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Aéroport de Chennaï ( Madras ). 20 décembre 2007, 4 heures du matin
Aéroport de Chennaï ( Madras ). 20 décembre 2007, 4 heures du matin
Une foule grouillante et bigarrée se presse à l’arrivée des avions en provenance de vols internationaux, dont le notre au départ de Roissy Charles de Gaulle. Une atmosphère tiède et moite baigne la nuit indienne dans un tintamarre de klaxons émis par les taxis et les rickshaws qui arrivent et repartent incessamment de la gare de l’aéroport.
Que suis-je venu faire en Inde ? J’étouffe dans ma vie insipide, aseptisée et étriquée de médecin hospitalier prisonnier d’une institution de plus en plus réglementée au sein d’une société toujours plus furieusement matérialiste, complètement « désanimée ». Se rendre en Inde, c’est pour moi aller aux racines de la spiritualité, être au contact d’une ferveur religieuse perdue depuis fort longtemps en Occident. C’est effectuer un pèlerinage en Terre Sainte, le « voyage en Orient » de Hermann Hesse. C’est le retour aux sources, à la Source. C’est aussi, et surtout, partir avec un groupe : une intention partagée, un enseignement commun, la caution du Maître représenté par trois de ses disciples chevronnés qui vont nous servir de guides : Alain, Corinne et André.
Qu’est-ce que j’attends de ce voyage ? Un nouveau souffle, une vastitude, un choc. L’Inde, comme un défi et une opportunité : j’y suis !
Tiruvannamalaï . 24 décembre 2007, 5h30 du matin
Des chiens aboient furieusement en contrebas du bâtiment où nous logeons. La sono d’un meeting politico-spirituel ( ça existe là-bas ! ) installé à quelques centaines de mètres se met à hurler, dominée par la voix d’une piètre chanteuse de ragas. Nos voisins tamouls parlent déjà fort. La discrétion est inconnue dans ce pays où la méditation et la dévotion sont cependant partout présentes. « L’Inde, c’est le silence dans le vacarme ambiant » nous dit André, notre initiateur en chant carnatique qui connaît le pays depuis fort longtemps et qui nous en donne les clefs à chaque occasion. Nous faisons nos premières gammes avec lui, qui nous guide de façon à la fois sensible et ferme, nous apprenant ainsi toujours quelque chose sur nous-même.
Qui sommes-nous ?
Nous sommes dix femmes et huit hommes à avoir fait le voyage en Inde. D’horizons divers à tous égards ( Christian vient d’Hiroshima ! ), nous foulons le sol indien pour la première fois en grande majorité. Nous ne nous connaissons pas tous, mais cela n’a guère d’importance : très vite, un groupe de frères et de sœurs s’est constitué, respectueux de l’autre dans sa différence irréductible, et aidant dans les difficultés exprimées ou vécues par chacun. Ceux qui, au début du séjour, n’avaient pas une idée claire de ce que pouvait être la Sangha ont pu rapidement goûter à sa réalité et à son soutien ( la turista, qui fit le tour du groupe, engendra une véritable entraide et un souci constant de ses congénères ! ). Rien, au cours de ces deux semaines passées ensemble, n’aurait pu être vécu avec une telle intensité sans l’énergie bienveillante du groupe. Même nos trois guides y ont eu personnellement recours. Nous avons tous donné et reçu ( pour ma part bien au-delà de mes espérances), et en ce sens nous avons été à la fois humains et divins.
Authenticité et Alchimie
Dès le début du séjour, chacun a été invité à préciser son intention et son apport personnels vis-à-vis du groupe. Pour moi, deux mots ont défini mon positionnement et mes attentes : authenticité et alchimie.
L’authenticité est l’expression de ma vérité au moment où je la vis. « La vérité est la plus haute valeur spirituelle ». J’ai expérimenté de nombreuses fois au cours du séjour la valeur de l’expression authentique de la vérité, parfois heureuse, parfois douloureuse, que je vivais. Et j’ai largement été éclairé par les retours, les avis et les attitudes que m’ont exprimés avec bienveillance mes frères et sœurs présents. Recevez tous ici l’expression de ma profonde gratitude.
