Un très court récit autobiographique très touchant. Celui qui a étudié et mis en valeur le concept de résilience, est un résilient lui-même, on s'en doutait. Il revient plus de 60 ans après sur les lieux de son arrestation et de son évasion le 10 janvier 1944 alors qu'il avait 6 ans et demi.
Voici un extrait :
« Le tempérament, c’est l’apprentissage d’un style de relation. C’est une sorte de « goût », c’est ce « goût du monde » que l’on acquiert très tôt dans la vie. Il y a des gens qui goûtent le monde de manière amère, d’autres qui le goûtent de manière sucrée, il y a des goûteurs gais et des goûteurs tristes, des goûteurs accueillants et des goûteurs hostiles. Et ce « goût du monde » explique nos réactions souriantes ou méfiantes, intellectuelles ou désespérées. Ce goût du monde est une empreinte très précoce.
Le professeur Parens, de Philadelphie, qui lui-même, enfant, s’est évadé à l’âge de onze ans, se souvient qu’il était gai, très gai au moment de son évasion. Cette gaieté traduit certainement un style relationnel. Mais, au-delà, ce qui explique le déclenchement du processus résilient, c’est l’insoumission. À l’opposé, les enfants qui se sont laissé enfermer et qui sont morts en déportation sont ceux qui ont accepté de se soumettre à une loi absurde. Henry Parens dit très justement que c’est sa mère qui l’a sauvé en lui demandant de s’évader, alors que les autres enfants restaient près de leur mère et mouraient avec elle.Parens a cependant eu la « force » de quitter sa mère – à sa demande – parce qu’elle lui avait donné cette énergie. En ce qui me concerne, je pense que j’ai eu la force de désobéir. En effet, je me rappelle très bien que les autres enfants étaient groupés autour d’une couverture et de boîtes de lait Nestlé, qui étaient un prétexte pour faire croire à une démarche humanitaire, alors que ces objets étaient en réalité destinés à les attirer pour les diriger vers un wagon et les déporter. Si j’ai eu l’idée de ne pas me mêler au groupe des enfants, c’est certainement parce que j’avais déjà le goût de la désobéissance et que , déjà, je savais qu’on ne doit pas se soumettre à toutes les lois, même si elles viennent des adultes. »
Boris Cyrulnik
Je me souviens…
Ed Odile Jacob poches p63-64
3 commentaires:
Merci Corinne ,
Cet homme m'inspire depuis que l'on entend parler de résilience ...
et c'est aussi l'histoire de ma lignée ...
Son état d'Esprit est une fenêtre dans notre monde morose ,
un positionnement , tout sauf résigné !
Sur le même thème ,
Dominique et moi sommes allés voir hier soir : "Ces amours là " le dernier film de Claude Lelouch...
avis aux amateurs de " désobeïssance consciente et nécessaire parfois ..."
Belle journée à toi Corinne.
Attention, si vous avez une personne dans votre entourage qui n'arrive pas à "Résilier", ne lui jetez pas la pierre.
Cyrulnik et sa résilience est aussi un rouage de notre société pour garder la paix sociale.
Il n'a été résilient qu'au prix de l'oubli des humiliations subies.
Il a été bien entouré, ses tuteurs de résilience sont fiables. Il a eu de la chance.
http://resilience-autofiction.over-blog.fr/categorie-11016901.html
Comme toujours la question intéressante est :
qu'est-ce que la volonté ? quel est le moteur ?
J'ai connu il y a fort longtemps une femme rescapée de Ravensbruck, compagnon de la Libération, décorée par le Général de Gaulle.
En contraste, son fils était un zazou, qui semblait sans volonté, sans envie.
J'ai rencontré Martin Gray, à Draguignan, quelques années après le drame du Taneron. Il m'a semblé être comme en-dehors de sa propre histoire.
Le mot résilience était alors utilisé seulement en RdM (résistance des matériaux).
gjm
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