samedi 23 décembre 2006

A l'abbaye

J'ai demandé à Laurent un texte sur l'atelier du WE dernier à En Calcat, le voici. Il est d'ailleurs tout à fait en résonance avec mon post de hier soir. Merci Laurent, pour ce texte et pour tout le reste..

"Vêtus tantôt de noir, tantôt de blanc, ils s'approchent invariablement du choeur en un ballet à la lenteur bruissante de ferveur. En ce lieu s'opèrent bien des conversions. On y découvre par exemple, comme étonné - et tout aussi étonné de ne pas l'être - que silence, lenteur, voire immobilité ne sont ici synonyme que de vie, d'être, d'existence, jusqu'à, parfois, une ébriété qui, de surcroît, se révèle saturée de lucidité.

C'est aussi le lieu troublant où cette ivresse de présence à soi nous fait pressentir, que notre humanité ne se trouve pas uniquement dans l'expérience de notre individualité seule, aussi noble et digne d'intérêt soit elle. La saveur d'un partage d'humanité, d'un lien, d'une appartenance se fait discrètement sentir et nous découvrons comme une reliaison intime et fraternelle et nous ne voyageons plus seul sur les routes du monde.

Et l'on s'interroge tout naturellement sur cette étrange condition qui est la notre, sur cette palette si large d'expression qui nous permet tout une vie durant de nous plonger dans une vie d'activités bourdonnantes sans même soupçonner qu'à l'opposé d'un si captivant vacarme, se tiennent les vastes terres du silence. Sur celles-ci s'aiguise une conscience qui se reconnaît alors comme essence sous-jacente du monde, racine prodigue et fécondante. Reconnaissons-le, nous sommes riches. Riches et fertiles. Fertile car nous sommes moyeux immobile du monde; riche des moissons que nous engendrons par la friction avec ce monde rugueux.

Mais pour l'heure place au silence; à la vigilance, à l'accueil. Simplement, sans un bruit et dans une économie certaine de mouvement. Et partons promeneur solitaire à la découverte de ces étendues immenses qui déroulent des vagues de présence bienveillante. Les murs nous accueillent, les moines pourtant discret nous offrent sans réserve aucune leur clarté si souvent pétillante. L'heure est à la reconnaissance, à une sobre jubilation, à une rencontre raffinée. S'opère alors, en ce bas monde cette rencontre magique où le charme de nos différences se marie à l'évidence de notre humanité commune.

C'était le week-end dernier, c'était à l'abbaye Saint Benoît d'En Calcat. Et c'est aussi, partout et toujours, ici et maintenant."


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