mardi 27 mai 2008

Fraternité






Les motards forment une communauté. Et je me demande souvent la signification pour moi de ce petit salut de reconnaissance que j'échange avec les motard de tout bord, dont je ne connais rien.

Cependant, quand je roule de jour comme de nuit, la présence d'un autre motard fait apparaître un espace de fraternité. L'apparition de celui-ci, dans mon rétro, à un croisement, ou à l'horizon d'une ligne droite fait naître une présence. Celle-ci est sans rapport avec celle de l'automobiliste dans sa boîte, ou celle des passants plus ou moins intéressés au passage des motos.

Dans la présence d'un autre motard, je sens directement le partage. Le partage de ces valeurs romantiques et floues de la fragilité de la moto, de sa puissance et de sa liberté. Cette fraternité se situe hors des conventions.

Augmentant ma vitesse, j'essaie de le rejoindre, excité de le voir disparaître et réapparaître au gré des courbes et des pentes.

Petit-à-petit, les détails me renseignent sur la moto, la forme d'un phare, l'emplacement d'un pot d'échappement…, je me renseigne sur la monture, et je sens monter en moi l'envie de la voir. Je m'approche jusqu'à être suffisamment près pour ressentir une attraction , force subtile qui nous relie dans le plaisir de rouler ensemble quelques instants.

Goûter, en voyant son alter-ego, le plaisir de l'angle d'un virage, l'intensité vermillon d'un freinage ou le dessin d'une trajectoire qu'on aurait pris différemment. La communication est alors infime, et me fait penser à celle que peuvent échanger les bernaches dans leurs vols au long cours, ou les chevaux dans un troupeau lancé au galop dans la plaine: une attitude, un regard, un signe de la tête tout au plus.

Une fraternité au-delà de l'appartenance, une fraternité rendue à l'essentiel, deux souffles de vie parcourant la terre, réunis pendant un instant. Puis c'est la séparation, à un croisement, ou dans une accélération qui me laisse sur place, il n'y a ni joie ni tristesse, simplement la route qui continue

Jean-Baptiste Daubree




14 commentaires:

Unknown a dit…

Quelle poésie!!! Quelle enfance!!! Aaaah... les loubards au coeur tendre...

Anonyme a dit…

C'est ça guyôm, j'ai l'impression de lire du Balavoine !

gjm

Anonyme a dit…

Ah, ça, le coup du Balavoine, ça va peut-être énerver mon homme, mmmh?...

Anonyme a dit…

Sans le comparer à qui que ce soit je trouve qu'il a une très belle écriture et qu'il donne envie de de vivre son expérience.
Merci Jean-Baptiste
Karl

Anonyme a dit…

le poete a encore frappé tres fort...
yes jean baptiste je te rejoins te rejoins dans cette communauté impersonnelle virtuelle ephémere avec légereté bonheur fugacité et plaisir
a bientot dans les courbes ventées les chevauchées legeres le brouhara et le vombrissement des pots ............
m.des

philippe a dit…

J'ai remarqué que les motards st soudés entre eux, ds le pire comme ds le meilleur.
Un peu comme sur la mer entre plaisanciers.

Anonyme a dit…

Oui, merci I Papy. Comme à cheval, la route qui continue. Belle soirée à tous et à toutes

Anonyme a dit…

J'ai remarqué la quantité d'effigies noires sur la transversale est-ouest Mâcon-Moulins...

gjm

Anonyme a dit…

T'as d'autres joyeusetés, cher Gjm?
Black is beautiful, mais bon...

Anonyme a dit…

Oui j'en ai d'autres, cela fait partie de la réalité ; je vous invite à visiter l'hôpital de Garches, là où sont " récupérés " les polytraumatisés de la route, ou ce qu'il en reste.

gjm

Olivier a dit…

Très beau texte!

Ici en Grande-Bretagne il est plus difficile de lâcher la main côté accélerateur pour saluer comme on roule à gauche mais certains motards répondent à mon salut d'un signe de tête (pas tous cependant et je me demande pourquoi d'ailleurs).

Berit a dit…

tres jolie foto la en haut a gauche
avec le pilot et la copilote.

Berit a dit…

tres jolie foto la en haut a gauche
avec le pilot et la copilote.

Anonyme a dit…

Hé, Gjm, bien sûr, ça en fait partie, et on le sait... mais pourquoi se braquer, regard fixe, sur le côté douloureux?
La danse de la réalité est une danse*