Quant à l’alchimie, j’en ressens encore les effets aujourd’hui : celui qui est parti en Inde a été profondément transformé. En fait, il n’en n’est pas revenu : il y est mort au contact du feu de Shiva et a cédé la place à un homme nouveau, total. J’ose le dire. Cela avait déjà débuté un peu avant le départ, mais ce n’était que des prémisses. C’est sur place, au contact de l’Inde, de ses hommes et femmes aux traits fins, à la peau noire, aux tenues éclatantes et à l’être si transparent que s’est opérée cette alchimie intérieure. La fréquentation de lieux fortement chargés, tels que les grottes où Ramana Maharshi a médité sa vie durant et où nous sommes allés de façon recueillie, les différents endroits de l’ashram où le grand Saint a donné son darshan pour le bien de tous ceux qui l’ont visité, l’ashram de Yogi Ramsuratkumar où nous avons chanté de tout cœur le « Sri Ram », tout cela a participé de cette incroyable transformation que je n’envisageais même pas avant de partir. A certains moments, je me suis retrouvé baigné dans la Joie et l’Amour, à tel point que cela débordait de moi. Ce corps est trop petit pour contenir une telle immensité, et il est désormais certain pour moi que nous ne sommes pas, que nous ne pouvons pas être seulement ce « body-mind complex » dont parlait Swamiji. A ces moments-là, le mental n’existait plus ; je ne faisais rien et tout arrivait, à chaque instant. Des cadeaux comme s’il en pleuvait. Incroyable mais vrai.
La Vie en Totalité
J’ai eu accès à la totalité de la Vie, à cette symphonie spirituelle où chacun a pu véritablement joué sa partition sans retenue car sans crainte d’un quelconque jugement. L’écoute attentive et le savoir faire de nos trois guides y ont été pour beaucoup et je les remercie du fond de mon cœur ( mais les mots sont si peu de chose pour exprimer ce que je ressens vraiment ). Je n’oublierai pas non plus Emmanuelle, la fille d’André qui vit à Madras pour étudier le chant carnatique, et qui nous a gratifié d’un merveilleux concert privé qui m’a, là encore, beaucoup touché.
Une chose encore, avant de terminer. J’ai vu, tout au long de ce voyage en Inde, la grâce du gourou à l’œuvre . J’ai senti combien le Chemin était un chemin de Libération si nous acceptons d’en payer le prix, c’est-à-dire d’aller au bout de nous-même. Une transformation peut alors avoir lieu – au sens de passer à travers cette forme à laquelle nous nous identifions habituellement. Om Shanti.
Stéphane Guinard
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Que suis-je venu faire en Inde ? J’étouffe dans ma vie insipide, aseptisée et étriquée de médecin hospitalier prisonnier d’une institution de plus en plus réglementée au sein d’une société toujours plus furieusement matérialiste, complètement « désanimée ». Se rendre en Inde, c’est pour moi aller aux racines de la spiritualité, être au contact d’une ferveur religieuse perdue depuis fort longtemps en Occident. C’est effectuer un pèlerinage en Terre Sainte, le « voyage en Orient » de Hermann Hesse. C’est le retour aux sources, à la Source. C’est aussi, et surtout, partir avec un groupe : une intention partagée, un enseignement commun, la caution du Maître représenté par trois de ses disciples chevronnés qui vont nous servir de guides : Alain, Corinne et André.
Qu’est-ce que j’attends de ce voyage ? Un nouveau souffle, une vastitude, un choc. L’Inde, comme un défi et une opportunité : j’y suis !
Tiruvannamalaï . 24 décembre 2007, 5h30 du matin
Des chiens aboient furieusement en contrebas du bâtiment où nous logeons. La sono d’un meeting politico-spirituel ( ça existe là-bas ! ) installé à quelques centaines de mètres se met à hurler, dominée par la voix d’une piètre chanteuse de ragas. Nos voisins tamouls parlent déjà fort. La discrétion est inconnue dans ce pays où la méditation et la dévotion sont cependant partout présentes. « L’Inde, c’est le silence dans le vacarme ambiant » nous dit André, notre initiateur en chant carnatique qui connaît le pays depuis fort longtemps et qui nous en donne les clefs à chaque occasion. Nous faisons nos premières gammes avec lui, qui nous guide de façon à la fois sensible et ferme, nous apprenant ainsi toujours quelque chose sur nous-même.
Qui sommes-nous ?
Nous sommes dix femmes et huit hommes à avoir fait le voyage en Inde. D’horizons divers à tous égards ( Christian vient d’Hiroshima ! ), nous foulons le sol indien pour la première fois en grande majorité. Nous ne nous connaissons pas tous, mais cela n’a guère d’importance : très vite, un groupe de frères et de sœurs s’est constitué, respectueux de l’autre dans sa différence irréductible, et aidant dans les difficultés exprimées ou vécues par chacun. Ceux qui, au début du séjour, n’avaient pas une idée claire de ce que pouvait être la Sangha ont pu rapidement goûter à sa réalité et à son soutien ( la turista, qui fit le tour du groupe, engendra une véritable entraide et un souci constant de ses congénères ! ). Rien, au cours de ces deux semaines passées ensemble, n’aurait pu être vécu avec une telle intensité sans l’énergie bienveillante du groupe. Même nos trois guides y ont eu personnellement recours. Nous avons tous donné et reçu ( pour ma part bien au-delà de mes espérances), et en ce sens nous avons été à la fois humains et divins.
