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Un extrait :
Mardi
"Un jour en Corse, près de Figari. Sur la plage nos hôtes ont organisé un spuntinu, comme on dit ici quand on prend du bon temps en même temps que le maquis. Autour du feu de bois, figatelle et vin de Sartène. Le ciel est une flanelle mitée de trouées solaires. La mer est en peau de taupe. Des blocs de granit roses encadrent la forêt d'arbousiers. Le genre de paysage que n'aiment pas les peintres : le travail est déjà fait. Une tour génoise veille, elle nous survivra. Soudain les invités lèvent la main dans un même mouvement. Ils prennent des photos, brandissent l'appareil à bout de bras. Ce geste, c'est le symbole de notre temps, la liturgie moderne. La société du spectacle a fait de nous des cameramen permanents. Quelle étrange chose, cette avidité de clichés chez des gens qui se pensent originaux. Quelle indigestion, quelle boulimie d'images. Plus tard, ils regarderont les photos et regretteront que le moment consacré à les prendre leur ait volé le temps où ils auraient pu s'incorporer au spectacle, en jouir de tous leurs sens et, le regard en haleine, célébrer l'union de l'oeil avec le réel."
Une très légère oscillation
Sylvain Tesson
Ed Pocket p 14
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7 commentaires:
Et oui...
Merci Corinne
Sandrine M
Superbe.
Merci
Le ciel est une flanelle mitée de trouées solaires.
La mer est en peau de taupe...
J'adore!
J'apprécie cet extrait, et les autres récits de Sylvain, de la poésie et des réflexions pertinentes sur notre époque!!!
Belle journée de regard Ouvert.
JP Gepetto
Tout n'est il pas une question de... focus...? Prendre ''la'' photo ou prendre ''ma'' photo, capter et non capturer mon ressenti...
Superbe Sylvain tesson, quel fin observateur et comme c'est poétiquement dit !
Sylvie V
On peut vivre les 2, allons allons, pas de dogmatisme...;-)
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