mardi 26 juin 2007

Choisir

La courte video d'Andrew Cohen a fait jaser sur le blog et dans notre chaumière. Nous en avons parlé avec Alain et voici comment je comprends ce que dit Andrew Cohen. Ce n'est pas une explication de texte, juste le lien que je peux faire avec ce que j'ai intégré de la pratique...

« Il n’y a pas de liberté, il n'y a pas de choix »
Je pratique l’astrologie depuis 17 ans, j’étudie donc les fonctionnements mécaniques de l’ego et du mental sur des cartes du ciel à partir desquelles, sans connaître une personne, on peut dire d’elle et de son histoire beaucoup de choses. Je ne vais donc pas dire que cette phrase est fausse. Je peux constater tous les jours et vous aussi, pas besoin d’être astrologue pour cela, l’empreinte des chaînes de causes et d’effet, le poids du passé sur nos « choix » et nos existences.
Peut-être même que cette phrase « Il n’y a pas de liberté » est ABSOLUMENT vraie…à un certain niveau – celui de l’absolu - . Que pouvons-nous faire de cette vérité « à un certain niveau » qui n’est pas le nôtre, enfin, pas le mien en tout cas, pour vous, je ne sais pas… ?
Est-elle seulement inutile comme un peigne peut l’être pour un chauve ou est-ce qu’elle est dangereuse ? Il me semble qu’elle peut être dangereuse, parce que sans que nous nous en rendions compte elle justifie les « je ne peux pas », « je n’ai pas le choix » du mental. Elle maintient de manière latente un découragement de fond : ça ne finira jamais, l’esclavage aux émotions et aux pensées n’a pas d’issue, nous sommes condamnés à la souffrance. Variante : les autres peut-être pas , mais moi, je suis condamné(e) à la souffrance à perpétuité.
Pourquoi suivre un enseignement, pourquoi pratiquer,alors, si je n’ai pas de choix ? Parce que je suis « programmée » pour ça ? Ah, bon, l’ego, le mental, sont concernés par la pratique ? Et pourtant même convaincus qu’il n’y a pas de choix, beaucoup pratiquent et sincèrement. Mais ils utilisent la pratique comme un cachet d’aspirine, comme un anti-douleur, un remède contre la souffrance. D’où l’intérêt quasi exclusif pour les émotions. La pratique devient « ce qu’il y a à faire » en cas d’émotion ou parfois même uniquement en cas d’émotion désagréable.
L’ enseignement de Swâmiji ne présente pas la pratique comme une procédure d’urgence contre la souffrance mais comme un outil de Vérité, un outil de Liberté. Qu’il y ait souffrance ou pas.
Pratiquer c’est de ce point de vue choisir la Vérité. Mais notre pratique escamote souvent le moment du choix. Face à une grosse perturbation émotionnelle, le moment du choix, c’est le moment où la pensée qui alimente l’émotion est VUE, reconnue comme fausse et abandonnée.
La pensée ne peut être vue que lorsque l’émotion s’est calmée et l’émotion ne se calme que lorsqu’elle a été sous une forme ou une autre exprimée. Je parle des grosses émotions et, bien entendu, exprimer l’émotion ne veut pas dire en faire profiter son entourage de manière explosive. Exprimer l’émotion se fait seul(e) et peut se faire sobrement.
Exprimer l’émotion c’est lui dire OUI, la voir et la reconnaître. Lorsque l’émotion est à son comble, la tension est à son comble et l’objectif premier est d’amener de la détente. C’est certain, une forme de détente viendra naturellement au bout d’un moment - on ne peut pas passer son existence en crise !! – mais la pratique consiste à accélérer le processus. Et pour amener de la détente, une seule solution : « caser » un oui quelque part. Où est-ce que je peux caser un oui ? Sur la situation qui me fait tant réagir ? Non. Pas encore. Mais sur la réaction à la situation, sur l’émotion, c’est possible. OUI, je suis en colère, OUI, je suis désespéré(e), Oui ,je trouve que c’est injuste, inacceptable. Allons-y. Le pire c’est de rester coincé, bloqué dans une émotion et d’attendre qu’elle passe toute seule. L’émotion est une amie car elle est visible, perceptible, grossière. Pas difficile de reconnaître : oui, je suis furieux, ça se voit, gros comme une maison.
A ce stade, deux stratégies du mental…
Première stratégie : le malin finasse « je ne sais pas si je suis triste ou en colère, en fait c’est très complexe… » Détournement de conversation, détournement de pratique. Laissons l’émotion s’exprimer avec des mots simples, qui sortent tout seuls et les choses seront vite claires. Ne laissons pas le mental nous embrouiller en nous suggérant que la pratique c’est comprendre la nature de l’émotion, son origine, le comment et le pourquoi. Parce que papa, parce que maman, c’est important, c’est même capital et on ne peut pas en faire l’économie. Mais, ,là, à chaud, ce n’est pas le moment !!
Deuxième stratégie du mental : nous maintenir dans la confusion émotion/pensée en empêchant l’expression de l’émotion sous plein de prétextes : je connais cette émotion, pas la peine de l’exprimer encore, j’ai déjà essayé et ça n’a rien donné, ou encore, elle est trop forte je vais tout casser si je l’exprime, ou encore elle va empirer si je l’exprime….Le piège se referme. Pas d’expression de l’émotion, juste une compression qui la maintient à petit feu plus longtemps. Lorsqu’elle cesse de se manifester c’est que, par épuisement, elle est repassée sous le seuil de la conscience.
Il y a eu pratique : accueil de l’émotion. Le service minimum. Mais la pratique s’est arrêtée à mi-chemin. Elle n’a fait qu’accompagner la diminution naturelle de la tension de toute émotion qui en tant que forme apparaît et disparaît. Le moment du choix a été évité.
La deuxième partie de la pratique commence ici. Elle ne peut commencer que si l’émotion a été vidée consciemment de sa charge explosive et pas si elle est simplement « morte » de mort naturelle.
La deuxième partie c’est VOIR la pensée qui est la racine de l’émotion, la mettre en lumière. Je dis bien la pensée, pas les faits. Les faits sont toujours neutres, et nous le savons bien, seule la pensée que ça aurait dû être autrement est source d’émotion et de souffrance. Face au surgissement de l’émotion, pas de choix possible. Au moment où la pensée à la racine de l’émotion est démasquée, est vue, à ce moment précis le choix est possible : est-ce que je me soumets à cette pensée ou est-ce que je choisis la Liberté ?
Est-ce que je suis le mental ou est-ce que je suis la Vérité ?
Ou comme le dit Andrew Cohen : est-ce que je choisis l’ego ou le Soi ?

