Voici un conte spirituel que nos amis Yann et Anne Marie Le Boucher ont entendu de la bouche de Ma Ananda Mayi à Nadiad en novembre 1978. Merci à Yann qui l'a mis en forme et le partage avec nous.
Il était une fois un grand roi qui traversait une période de crise spirituelle aiguë : malgré tous ses efforts, sa quête intérieure n'avait abouti qu'à une série de doutes qui s'étaient cristallisés autour de quatre questions.N'ayant réussi à rencontrer Dieu ni dans les temples, ni dans les lieux de pèlerinage, ni même auprès des sages qu'il avait pu approcher, le roi s'interrogeait : Est-ce que Dieu existe vraiment, et si oui, où diable peut-on le rencontrer ?Voyant que les offrandes de nourriture qu'il faisait régulièrement au temple n'étaient jamais consommées par les statues des Divinités mais finissaient toujours dans le ventre des humains sous forme de prasad, il se demandait :Est-ce que Dieu se nourrit vraiment, et si oui qu'est-ce qu'il mange ?
Les livres qu'il avait lus pour tenter de comprendre d'où venait le monde parlaient de la lilâ de Dieu. Mais si le monde était le produit d'un jeu divin, qu'est-ce qui pouvait bien faire rire Dieu dans ce jeu ?Enfin, devant l'inéluctabilité de la loi de cause à effet qu'il voyait partout à l'oeuvre, le roi doutait de plus en plus de l'omnipotence divine :
Face au karma, Dieu est-Il vraiment tout puissant ?
De plus en plus tourmenté par ces questions qui restaient sans réponse, le roi eut un jour une idée : il fit annoncer dans tout son royaume qu'il récompenserait de mille pièces d'or celui qui pourrait lui fournir une réponse satisfaisante à ses quatre questions.
À cette nouvelle, tous les savants et les lettrés de la contrée se mirent à réfléchir activement dans l'espoir de gagner la récompense. Mais aucune des réponses qu'ils proposèrent ne put satisfaire le roi. Le temps passa. En même temps que se développaient dans tout le pays d'interminables discussions autour de ces quatre questions, le roi devenait de plus en plus perplexe quant à la chance qu'il avait de rencontrer un jour quelqu'un capable de mettre un terme à sa crise spirituelle.
Un jour cependant , quelques mots d'une de ces conversations entre érudits vinrent aux oreilles d'un paysan illettré. Il demanda aux interlocuteurs la raison de leur ardeur oratoire. Mais ceux-ci se mirent à rire, lui rétorquant qu'il ne serait d’aucune utilité pour lui de la connaître.Cependant, sur son insistance, ils finirent par lui faire part des quatre questions du roi. À leur grande surprise, le paysan se mit à sourire en disant : "Il ne s'agit pas là de quelque chose de bien difficile. Conduisez-moi au roi, et je lui fournirai les réponses qu'il désire".Ses interlocuteurs tentèrent d'abord de le dissuader de ce projet, car ils le supposaient un peu simple d'esprit. "Allons, comment pourriez-vous satisfaire le roi sur cette matière, alors que les plus grands lettrés du royaume ont tous échoué !" Mais finalement l’insistance du paysan à vouloir être conduit au palais eut raison d'eux et, la chose s’étant ébruitée, c'est une foule de plus en plus large qui, chemin faisant, s'en alla accompagner notre homme jusqu’au lieu d'audience…C'était du plus haut comique que de voir ce simple paysan, vêtu de haillons, en présence du roi et de toute sa cour. Le roi sourit à ce qui lui sembla d'abord n'être qu'une plaisanterie. Mais il était juste et intelligent, et donna sa chance au paysan.Devant un parterre bondé d'érudits et de lettrés suspicieux, il posa sa première question :
- Si Dieu existe où est-ce qu'on peut le rencontrer ?
Le paysan, malicieux, répondit simplement :
- Ô roi, faites-moi d'abord savoir où est-ce que vous êtes certain que Dieu ne se trouve pas !
En entendant cela, le roi se plongea quelques instants dans une intense réflexion, et, tout à coup, l'omniprésence de Dieu lui devint évidente.Etonné mais satisfait d'une réponse si éclairante, il posa sa deuxième question :
- Puisque Dieu ne touche pas aux offrandes de nourriture qu'on Lui fait dans les temples, est-ce qu'Il se nourrit et si oui qu'est-ce qu'Il mange ?
Ce à quoi le paysan répliqua que c'était non pas les offrandes matérielles mais l'ego du donateur qui servait de nourriture à Dieu :
- Ô roi, s'Il ne mange pas la totalité de votre ego, soyez certain que vous ne pourrez pas Le réaliser !
De nouveau, en entendant ces mots, l'intelligence du roi s'éveilla et il fut pleinement satisfait.En réponse à la troisième question : Qu'est-ce qui peut bien faire rire Dieu ? le paysan expliqua :- Quand, avant de naître, nous sommes confinés dans le sein maternel, nous souffrons de cet emprisonnement et nous nous souvenons alors de toutes les mauvaises actions commises dans nos vies antérieures. Aussi commençons-nous à prier Dieu avec une repentance sincère et profonde pour qu'Il nous délivre de cette horrible prison qu'est la matrice, et nous Lui promettons qu'en échange, nous serons désormais des adorateurs pleins de ferveur et pleins de zèle. Mais aussitôt que nous venons en ce monde, nous nous laissons reprendre au piège de Maya, et oubliant toutes nos promesses, nous retombons dans nos vieilles erreurs. C'est pourquoi, à chaque fois qu'un enfant vient au monde, Dieu rit, car Il sait combien cet être humain va avoir de mal à tenir la généreuse promesse qu'il Lui a faite avant de naître…"
Après cette troisième réponse, le roi devint tout à fait bienveillant à l'égard du paysan, et posa avec déférence sa quatrième question :
- Le pouvoir de Dieu est-il limité par celui du karma ou bien est-il infini?
Mais au lieu d'y répondre d'emblée, le paysan annonça :
- Ô roi, il s'agit là d'une question fort délicate et je ne peux la traiter tant que quelque chose de bien particulier n'a pas été accompli.
Le roi, qui était désormais des mieux disposé à l'égard du paysan, acquiesça en disant :
- Je suis prêt à satisfaire votre demande quelle qu'elle soit.
Le paysan lui dit alors :
- Bien! Dans ce cas ayez donc l'obligeance de quitter votre place et de prendre la mienne, car pour pouvoir répondre à votre dernière question, il faut que je sois assis sur votre trône !
Pris au piège de sa propre parole, le roi s'exécuta et vint s’assoir à la place du paysan, alors que ce dernier gravit les marches du trône, s'y installa, puis entra dans ce qui semblait être une profonde méditation. Cela apparaissait à tous comme le spectacle le plus incongru qui soit. Aussi le roi rappela bien vite au paysan son devoir :
- Hé!, vous devez donner votre quatrième réponse maintenant !
- Mais je l'ai déjà donnée, rétorqua alors ce dernier.
- Comment cela ?
- Voyez ce que Dieu a fait : Si c'est Sa volonté, en un instant, un roi devient un homme ordinaire, et un homme ordinaire devient roi. Puisque Dieu a pu si facilement inverser nos conditions karmiques respectives, soyez certain qu’il n’y a aucune limite à Son pouvoir…
Le roi fut comblé dans son attente et la récompense fut acquise au paysan…
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3 commentaires:
Merci
Excellent!
Conte superbe
comme la photo de Ma Ananda mayi me ravit
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