lundi 9 mai 2011

Tiziano Terzani : à propos de l'Inde et de l'Afghanistan


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« L'Inde reste quand même un pays à part malgré ses dirigeants, un pays dont le corps social n'est pas exclusivement motivé par des aspirations matérielles. Il n'y a qu'en Indes que des millions et des millions d'hommes et de femmes encore aujourd'hui »hui, après une existence normale de pères et de mères, employés ou professions libérales, renoncent à tout dans cette vie – leurs biens, leurs affections, leurs désirs, leurs nom – pour devenirs des samnyasin, des ascètes, et vêtus d'orange, à l'âge où nous prenons notre retraite, ils rejoignent les pèlerins; de temple en temple, d'ashram en ashram, ils parcourent le pays en vivant d'aumône. Tant que cela durera et que la population continuera à nourrir les samnyasin et à las respecter, l'Inde représentera une alternative existentielle et philosophique au matérialisme qui domine aujourd'hui le reste du monde. C'est pourquoi elle demeure, au fond, un front de résistance contre la globalisation et de défense de la diversité.

Par sa seule existence, l'Inde rappelle aux Occidentaux que tout le monde ne désire pas ce que nous désirons, que tout le monde ne tient pas à être comme nous. Je repense à l'Afghanistan et je me rends compte cela vaut pour ce malheureux pays. La « communauté internationale » qui arrive là avec son argent, ses soldats, ses conseils et ses experts ne sera pas du tout la solution pour l'Afghanistan, mais un nouveau problème si l'avenir du pays n'est qu'une projection de l'imaginaire et des intérêts occidentaux au lieu d'incarner les aspirations des Afghans, de tous les Afghans.

[ …] Je feuillette mes carnets pleins de notes, d'histoires entendues, de réflexions faites sur le moment et, avec la distance, il m'apparaît de plus en plus clairement que tout ce qui se passe ou se passera dorénavant en Afghanistan a finalement à voir avec la différence : avec le droit d'être différents. Il y a un siècle, pour les Afghans comme pour d'autres peuples du monde, la différence c'était de se rendre indépendants de l'oppression coloniale; aujourd'hui, c'est rester en dehors d'un système plus sophistiqué mais tout aussi oppresseur qui cherche à faire du monde entier un marché, de tous les hommes de consommateurs à qui vendre d'abord les mêmes désirs et ensuite les mêmes produits. »

Lettres contre la guerre
Tiziano Terzani
Ed Liana Levi p133à135

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3 commentaires:

yannick a dit…

Comme je me sens en accord avec ce texte!

Anonyme a dit…

Touché.
Albert

sandrine a dit…

Waouh, respect!