Le livre est le récit de son voyage en Asie cette année-là, voyage qui prend le temps des rencontres...en particulier avec les devins les plus réputés de chaque pays ou ville traversés.
"Pourtant, il y avait dans les rencontres avec ces personnages, finalement tous assez normaux et préoccupés de gagner leur vie, quelque chose de plaisant. A force de passer en revue les problèmes de famille, santé, amour, richesse, je finissais par penser à moi-même comme je ne l'avais pas fait depuis longtemps. Qui est-ce qui, à mon âge, pense encore vraiment à lui-même? Qui fait une pause pour se demander sérieusement s'il veut une autre femme, un troisième enfant ou simplement une bague au majeur de la main droite? On tend à occuper son esprit avec la routine, et on ne se donne jamais le temps de s'observer avec un peu de recul. Combien de personnes heureusement mariées jouissent consciemment de cet état ? Y pensent-elles avec plaisir en allant au bureau ? Les moments pour réfléchir à ce qu'on a se font de plus en plus rares. La prière remplissait cette fonction ; mais qui est-ce qui remercie encore le Seigneur avant de commencer à manger ?
Et qui réfléchit encore sur la mort? Pour nous, Occidentaux, elle est devenue un tabou. Nous vivons dans des sociétés façonnées par l'optimisme des publicités, où la mort n'a pas de place. Elle a été refoulée, on s'en est débarrassée. Chaque devin que je voyais, au contraire, me confrontait à elle.
Ce qu'elle a changé, la mort, au cours de mon existence ! Quand j'étais enfant, c'était un événement collectif. Quand un voisin mourrait, tout le monde assistait à l'événement et aidait la famille. La mort était exhibée. On ouvrait la maison, le corps était exposé, et chacun faisait ainsi connaissance avec la mort.
Aujourd'hui, c'est le contraire : la mort est une gêne qu'on dissimule. Personne ne sait plus la gérer. Personne ne sait plus quoi faire d'un cadavre. L'expérience de la mort devient de plus en plus rare, et on peut arriver au terme de sa vie sans avoir assisté à la mort de quelqu'un."
Un devin m'a dit
Ed Intervalles p158
.