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Et maintenant, la surprise du Chef !
Pour
aller en Inde, il faut d'abord décoller du sol de France, là
commence l'initiation. Je traverse dès les 1ers mètres une couche
de turbulences (autrement dit sévère panique), puis le ciel devient
clair. Il fallait supporter cela pour toucher une telle beauté,
visible uniquement quand on est ici, à 10.000 mètres au-dessus de
notre ordinaire sécurité. Le Chardonnay ressemble à un nectar des
dieux après une si grande peur...
Nous
sortons de l'aéroport : Delhi. Je suffoque, je crie au-secours à
l'intérieur, et à l'extérieur déjà mon sourire s'efface de plus
en plus. Les 1ers chocs : tant de monde, tant d'être humains vivent
dans les rues, dorment, se lavent, survivent sur des trottoirs
terreux parents de nos déchetteries, l'odeur âcre, une écrasante
chaleur mouillée, sont mon 1er contact avec l'Inde tant désirée.
Une misère que je vois, touche et sens. Cette misère que je verrai
partout ensuite : dans le vieillard enroulé dans un tissu, couché à
même le sol du quai de gare ; dans l'adolescente défigurée par le
vitriol, peut-être, qui nous supplie quelques roupies ; dans
l'imbroglio de commerces, d'habitations sans toit, de fils
électriques entremêlés, de vaches, de chiens et de poulets.
Mes
repères sont hors sujet, mon équilibre interne pulvérisé.
Contre
mon ventre, une somme en roupies qui ferait vivre 1 famille, 2 qui
sait?, pendant plusieurs mois, paradoxe difficile à gérer pour moi.
Mon
coeur est brutalisé, je me sens brutalisée par tout ce que je vois.
Pâte à modeler poreuse.
Mais
la magnificence blanche du Palais Sikkh, mais la beauté mystique
immobile de la grande Mosquée, mais cette petite fille aux yeux
habillés de khôl qui me suit partout dans l'enceinte carrée, mais
le Samâdhi de Gandhi agissent comme un baume, adoucissent ma
brûlure.
Le
contact avec le monde Tibétain sera de loin le plus agréable, le
plus familier aussi.
Om
mani padme hung....Om
mani padme hung...Om
mani padme hung...Les
nonnes sont chaque matin au rendez-vous de 5h30 pour la 1ère puja.
En dépit des signes apparents de fatigue, elles sont là, et elles
atteignent l'unisson parfait en quelques minutes, et le tiennent.
Quelle discipline, quelle beauté. Je me sens très bien parmi elles.
Norbulingka
Institute, et ses élèves en sculpture du bois, du métal, engagés
dans cet apprentissage très long. Je remarque plus particulièrement
un peintre de tangka, l'immense toile qui lui demandera plusieurs
années. Je m'accroupis et découvre la précision de sa main, posée
sur le coussinet attaché au petit doigt, et le trait d'or naît,
s'enroule, se délie et se prolonge, le souffle suspendu.
Quand
la discipline s'unit ainsi avec le plaisir, elle devient belle comme
une prière. Je serais bien restée …
De
loin le plus doux, mais à quel prix.. On nous montre ce que le
peuple subit depuis 50 ans ; devant les preuves j'ai juste envie de
vomir. Quel courage tous ces gens...quelle noblesse, quelle fragilité
et quelle force insondable, seules choses que les « autres »
ne pourront pas tuer, même s'ils parviennent à détruire les corps
physiques (quand ce n'est pas le tibétain lui-même qui le fait, en
s'immolant, mû par la force de son désespoir).
Dans
une séquence de Yoga, où tout est important, il y a 1 ou 2 postures
« coeur » qui sont le coeur de la pratique. Mac Leod Ganj
et Dongyu Gatsal Ling Nunnery sont pour moi les cœurs de cette
pratique un peu ahurissante qui a duré 3 semaines. Vous savez ?
Celle où le yogin s'assoit dans une essoreuse et appuie sur le
bouton. Quand ai-je appuyé ? Je crois sur la passerelle d'accès au
1er avion, à Paris, à l'instant précis où j'ai failli reculer, où
j'ai eu le choix. Mais au lieu d'être centrifuge, ici le mouvement
est centripète. De plus en plus profond, de plus en plus...
Puis
je découvre qu'au coeur de cet essorage la vitesse varie. Vécue je
crois par un bon nombre des femmes du groupe comme un havre de paix,
la semaine passée à Sadhana Kendra Ashram, me concernant, accélère
le tambour. Assise sur le très confortable asana de sol, le noir
complet absente instantanément la forme et le nom. He
paramdev Prabhu...ki main âpko dekh sakûn, satya ko dekh sakûn.
Donne-moi la force de voir et de vivre la vérité...
Douceur
du japa. Dans le silence aimant de cette grande salle, la présence
parfaitement immobile du Maître, mon coeur brûle en silence, il me
fait voir la souffrance d'une vie entière des êtres que j'aime et
aussi de ceux que j'aime moins. A la demande d'aide qu'intérieurement
j'avais formulée, je reçois cette drôle de réponse : une forme
inconnue de compassion. Quelle étonnante réponse, dans mon chaos...
Exigeante
est la vie dans un ashram, déjà pour n'importe quel adulte, plus
encore si on a 4 ans. Alors 4 fois par jour, multiplié par 6
jours, çà nous fait donc 24. Moins 2 ou 3... par amour pour moi !
Allez...un dernier tour de
tambour plus vif, et les ultimes gouttes de pulpe disponible me sont
extraites dans le quartier Musulman à Delhi, avec les chants Qawali.
Aéroport,
deux décollages : la panique n'est simplement plus là. La personne
paniquante manifestement n'est plus ici.
Retourner
en Inde ? Serait peut-être une erreur, quoique... « Au début
les montagnes sont des montagnes.../... » ainsi commence le
proverbe. (Je
suis sûre que Corinne et Alain trouveront la source exacte pour le
blog) Comme depuis
l'Inde les montagnes ne sont plus des montagnes, au fond qu'est-ce
que j'en sais ?
Et
maintenant que le Chef me demande « Alors Noëlle, as-tu aimé
le Repas ? », je réponds OUI heureusement j'y étais. J'ai
pas tout compris dans Ton menu, mais étant donné la détente et la
force qui en ont émergé -et se stabilisent tous les jours – je
sais qu'Il était bon et juste pour moi.
Je
me souviens maintenant de la beauté.
MERCI.
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7 commentaires:
Un très beau témoignage
Merci à toi
<merci Noëlle, c'est très fort.
Je suis heureuse pour toi que la beauté reste prégnante.
Je t'embrasse.
MJo
Magnifique Noëlle. Je t'embrasse.
Lorette
Merci au Chef, merci à toi...
JP gepetto
Merci pour votre partage,il est très beau et d'une grande humanité.Bonne route!
« Au début les montagnes sont des montagnes. Au milieu les montagnes ne sont plus des montagnes. À la fin, les montagnes sont à nouveau des montagnes ».
[Koan]
AL1
il est des montagnes qui accouchent
tantôt de sourires
tantôt de soupirs
merci pour les vôtre
si proches, ouverts, offerts
Christian
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