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Un témoignage passionnant. Une belle écriture, simple, directe. Ou comment une enfance entre deux cultures a amené l'auteur à ne pas juger, mais toujours comprendre, remettre en situation, élargir sa vision, intégrer le point de vue de l'autre.
L'auteur raconte ici un événement vécu par sa mère en Afrique du Sud en pays tsonga (1)
"Ce soir-là, les tambours qui saturèrent l'air à leur approche faisaient vibrer le crépuscule d'une pulsation lourde et solennelle. J'en ai entendu de semblables, quelque trente ans après, et je peux témoigner qu'ils ne laissent pas votre imagination tranquille.
Dès que les deux adolescentes eurent franchi les limites du village, elles furent assaillies par une horde de femmes qui les obligèrent à se dévêtir et les poussèrent vers d'autres jeunes filles recroquevillées autour d'un feu aux flammes dansantes. Elles n'eurent pour toute explication qu'un péremptoire et catégorique "on vous prend pour l'initiation !".
Les femmes flagellèrent leur dos nu tout en les exhortant à répéter des phrases en tsonga dont les jeunes femmes ne comprenaient même pas le sens.
Ma mère eut très peur, mais à partir de ce jour, elle sut que faire de cette émotion. Elle me dit, quand je fus en âge de le comprendre - alors que nous vivions avec ma famille maasai -, que la peur liée à cette sensation de plongeon dans l'inconnu sont les ingrédients essentiels de l'initiation. L'individu confronté à ce genre de situation brutale sans préparation est dans l'obligation de la dépasser. Ce qui ne veut pas dire ne plus avoir peur, mais ne plus avoir peur de se confronter à cette peur. Elle me disait qu'en Occident on cherche justement à éliminer de nos vies la peur et l'inconnu, et que seuls les sportifs de haut niveau sont confrontés à cela et se surpassent en voulant l'apprivoiser pour la conquérir."
p32
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(1)Les Tsonga sont une ethnie bantoue vivant au nord de l'Afrique du Sud et au Mozambique.
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1 commentaire:
Merci Corinne, ça me donne envie de voyager ...
Karl
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