mardi 25 novembre 2014

Inde du Nord 2014 : témoignage de Noëlle

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Et maintenant, la surprise du Chef !

Pour aller en Inde, il faut d'abord décoller du sol de France, là commence l'initiation. Je traverse dès les 1ers mètres une couche de turbulences (autrement dit sévère panique), puis le ciel devient clair. Il fallait supporter cela pour toucher une telle beauté, visible uniquement quand on est ici, à 10.000 mètres au-dessus de notre ordinaire sécurité. Le Chardonnay ressemble à un nectar des dieux après une si grande peur...
Nous sortons de l'aéroport : Delhi. Je suffoque, je crie au-secours à l'intérieur, et à l'extérieur déjà mon sourire s'efface de plus en plus. Les 1ers chocs : tant de monde, tant d'être humains vivent dans les rues, dorment, se lavent, survivent sur des trottoirs terreux parents de nos déchetteries, l'odeur âcre, une écrasante chaleur mouillée, sont mon 1er contact avec l'Inde tant désirée. Une misère que je vois, touche et sens. Cette misère que je verrai partout ensuite : dans le vieillard enroulé dans un tissu, couché à même le sol du quai de gare ; dans l'adolescente défigurée par le vitriol, peut-être, qui nous supplie quelques roupies ; dans l'imbroglio de commerces, d'habitations sans toit, de fils électriques entremêlés, de vaches, de chiens et de poulets.
Mes repères sont hors sujet, mon équilibre interne pulvérisé.
Contre mon ventre, une somme en roupies qui ferait vivre 1 famille, 2 qui sait?, pendant plusieurs mois, paradoxe difficile à gérer pour moi.
Mon coeur est brutalisé, je me sens brutalisée par tout ce que je vois. Pâte à modeler poreuse.
Mais la magnificence blanche du Palais Sikkh, mais la beauté mystique immobile de la grande Mosquée, mais cette petite fille aux yeux habillés de khôl qui me suit partout dans l'enceinte carrée, mais le Samâdhi de Gandhi agissent comme un baume, adoucissent ma brûlure.
Le contact avec le monde Tibétain sera de loin le plus agréable, le plus familier aussi.
Om mani padme hung....Om mani padme hung...Om mani padme hung...Les nonnes sont chaque matin au rendez-vous de 5h30 pour la 1ère puja. En dépit des signes apparents de fatigue, elles sont là, et elles atteignent l'unisson parfait en quelques minutes, et le tiennent. Quelle discipline, quelle beauté. Je me sens très bien parmi elles.
Norbulingka Institute, et ses élèves en sculpture du bois, du métal, engagés dans cet apprentissage très long. Je remarque plus particulièrement un peintre de tangka, l'immense toile qui lui demandera plusieurs années. Je m'accroupis et découvre la précision de sa main, posée sur le coussinet attaché au petit doigt, et le trait d'or naît, s'enroule, se délie et se prolonge, le souffle suspendu.
Quand la discipline s'unit ainsi avec le plaisir, elle devient belle comme une prière. Je serais bien restée …





De loin le plus doux, mais à quel prix.. On nous montre ce que le peuple subit depuis 50 ans ; devant les preuves j'ai juste envie de vomir. Quel courage tous ces gens...quelle noblesse, quelle fragilité et quelle force insondable, seules choses que les « autres » ne pourront pas tuer, même s'ils parviennent à détruire les corps physiques (quand ce n'est pas le tibétain lui-même qui le fait, en s'immolant, mû par la force de son désespoir).

Dans une séquence de Yoga, où tout est important, il y a 1 ou 2 postures « coeur » qui sont le coeur de la pratique. Mac Leod Ganj et Dongyu Gatsal Ling Nunnery sont pour moi les cœurs de cette pratique un peu ahurissante qui a duré 3 semaines. Vous savez ? Celle où le yogin s'assoit dans une essoreuse et appuie sur le bouton. Quand ai-je appuyé ? Je crois sur la passerelle d'accès au 1er avion, à Paris, à l'instant précis où j'ai failli reculer, où j'ai eu le choix. Mais au lieu d'être centrifuge, ici le mouvement est centripète. De plus en plus profond, de plus en plus...

Puis je découvre qu'au coeur de cet essorage la vitesse varie. Vécue je crois par un bon nombre des femmes du groupe comme un havre de paix, la semaine passée à Sadhana Kendra Ashram, me concernant, accélère le tambour. Assise sur le très confortable asana de sol, le noir complet absente instantanément la forme et le nom. He paramdev Prabhu...ki main âpko dekh sakûn, satya ko dekh sakûn. Donne-moi la force de voir et de vivre la vérité...
Douceur du japa. Dans le silence aimant de cette grande salle, la présence parfaitement immobile du Maître, mon coeur brûle en silence, il me fait voir la souffrance d'une vie entière des êtres que j'aime et aussi de ceux que j'aime moins. A la demande d'aide qu'intérieurement j'avais formulée, je reçois cette drôle de réponse : une forme inconnue de compassion. Quelle étonnante réponse, dans mon chaos...
Exigeante est la vie dans un ashram, déjà pour n'importe quel adulte, plus encore si on a 4 ans. Alors 4 fois par jour, multiplié par 6 jours, çà nous fait donc 24. Moins 2 ou 3... par amour pour moi !
Allez...un dernier tour de tambour plus vif, et les ultimes gouttes de pulpe disponible me sont extraites dans le quartier Musulman à Delhi, avec les chants Qawali.
Aéroport, deux décollages : la panique n'est simplement plus là. La personne paniquante manifestement n'est plus ici.
Retourner en Inde ? Serait peut-être une erreur, quoique... « Au début les montagnes sont des montagnes.../... » ainsi commence le proverbe. (Je suis sûre que Corinne et Alain trouveront la source exacte pour le blog) Comme depuis l'Inde les montagnes ne sont plus des montagnes, au fond qu'est-ce que j'en sais ?
Et maintenant que le Chef me demande « Alors Noëlle, as-tu aimé le Repas ? », je réponds OUI heureusement j'y étais. J'ai pas tout compris dans Ton menu, mais étant donné la détente et la force qui en ont émergé -et se stabilisent tous les jours – je sais qu'Il était bon et juste pour moi.
Je me souviens maintenant de la beauté.
MERCI.



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7 commentaires:

Claire a dit…

Un très beau témoignage
Merci à toi

M-Jose a dit…

<merci Noëlle, c'est très fort.
Je suis heureuse pour toi que la beauté reste prégnante.
Je t'embrasse.
MJo

loule a dit…

Magnifique Noëlle. Je t'embrasse.
Lorette

Anonyme a dit…

Merci au Chef, merci à toi...
JP gepetto

Anonyme a dit…

Merci pour votre partage,il est très beau et d'une grande humanité.Bonne route!

Anonyme a dit…

« Au début les montagnes sont des montagnes. Au milieu les montagnes ne sont plus des montagnes. À la fin, les montagnes sont à nouveau des montagnes ».
[Koan]

AL1

Anonyme a dit…

il est des montagnes qui accouchent
tantôt de sourires
tantôt de soupirs

merci pour les vôtre
si proches, ouverts, offerts

Christian