Patrice Van Eersel avait écrit le fameux livre « La source noire » en 1986 où il explorait les mystères de la mort. Voici un extrait de son nouveau livre « Mettre au monde » dont, assez logiquement le sous-titre est : " enquête sur le mystères de la naissance".
L’auteur au cours de cette enquête interroge des sages femmes, Catherine Dolto qui pratique l’haptonomie, le psychanalyste Didier Dumas…
Le livre est passionnant. J’ai choisi un extrait qui m’a beaucoup touchée.
Il s’agit d'une réponse du pédiatre qui dirige l’unité de néonatologie de l’hôpital de Port Royal à Paris. Dans un séminaire, au cours d’un dîner,une femme lui raconte qu’après avoir vécu le « calvaire » de la procréation médicalement assistée elle avait mené presque à terme une 6ème tentative. Ses jumelles sont mortes peu avant l’accouchement. Cette femme, très émue, finit son récit en disant : « Je ne sais pas si je m’en remettrai un jour, monsieur, perdre son enfant à la naissance est la tragédie la plus absurde qui puisse exister. » Elle ajoute : « Je suis venue ici pour savoir quoi faire avec le terrible sentiment d’inutilité qui depuis ce drame, me ruine. »
Voici la réponse du Pr Jean-Pierre Roulier :
« Voyez-vous, madame, commença-t-il en souriant très légèrement, vu du dehors, vu par vous, et par nous tous ici, vos petites filles ont passé dans votre ventre neuf mois ou huit mois ou sept, peu importe, disons trois dizaines de semaines. Mais cela reflète une vision extrêmement relative, incomplète de la réalité, et je dirais même fausse, totalement fausse. Vu du dehors, c’est à dire de notre point de vue, dans notre échelle temporelle, votre grossesse a duré huit ou neuf mois. Mais pour vos jumelles, il en a été tout autrement. Vu du dedans, c’est à dire de leur point de vue à elles, madame, vos filles ont passé en vous…je dirais entre un et deux milliards d’années ! […] C’est le temps qu’il a fallu à la vie pour évoluer des premières cellules vivantes jusqu’à l’humain. Vous le savez sans doute : chacun de nous, après sa conception, a parcouru en accéléré dans le ventre de sa mère toutes les étapes de l ‘évolution. Nous sommes partis du minéral, pourrait-on dire, pour aboutir à ce que nous sommes aujourd’hui. Extraordinaire, incroyable, fabuleux voyage ! Nous croyons savoir comment cela se passe, mais en réalité, nous fanfaronnons ! Nous n’en savons vraiment pas grand-chose et même quasiment rien. Nous croyons savoir ce qu’est le temps, et nous disons, très sûrs de nous : « une grossesse dure neuf mois. » Mais ce qui se passe réellement à l’intérieur d’un ventre de femme, l’invraisemblable magie qui s’y déroule pendant la durée d’une grossesse, cette alchimie qui d’un ovule et d’un spermatozoïde va conduire à un être ultrasophistiqué, au fond, tout cela aucune science ne sait le comprendre ni l’expliquer. Le saurons-nous jamais ? J’affirme que ce n’est pas une simple liberté poétique que je prends quand je dis que vos filles ont fait en vous qui étiez accompagnée de leur père, ce fabuleux voyage de plusieurs centaines de millions d’années. Pour elles, cela s’est réellement passé ainsi. […]