29 commentaires:

Julie a dit…

OUI Corinne ! C'est très clair, concret... tu démontes parfaitement les mécanismes bien connus ! Bravo pour la simplicité, c'est un gage de grandeur de mon point de vue. Merci, voilà un texte très utile !

Catherine Bondy:Psycho-Praticienne et Peintre. a dit…

après l'écoute d'andrew Cohen , j'ai été rattrappée par une vague de " conviction émotionnelle de l'égo " ... et toute la journée a été telle que tu la décris , corinne , dans ces quelques lignes ... je me suis même dit : " elle parle tellement bien de ce combat , duel , ballotage incessant entre l'identification à l'émotion et la détermination à Voir ce qui est Vrai ". Je voulais témoigner de cette expérience si cruelle et si essentielle de devoir se retrouver entre soi et Soi et se confronter au véritable choix : croire ou Voir ?"

Anonyme a dit…

merci Corinne ;)

Pranam

Anonyme a dit…

Effectivement, le piège existe de justifier un laisser-aller et d'abandonner la partie. En tout cas, je suis passé par là de nombreuses années.
J-P gepetto.

fishfish a dit…

1-"Emporté par" il y a plus personne.
2-En "étant un avec" l'émotion, il y a plus personne pour souffrir.
Quelle est la différence?
personne , absence de "je suis" et présence d'égo
ou personne, présence impersonnelle et absence d'égo.
Pareil pour la liberté

ipapy a dit…

Merci Corinne. Ce texte m'aide réellement.
Entre Andrew Cohen et Corinne Cantet comme instructeur, mon choix est fait.

ipapy a dit…

Ah! j'ai oublié l'essentiel.
Pranam
ou Total Respect
comme tu veux

Corinne a dit…

Réponse à Ipapy : je préfère un bisou !!

Julie a dit…

Je conseille vivement la lecture du dernier post de Marion...http://adjoi.blogspot.com/... c'est également un très beau partage.