Authenticité et Alchimie
Dès le début du séjour, chacun a été invité à préciser son intention et son apport personnels vis-à-vis du groupe. Pour moi, deux mots ont défini mon positionnement et mes attentes : authenticité et alchimie.
L’authenticité est l’expression de ma vérité au moment où je la vis. « La vérité est la plus haute valeur spirituelle ». J’ai expérimenté de nombreuses fois au cours du séjour la valeur de l’expression authentique de la vérité, parfois heureuse, parfois douloureuse, que je vivais. Et j’ai largement été éclairé par les retours, les avis et les attitudes que m’ont exprimés avec bienveillance mes frères et sœurs présents. Recevez tous ici l’expression de ma profonde gratitude.
Quant à l’alchimie, j’en ressens encore les effets aujourd’hui : celui qui est parti en Inde a été profondément transformé. En fait, il n’en n’est pas revenu : il y est mort au contact du feu de Shiva et a cédé la place à un homme nouveau, total. J’ose le dire. Cela avait déjà débuté un peu avant le départ, mais ce n’était que des prémisses. C’est sur place, au contact de l’Inde, de ses hommes et femmes aux traits fins, à la peau noire, aux tenues éclatantes et à l’être si transparent que s’est opérée cette alchimie intérieure. La fréquentation de lieux fortement chargés, tels que les grottes où Ramana Maharshi a médité sa vie durant et où nous sommes allés de façon recueillie, les différents endroits de l’ashram où le grand Saint a donné son darshan pour le bien de tous ceux qui l’ont visité, l’ashram de Yogi Ramsuratkumar où nous avons chanté de tout cœur le « Sri Ram », tout cela a participé de cette incroyable transformation que je n’envisageais même pas avant de partir. A certains moments, je me suis retrouvé baigné dans la Joie et l’Amour, à tel point que cela débordait de moi. Ce corps est trop petit pour contenir une telle immensité, et il est désormais certain pour moi que nous ne sommes pas, que nous ne pouvons pas être seulement ce « body-mind complex » dont parlait Swamiji. A ces moments-là, le mental n’existait plus ; je ne faisais rien et tout arrivait, à chaque instant. Des cadeaux comme s’il en pleuvait. Incroyable mais vrai.
La Vie en Totalité
J’ai eu accès à la totalité de la Vie, à cette symphonie spirituelle où chacun a pu véritablement joué sa partition sans retenue car sans crainte d’un quelconque jugement. L’écoute attentive et le savoir faire de nos trois guides y ont été pour beaucoup et je les remercie du fond de mon cœur ( mais les mots sont si peu de chose pour exprimer ce que je ressens vraiment ). Je n’oublierai pas non plus Emmanuelle, la fille d’André qui vit à Madras pour étudier le chant carnatique, et qui nous a gratifié d’un merveilleux concert privé qui m’a, là encore, beaucoup touché.
Une chose encore, avant de terminer. J’ai vu, tout au long de ce voyage en Inde, la grâce du gourou à l’œuvre . J’ai senti combien le Chemin était un chemin de Libération si nous acceptons d’en payer le prix, c’est-à-dire d’aller au bout de nous-même. Une transformation peut alors avoir lieu – au sens de passer à travers cette forme à laquelle nous nous identifions habituellement. Om Shanti.
Stéphane Guinard
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8 commentaires:
Merci Stéphane.
Magnifique témoignage, qui va bien au delà des mots. Merci
Tu m'as permis de sentir, le temps de te lire, ce Souffle qui t'as poussé là-bas, ce Souffle qui unit la Sangha, ce Souffle sans lequel rien ne serait.
Merci Stéphane de ce superbe témoignage.
Isabelle
Eblouissant témoignage!
Seigneur, comme j'aimerai faire le prochain voyage! Au fait c'est quand ?
Les larmes aux yeux, je te lis, ayant aussi ressenti vivement l'amour très fort, et pourtant, je n'ai été que peu de temps avec vous. Merci pour ton superbe témoignage.
Ben dis donc, ça vallait le coup d'attraper la tourista, on dirait...
super, merci Stéphane
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