Maintenant, je vais vous dire, madame, ce que personnellement, je crois. D’abord, je pense qu’au cœur de chacun de nous palpite une âme et que cette âme voyage. J’ignore tout des lois qui régissent ce voyage. Ce que nous savons, c’est que parfois, une âme vient prendre forme dans le ventre d’une femme. Un jour, deux âmes, dont nous ne savons à peu près rien, ont ainsi élu domicile en vous pour quelque mystérieuse raison, peut être liée à une évolution qui échappe à notre espace-temps, ces âmes jumelles avaient envie, ou besoin, de vivre quelques centaines de millions d’années en vous. Là, bien installées dans votre giron, elles ont traversé tous les états qui vont de l’être unicellulaire à l’être humain. Ce fut forcément une expérience extraordinaire. Forcément une expérience incroyable qui les a nourries, qui les a aidées à avancer plus loin sur leur chemin. Seulement voilà : pour des raisons que j’ignore toujours, et vous aussi semble-t-il, la suite de l’histoire, l’étape suivante, celle que nous appelons fièrement « vie humaine » n’était pas inscrite dans leur programme, ou peut-être ne les intéressait pas. Après avoir vécu un milliard d’années en vous, ces âmes sœurs ont tiré leur révérence. Elles s’en sont allées voir ailleurs, en quête d’aller savoir qu’elle étoile. Elles sont parties et vous et votre mari n’avez pas entendu qu’elles vous remerciaient du fond du cœur, qu’elles vous bénissaient secrètement. N’entendant rien, vous avez eu au contraire la sensation que toute cette aventure avait été absurde, inutile, qu’elle n’avait servi à rien. Et vous êtes tombés dans un grand désarroi, dont vous avez pu avoir l’impression que vous ne sortiriez jamais. Ce qui est tout à fait normal. Et pourtant, ma vieille expérience (voilà 35 ans que sont passés entre mes mains des milliers de bébés, souvent minuscules, pesant moins d’un kilo, à la croisée des chemins entre la vie et la mort), ma vieille expérience m’autorise à vous le dire avec une grande confiance : non, cette aventure n’était pas absurde, madame. Ce fut une grande histoire d’amour, qui a eu un sens très important, pour vous et pour vos deux enfants. Ce sens vous échappe. Il m’échappe aussi. Mais il existe. Nous devons faire confiance à la vie, même si elle nous dépasse infiniment. »
La réponse de la dame est celle que nous pouvons faire aussi à cet homme :« Je vous remercie. »
L’auteur au cours de cette enquête interroge des sages femmes, Catherine Dolto qui pratique l’haptonomie, le psychanalyste Didier Dumas…
Le livre est passionnant. J’ai choisi un extrait qui m’a beaucoup touchée.
Il s’agit d'une réponse du pédiatre qui dirige l’unité de néonatologie de l’hôpital de Port Royal à Paris. Dans un séminaire, au cours d’un dîner,une femme lui raconte qu’après avoir vécu le « calvaire » de la procréation médicalement assistée elle avait mené presque à terme une 6ème tentative. Ses jumelles sont mortes peu avant l’accouchement. Cette femme, très émue, finit son récit en disant : « Je ne sais pas si je m’en remettrai un jour, monsieur, perdre son enfant à la naissance est la tragédie la plus absurde qui puisse exister. » Elle ajoute : « Je suis venue ici pour savoir quoi faire avec le terrible sentiment d’inutilité qui depuis ce drame, me ruine. »
Voici la réponse du Pr Jean-Pierre Roulier :
« Voyez-vous, madame, commença-t-il en souriant très légèrement, vu du dehors, vu par vous, et par nous tous ici, vos petites filles ont passé dans votre ventre neuf mois ou huit mois ou sept, peu importe, disons trois dizaines de semaines. Mais cela reflète une vision extrêmement relative, incomplète de la réalité, et je dirais même fausse, totalement fausse. Vu du dehors, c’est à dire de notre point de vue, dans notre échelle temporelle, votre grossesse a duré huit ou neuf mois. Mais pour vos jumelles, il en a été tout autrement. Vu du dedans, c’est à dire de leur point de vue à elles, madame, vos filles ont passé en vous…je dirais entre un et deux milliards d’années ! […] C’est le temps qu’il a fallu à la vie pour évoluer des premières cellules vivantes jusqu’à l’humain. Vous le savez sans doute : chacun de nous, après sa conception, a parcouru en accéléré dans le