Anonyme a dit…

C est dans cete pratique que L Index de Douglas est un outil fantastique je dirais Divin pour se situer par la Vision ,ce qui squeeze l action intellectuel ,d ou la completude des Enseignements
François

Sabine a dit…

Même sensation qu'à l'AG: clarté d'une eau (pensée) pure dont le fond est visible AVEC toute la transparence. Bigre...
Bisoux

Anonyme a dit…

Merci Corinne.
En plus de la pratique que tu decris, Andrew parle avec insistance de "mettre la lumiere sur la capacite de choix". Ce que du ecris represente pour moi la pratique de la capacite de choix. En plus de la pratique, Andrew dit qu'il faut mettre la lumiere sur la capacite elle-meme, que c'est tres important. Pourquoi? Parce qu'il y a LA un choix a faire? Oui, mais pas seulement. Si la capacite de choix est vraiment reconnue, il n'y a plus aucune excuse pour ne pas s'en servir.
Ensuite, il faut etre honete avec soi-meme! Peut-etre que c'est meme suffisant.
Jacques

Anonyme a dit…

Ouaouh!!! Corinne!!! comme chaque fois que je t'écoute et te lis (voir l'A.G. d'Hauteville!!!),je suis subjugué par ta qualité d'expression, ta justesse...plus clair que Swamiji, aussi percutant qu'Arnaud...Vite, vite, vite, Corinne à Hauteville tous les jours que Dieu fait! Quelle instructrice! oui oui oui, c'est comme cela que j'aborde l'émotion et le VOIR à chaque fois...c'est si bien exprimé...merci merci merci Jérôme A.

claudine b. a dit…

Bravo Corinne, je vote pour toi en tant que prochaine collaboratrice d'Arnaud, si j'avais le choix...
claudine b.

Anonyme a dit…

En plein dans le mille!Pranam...

Anonyme a dit…

Bonjour à tous,
Merci Corinne pour ces éclaircissements de ces differentes étapes.A moi de lire ,de relire et de relié avec mon incarnation humaine.

Christian a dit…

J'ai écouté Andrew Cohen en prenant des notes, lu et relu le post de Corinne et les réponses qu'il a suscitées. Entre la confusion créée par Cohen (rajoutant "une entité" aux déjà bien encombrantes entités dénommées "ego" et "soi"), et la clarté de la démonstration technique de Corinne, je n'hésiterais pas. Cependant, je ne suis pas sûr que chacun parle de la même chose.
Je cite Bernard, dont je viens de terminer la lecture, laquelle a été conseillée sur ce blog : "D'accord, l'individu est un robot et il est plus vécu qu'il ne vit. C'est une certitude parce que c'est mon expérience. Par contre je ne suis pas cet individu et la conscience que j'ai de cet individu est totalement libre. Tout le monde continue à se complaire dans la confusion entre le spectacle et le spectateur, les événements quotidiens et celui à qui ils arrivent..."(...)En gros nous n'avons aucune emprise sur les événements qui arrivent mais la conscience que nous en avons est libre."
Les explications de Cohen comme celles de Corinne me semblent avoir en commun de s'adresser à ceux qui s'identifient au spectacle et je suis certain que l'un et l'autre savent que le problème du choix ne se pose que pour ceux qui croient encore être, comme moi, l'auteur de ses choix, fussent-ils de dire oui ou non à l'émotion et à la pensée qui l'engendre. Et tant qu'on y croit, on n'a pas d'autre choix que de choisir !??

Anonyme a dit…

A Chris:
Je re-insiste sur ce que dit Andrew, et qui pour moi est le plus important dans son discours: "mettre la lumiere sur la capacite de choix".
Corinne nous explique une pratique, et nous montre "ou, quand, comment", un choix est fait dans cette mecanique.
Ce que je comprend de l'insistance d'Andrew, c'est que le choix (emotionel ou non) est habituellement inconscient.
Mais si la capacite de choix est reconnue une bonne fois, elle reviendra a la conscience le moment venu. Face a l'emotion par exemple.
Et si je sais que j'ai le choix a un moment donne de la mecanique, ce n'est deja plus une mecanique.
En poussant un peu plus loin, je ne suis pas manipulable, je ne peux pas faire d'erreurs, je ne peux pas mentir. A chaque fois que je suis manipule, que je me trompe, que je mens, cela decoule d'un choix que j'ai fait.
This mind is Buddha. Mais je peux choisir de faire semblant de ne pas le voir.. tout en faisant semblant de ne pas choisir. Ce qui necessite que je manipule, que je trompe, et que je mens a tout le monde.
A+
Jacques

Anonyme a dit…

A lire : http://www.nouvellescles.com/
article.php3?id_article=440
Voir aussi les chapitres 20 et 21 de
"Pour une relation parfaite avec la vie", d'Andrew Cohen.
Mais surtout : Chapitre IV de "Svâmi
Prajnanpad",tome 2, de Daniel Roumanoff, chapitre intitulé : Agir

Vincent a dit…

Ohlala... c'est magnifique... Merci Corinne, ça m'éclaire beaucoup...

