais cette sensation de vie profonde qui fait que nous savons, qu'à leur mesure, notre corps et notre intellect vont répondre au mieux à la demande d'une situation. Nous savons aussi ce qu'est un bon appétit qui manifeste la vie et non un déséquilibre de compensation. Et il se peut aussi que nous ayons une idée de ce que sont une bonne digestion c'est à dire une digestion sans fatigue, j'allais dire sans « symptômes », une bonne élimination, régulière et un bon sommeil, profond et réparateur.

Cette connaissance de ce qu'est le bon fonctionnement de notre corps c'est la mémoire de ce que l'ayurvéda nomme notre prakriti ou notre nature d'équilibre. Nous naissons tous en effet avec une « fiche technique » qui est, pour chacun, un certain équilibre doshique. Le cours d'une existence humaine et beaucoup de mauvaises habitudes alimentaires, émotionnelles et mentales nous font dériver de notre prakriti, notre nature de santé. C'est cette lente dérive qui donnera plus tard des maladies. Arrivés à un certain âge, et en l'absence de symptômes de maladie caractérisés, ce que nous expérimentons comme « une bonne santé » est souvent bien relatif et s'apparente plus à ce dont nous avons l'habitude qu'à une réelle bonne santé. Je me souviens d'une personne revenant d'Inde et qui était tellement contente de ne pas avoir été malade ! Un peu plus loin dans notre conversation elle me dit avoir souffert de constipation. Et j'ai bien compris que dans sa tête une « tourista » était une maladie mais pas la constipation qui devait lui être assez connue. Moi-même, j'ai revu mes critères de bonne digestion. Je considérais comme normale la petite fatigue d'après le repas et quelques sensations de lourdeur ou de ballonnement liés à la digestion. L'expérience dans certaines conditions privilégiées de ce que peut être une meilleure digestion m'a fait reconsidérer ce qui est « normal » ou pas !



Vous l'avez compris, un praticien en Ayurvéda ne donne pas seulement de petites pilules ou des poudres, il indique une alimentation adéquate, des auto-massages ( abyanga)quotidiens avec des huiles adaptées, des pratiques respiratoires issues du yoga et quelques postures simples. Ceci est pour le « contenu ». Un élément essentiel est la manière. Vous pouvez avoir devant vous un plat ayurvédique techniquement impeccable, s'il a été préparé dans la précipitation par un cuisinier ou une cuisinière distraite, tendue, préoccupée par autre chose que ce qu'il ou elle est en train de faire, sa « valeur » énergétique au sens large s'en trouve appauvrie.
En fait l'ayurvéda tient compte de manière très fine de toutes les nourritures d'impression. Ce que nous mangeons n'est pas seulement une combinaison de glucide de lipides, de protéines ..etc. Ce que nous mangeons est imprégné de l'énergie du paysan qui a cultivé la terre, de celui qui a produit les graines, de toute cette chaîne humaine qui du cultivateur au cuisinier en passant par le transporteur et le commerçant a fait que ce plat se trouve devant nous. Et nous sommes le dernier maillon de la chaîne : la façon dont nous allons manger ce plat modifie sa qualité. Est-ce que nous le mangeons vite fait, en regardant la série de catastrophes qu'égrainent les informations à la télévision, dans une atmosphère tendue ? Ou est-ce que nous avons pris le temps de remercier avant le repas toutes les personnes qui l'ont rendu possible, est-ce que nous le savourons dans la bonne humeur et la détente en prenant notre temps ? Vous sentez la différence ? C'est la même que la différence de goût du poulet élevé en batterie, tué dans le bruit et la fureur d'un abattoir industriel, débité dans une usine par des ouvriers ou des ouvrières tendues par des conditions de travail inhumaines, cuisiné à la chaîne, sans soin et le poulet du fermier d'à côté, tué et plumé tranquillement et cuit avec amour pour des convives attendus.
Quelle nourriture d'impression absorbons nous dans notre nourriture physique ? Du stress de la peur et de l'indifférence ou du respect et de l'amour ?



Rares sont ceux d'entre nous qui ont la possibilité de savoir exactement d'où vient la nourriture qu'ils consomment. Le but est de faire « au mieux ». Pas de perfectionnisme qui s'accompagne en général de son contraire le laisser aller : je suis à la lettre les recommandations, je veux « contrôler » toute la chaîne et lorsque je m'aperçois que ce n'est pas possible, je laisse tout tomber. La perfection n'est que du domaine de l'Esprit. Les nourritures d'impression appartiennent au relatif.
Dans le relatif, tranquillement, comment aller vers une manière de se nourrir et de vivre que nous sentons la plus juste possible ? Et cette intention que nous gardons avec patience et bienveillance en arrière plan de nos actes peut nous aider à être en bonne santé, dans le relatif. Elle ne nous garantit de rien, elle n'évite pas toutes les maladies, elle ne nous fera pas échapper à la mort. Elle n'est pas un contrôle fondé sur notre peur de la dégradation. Cette intention est une manière de respecter et d'honorer le corps et l'âme qui nous ont été prêtés durant notre séjour sur terre.

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7 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci Corinne pour ce texte
Bonne journée
Patrick

j-p gepetto a dit…

Gratitude pour ton texte "nourrissant".
JP gepetto

Anonyme a dit…

Merci pour ce temps passé au partage.J'ai la chance de pouvoir me nourrir avec des aliments qui ont étés choyés jusqu'à leur récolte. Je les sens "contents", c'est subtil mais ils me mettent en joie !
Belle journée à vous
Anouk

da costa a dit…

Merci Corinne pour ce magnifique partage. Nous venons de " perdre " pour cause de retraite , notre médecin de famille, 30 ans de compagnonnage, et nous avons été avant-hier consulter une doctoresse d'une " maison médicale ", conseillée par notre ancien docteur. Un quart d'heure plus tard je suis ressortie avec des ordonnances d'analyse et d'examen qui auraient pu m'être délivrées par mon frigo s'il avait fait des études médicales. Donc nous venons de décider d'être le moins malade possible, c'est à dire de prévenir et de prendre soin. Mais ce n'est pas facile.Cette médecine sans âme est remboursée, l'autre non, et ce n'est pas le moindre problème. Merci. Nous t'embrassons
Anne et Fabian

Anonyme a dit…

Oups Corinne !
Ce n'est certainement pas moi qui t'ai dit que l'un des 4 védas s'appelait l'Ayur-Véda car c'est une grosse bêtise. Tu as probablement confondu Jayur véda et Ayur Veda.
Jayur véda = le 3ème des 4 livres formant les Védas
Ayur véda = science médicale traditionnelle inspirée par les Védas (mais dont les textes ne sont pas considérés comme "révélés", contrairement aux Védas).
A part cela, ton article est, comme toujours, fort bien fait.
Chaleureusement à toi

Yann Le Boucher

Anonyme a dit…

Re oups, Corinne

C'est à mon tour d'écrire une bêtise :
Le 3ème véda s'appelle le Yajur-Veda et non le Jayur-Véda comme écrit précédemment par dyslexie...

Yann Le Boucher

Corinne a dit…

Je corrige tout de suite, Yann. Merci