ventre de sa mère toutes les étapes de l ‘évolution. Nous sommes partis du minéral, pourrait-on dire, pour aboutir à ce que nous sommes aujourd’hui. Extraordinaire, incroyable, fabuleux voyage ! Nous croyons savoir comment cela se passe, mais en réalité, nous fanfaronnons ! Nous n’en savons vraiment pas grand-chose et même quasiment rien. Nous croyons savoir ce qu’est le temps, et nous disons, très sûrs de nous : « une grossesse dure neuf mois. » Mais ce qui se passe réellement à l’intérieur d’un ventre de femme, l’invraisemblable magie qui s’y déroule pendant la durée d’une grossesse, cette alchimie qui d’un ovule et d’un spermatozoïde va conduire à un être ultrasophistiqué, au fond, tout cela aucune science ne sait le comprendre ni l’expliquer. Le saurons-nous jamais ? J’affirme que ce n’est pas une simple liberté poétique que je prends quand je dis que vos filles ont fait en vous qui étiez accompagnée de leur père, ce fabuleux voyage de plusieurs centaines de millions d’années. Pour elles, cela s’est réellement passé ainsi. […]
Maintenant, je vais vous dire, madame, ce que personnellement, je crois. D’abord, je pense qu’au cœur de chacun de nous palpite une âme et que cette âme voyage. J’ignore tout des lois qui régissent ce voyage. Ce que nous savons, c’est que parfois, une âme vient prendre forme dans le ventre d’une femme. Un jour, deux âmes, dont nous ne savons à peu près rien, ont ainsi élu domicile en vous pour quelque mystérieuse raison, peut être liée à une évolution qui échappe à notre espace-temps, ces âmes jumelles avaient envie, ou besoin, de vivre quelques centaines de millions d’années en vous. Là, bien installées dans votre giron, elles ont traversé tous les états qui vont de l’être unicellulaire à l’être humain. Ce fut forcément une expérience extraordinaire. Forcément une expérience incroyable qui les a nourries, qui les a aidées à avancer plus loin sur leur chemin. Seulement voilà : pour des raisons que j’ignore toujours, et vous aussi semble-t-il, la suite de l’histoire, l’étape suivante, celle que nous appelons fièrement « vie humaine » n’était pas inscrite dans leur programme, ou peut-être ne les intéressait pas. Après avoir vécu un milliard d’années en vous, ces âmes sœurs ont tiré leur révérence. Elles s’en sont allées voir ailleurs, en quête d’aller savoir qu’elle étoile. Elles sont parties et vous et votre mari n’avez pas entendu qu’elles vous remerciaient du fond du cœur, qu’elles vous bénissaient secrètement. N’entendant rien, vous avez eu au contraire la sensation que toute cette aventure avait été absurde, inutile, qu’elle n’avait servi à rien. Et vous êtes tombés dans un grand désarroi, dont vous avez pu avoir l’impression que vous ne sortiriez jamais. Ce qui est tout à fait normal. Et pourtant, ma vieille expérience (voilà 35 ans que sont passés entre mes mains des milliers de bébés, souvent minuscules, pesant moins d’un kilo, à la croisée des chemins entre la vie et la mort), ma vieille expérience m’autorise à vous le dire avec une grande confiance : non, cette aventure n’était pas absurde, madame. Ce fut une grande histoire d’amour, qui a eu un sens très important, pour vous et pour vos deux enfants. Ce sens vous échappe. Il m’échappe aussi. Mais il existe. Nous devons faire confiance à la vie, même si elle nous dépasse infiniment. »
Patrice Van Eersel
Mettre au monde
Ed Albin Michel p333-335
Mettre au monde
Ed Albin Michel p333-335
La réponse de la dame est celle que nous pouvons faire aussi à cet homme :« Je vous remercie. »
17 commentaires:
" Nous devons faire confiance à la vie, même si elle nous dépasse infiniment. »
je ne retiendrai que ceci ...