Mon souci, c'est que j'ai du mal à repérer la pensée qui précède l'émotion : ça va trop vite... et quand l'émotion est apaisée, j'ai beau revenir en arrière, je ne la retrouve pas (la pensée), ou alors je réagis émotionnellement au souvenir, mais là encore, la pensée génératrice de l'émotion passe trop vite...
Y a-t-il un "truc" pour l'attraper en vol ?

Anonyme a dit…

Corinne,
Tout ce que tu écris me paraît encore très dense... je commence à "voir" l' apprentie disciple qui érige ces mots en Vérité... et vu l' ampleur de la tâche... le "malin" me rattrape: c' est pas pour toi... Je m' accrocherai, et rien que pour ça, je te suis reconnaissante.
Brigitte

Acouphene a dit…

écouter également l'interview d'Andrew :
http://spinescent.blogspot.com/2007/05/la-dcouverte-dandrew-cohen.html

Anonyme a dit…

Saura-t-on jamais pourquoi certain(e)s se tournent vers leur vraie nature et d'autres pas, pourquoi ceux-ci, celles-ci persévèrent et d'autres abandonnent?
Cela demeure le "mystère" des mystères, le Jeu de la Conscience...
J-P gepetto

Anonyme a dit…

A J-P gepetto, questions subsidiaires:
Qui est ce "on" qui ne saura jamais?
Qui sont ces "certain(e)s" qui "se" tournent?
Qui? Sinon Quoi?
Amitiés
Jacques

gjmtenba a dit…

De 20 ans même pas sonnés à 22 ans j'étais en Algérie : Aïn-Arnat, Alger, Sidi-Bel-Abbès, Mascara, Tlemcen, Oran. Il y avait les évènements comme on disait et sur le fond un grand vide.
Quand c'était possible je lisais ce que je trouvais :
Contre la Guerre d'Alain (interdit).
Et Albert Camus :
Le Mythe de Sysiphe.
L'Homme Révolté : Le rôle de l'esclave c'est de se révolter.
Cet esclave révolté n'est ce pas ce personnage dont parle Andrew Cohen ?
Mais Sysiphe lui ne se révolte pas, et Camus demande : Peut-on imaginer
que Sysiphe est heureux ?

dom dom a dit…

moi aussi je vote "Corinne" nouvelle collaboratrice d'Arnaud !

Anonyme a dit…

je choisis de ne pas ecouter andrew cohen et de m'en tenir
a la limpide synthese de Corinne sur la pratique.demonstration qui ravit ma cervelle de matheux et qui va droit au coeur de l'apprenti disciple. si simple ,si difficile !! merci Corinne !!

Stéphane a dit…

Merci Corinne.

Vincent a dit…

Je relis ce post aujourd'hui encore - il est dans mes "favoris". Je n'y arrive pas, Corinne. Je crois comprendre tout cela, et je vois aussi dans mon expérience combien c'est vrai, par exemple cette habitude que j'ai à utiliser la pratique comme moyen de calmer la souffrance - pourtant je fais attention à pratiquer AUSSI dans les moments d'enthousiasme, de joie, etc.. Mais la tendance fondamentale en ce moment c'est d'utiliser la pratique comme un anti-douleur, oui.
Et depuis que tu as écrit ces lignes, je fais attention également à ne pas rester fasciné par les émotions, mais à pratiquer sur les pensées. Le résultat est que j'ai l'impression que, soit l'effet est radical, soit il met beaucoup de temps à venir, quand il vient... donc je dois mal m'y prendre, non ?
Quant à la question du choix, celui de voir, de dire oui, etc., ce qui me frappe le plus, c'est que j'ai l'impression de ne pas avoir eu le choix de choisir de voir ou de ne pas voir : le rappel à moi-même est venu, je ne l'ai pas appelé, sinon j'aurais déjà été dans le "non-oubli".
La question forcément est alors pour moi : comment, à partir de l'oubli de soi, créer les conditions favorables à la venue du rappel à soi ? "Il faut monastériser votre quotidien", dit Alain. Je n'y arrive pas.... Il y a une telle force d'inertie en moi : comment la vaincre ? C'est mon gros problème actuellement.