vendredi 9 mai 2008

L’ours qui a vu l’homme

Voici l’éditorial de Jean-François Astier d’une revue qui s’appelle Plantes & Santé.
Merci Sabine…



Quelle ne fut pas ma surprise, ce vendredi 11 avril, alors que je participais à un congrès d’aromathérapie à Grasse, d’apprendre par téléphone qu’une équipe de journalistes de TFI avait investi le futur jardin botanique que je prépare depuis plusieurs mois près de Foix.

La raison de cette intrusion n’était malheureusement pas l’intérêt des journalistes pour la botanique mais la réapparition de Balou, l’ours Slovène introduit dans les Pyrénées il y a bientôt deux ans.
Un ours dans mon jardin ! Mais qu’est-ce qui a bien pu pousser notre ami à venir rendre visite à l’arboretum ? Est-ce la terre fraîchement retournée qui lui a permis de venir faire une récolte de vers de terre dont il est friand ? Serait-ce le minuscule champ de réglisse dont nous avons repéré l’existence il y a peu ?L’hypothèse la plus vraisemblable est sans doute que notre ami avait faim après une longue période d’hibernation et qu’il est venu chercher de quoi se nourrir près de chez nous, en plaine, là où foisonnent jeunes pousses, tendres bourgeons et petits batraciens…
Mais peut-être faut-il chercher ailleurs le vrai sens de cette visite.

Pendant le congrès de Grasse, une coïncidence étrange m’a en effet permis de rencontrer un invité officiel, en l’occurrence un chaman canadien. Il n’a pas eu l’air du tout surpris de mon histoire toute fraîche et il n’a même pas envisagé d’explication rationnelle. Il m’a dit que l’ours était, pour les chamans, le symbole de la médecine qui vient de la terre et qu’il fallait comprendre sa visite comme un présage de réussite ou un encouragement à continuer ce projet de jardin médicinal. Nous voilà bien loin des explications logiques que nos esprits occidentaux s’efforcent de plaquer sur toutes choses. J’ai compris en échangeant avec le Chaman, que la plupart des peuples amérindiens ne voient pas du tout l’ours comme nous.




Chez nous, le plantigrade n’est qu’une attraction de zoo. En liberté, on le considère comme une bête sauvage dangereuse que les chasseurs rêvent de tuer ( en invoquant « l’état de nécessité » qui leur permet d’échapper à toute sanction en France…).





Pour les Indiens d’Amérique, l’ours est, au contraire, un sage, plus sage que l’homme dont il est le grand-père. La parenté entre l’homme et l’ours leur paraît évidente. Il marche debout, il regarde droit devant lui, il est omnivore. Il est également intelligent, curieux et il a une excellente mémoire. Mais les Indiens estiment qu’il a un don qui le rend supérieur à l’homme : l’instinct de la médecine naturelle. Le jeûne est, par exemple, chez lui quelque chose de tout à fait naturel. Lorsqu’il est blessé ou malade, il arrête de manger et ne boit que de l’eau et il arrive ainsi à faire passer l’infection ou la fièvre. Il est friand de plantes sauvages dont il ressent instinctivement le pouvoir curatif. D’où tire-t-il cette science ? Selon la légende, c’est en dormant au cœur de la terre, en hiver, qu’il apprend tous ses secrets … Cette dimension chamanique de l’ours peut paraître farfelue, mais elle nous rappelle que la nature n’est pas un objet inerte. Elle nous adresse sans doute de multiples signes, des alertes et des encouragements. Chacun peut les comprendre…à condition de savoir lire en elle. L’homme qui a vu l’ours ne connaît pas sa chance. L’ours qui a vu l’homme, en revanche, a bien fait de détaler.



6 commentaires:

Anonyme a dit…

Trés touchante histoire. J'aime cet ours...
Dormir dans la terre...mère...pour en recevoir toute la sagesse...une impression d'évidence...
Impression d'être relié avec toute la création...Merci

Anonyme a dit…

Cannelle, la dernière ourse des Pyrénées, n'a pas eu cette chance !
Il ne reste plus que l'ourson orphelin (pyrénéo-slovène)
En vallée d'Aspe sagesse et ours ne font pas bon ménage !

Anonyme a dit…

Je comprends maintenant pourquoi parfois on me traite d'ours mal léché. En fait, on complimente ma sagesse! :-)
Philippe

Anonyme a dit…

Merci Corinne, je me suis régalée à lire cet article et à entendre une fois encore cette différence dans la perception et la compréhension, entre hommes issues de pays industrialisé et hommes restés proches de leurs origines et de la nature (j'ai un peu de mal à formuler ça).
Il me semble essentiel d'en avoir toujours conscience, ou de travailler cette perception "humaine", intuitive ou née de l'expérience des hommes à travers les siècles (donc ne se référant pas directement à la science et à ce qui serait purement rationnel).

Anonyme a dit…

le chamanisme revient, nouvelle mode ? Entre l'ourson doudou et l'ours réel qui d'un coup de patte peut vous arracher la tête il y a un monde.
gjm

Anonyme a dit…

En résumant outrageusement :
le rien
les premiers hommes
le ressenti, le chamanisme
le mental
le psychologique, le psychanalytique
la sophrologie, le new age, la démentalisation, la psy spi (?).
les stages chamaniqes dans la yourte ...
la boucle est bouclée, cela s'appelle un cycle.
gjm