ça résume tout ce qui permet de se détendre et de laisser sa place au MYSTERE ...
C'est une belle façon de dire...Que ce soit la vérité ou non, c'est un vrai apaisement.
pleurs, larmes de gratitudes,...
oh merci pour ce touchant témoignage et merci pour cette nouvelle piste de lecture que je vais m'empresser de commander.
La naissance, la mort, un mystère qui nous échappe et qui me fascine !
Merci Corinne et bonne journée à tous.
Une réflexion fascinante qui nous renvoie à des questions métaphysiques essentielles.
Enfanter comme toute création, c'est se laisser traverser par une énergie qui nous dépasse.
Merci Corinne pour ce très beau post, bonne journée à tous et à toi Martine en particulier.
Pour moi VIE = ... naissance, vie, mort ....
sinon quel sens cela aurait-il ?
L'âme serait donc une grande voyageuse, que fait-elle après le décès ; je note que les Sages nous disent bien peu sur le sujet.
Je vais reprendre la lecture des Thanatonautes,livre de "science fiction" qui décrit les schémas possibles des voyages de l'âme dans l'au-delà !
Il est beaucoup question de "Je suis" dans ce blog.
Je suis toujours surpris du fait que l'on dit " Je suis mort " et non : "je ne suis plus vivant."
MERCI pour ce post.
MERCI pour le blog qui, à chaque visite me remplit d'amour et de bonne humeur.
MERCI MERCI MERCI;
Pascale
Ce texte me fait penser à mon cher Douglas.
Superbe, profond, touchant.
Merci Corinne
iPapy en direct d'un Mac de la FNAC de Valence.
En tant que femme appelée à ne jamais mettre d'enfant au monde, ce texte magnifique me touche profondément. Il me fait approfondir encore la lancinante question qui m'habite : "Comment puis-je, à ma manière, enfanter ; enfanter dans l'amour et la joie ?"
Merci de ce beau témoignage.
Isabelle
Dis-moi Corinne.... ce livre fait-il partie de ta bibliothèque ? Pourrais-je le feuilleter la semaine prochaine ? Cet extrait m'a bouleversée.
Je viens de lire un passage de le védanta et l'inconscient où Arnaud parle justement de la naissance et de l'absence d'égo du foetus dans le ventre de la mère en dehors des moments où il bouge. Ce passage mis en parallèle avec ce magnifique extrait me laisse penseur.
Mais c'est pour mieux dépasser les apparentes contradictions.
Merci Corinne pour ce bel extrait, c'est un livre que j'aimerai (m')offrir.
Je me sens dépassé par les évènements en ce moment et ce message de confiance en la vie dont le sens me dépasse vient à point.
Merci Corinne.
Karl
Merci à toi, Corinne, chère tête chercheuse, coeur chercheur...chère soeur de tête et de coeur...
Et hop! re- à la Fnac!
Bisous*
Merci pour le texte de ce matin sur la naissance.
J'ai perdu des jumeaux 2 jours après leur naisaance il y a 46 ans,et j'ai reçu cette merveilleuse
réponse du médecin à cette dame inondée de larmes,mais très très apaisée.
Oui ,je vous remercie,lui,toi,Corinne.
Odile
Le tout petit enfant n'a pas d'ego. Il est comme une structure vide, en attente, prête à recevoir, créer voire même retrouver un ego.
merci de m'avoir fait découvrir cet extrait
cela me permet d'ouvrir mon ressenti
non pas une fin et un echec mais recevoir une âme et l'a laisse s'envoler
lâcher
pour une première sue le blog ingrid
Je me revois à l'hôpital Trousseau à Paris.
Je suis allé je ne sais plus pour quelle raison au service des enfants prématurés, j'ai été ébahi devant la force de vie de ces êtres parfois si petits, d'apparence si faible.
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