mardi 1 juillet 2008

Eckhart Tolle


J'ai souvent lu et relu ces trois premières pages de l'introduction du livre "le pouvoir du moment présent", et elles me font à chaque fois ressentir une grande tendresse pour l'être humain dans sa dimension essentielle, les voici... (Jean-Michel Carnoy)

"Le passé ne m'est pas d'une grande utilité et j'y pense rarement. Cependant, j'aimerais vous raconter rapidement comment j'en suis venu à devenir un guide spirituel et comment ce livre a vu le jour.

Jusqu'à l'âge de treize ans, j'ai vécu dans un état presque continuel d'anxiété ponctué de périodes de dépression suicidaire. Aujourd'hui, j'ai l'impression de parler d'une vie passée ou de la vie de quelqu'un d'autre. Une nuit, peu après mon vingt-neuvième anniversaire, je me réveillai aux petites heures avec une sensation de terreur absolue. Il m'était souvent arrivé de sortir du sommeil en ayant une telle sensation, mais cette fois-ci c'était plus intense que cela ne l'avait jamais été. Le silence nocturne, les contours estompés des meubles dans la pièce obscure, le bruit lointain d'un train, tout me semblait si étrange, si hostile et si totalement insignifiant que cela créa en moi un profond dégoût du monde. Mais ce qui me répugnait le plus dans tout cela, c'était ma propre existence. À quoi bon continuer à vivre avec un tel fardeau de misère ? Pourquoi poursuivre cette lutte ? En moi, je sentais qu'un profond désir d'annihilation, de ne plus exister, prenait largement le pas sur la pulsion instinctive de survivre. « Je ne peux plus vivre avec moi-même. » Cette pensée me revenait sans cesse à l'esprit.

Puis, soudain, je réalisai à quel point elle était bizarre. « Suis-je un ou deux ? Si je ne réussis pas à vivre avec moi-même, c'est qu'il doit y avoir deux moi : le "je" et le "moi" avec qui le "je" ne peut pas vivre. » « Peut-être qu'un seul des deux est réel, pensai-je. » Cette prise de conscience étrange me frappa tellement que mon esprit cessa de fonctionner. J'étais totalement conscient, mais il n'y avait plus aucune pensée dans ma tête. Puis, je me sentis aspiré par ce qui me sembla être un vortex d'énergie. Au début, le mouvement était lent, puis il s'accéléra. Une peur intense me saisit et mon corps se mit à trembler. J'entendis les mots « ne résiste à rien », comme s'ils étaient prononcés dans ma poitrine. Je me sentis aspiré par le vide. J'avais l'impression que ce vide était en moi plutôt qu'à l'extérieur. Soudain, toute peur s'évanouit et je me laissai tomber dans ce vide. Je n'ai aucun souvenir de ce qui se passa par la suite.

Puis les pépiements d'un oiseau devant la fenêtre me réveillèrent. Je n'avais jamais entendu un tel son auparavant. Derrière mes paupières encore closes, ce son prit la forme d'un précieux diamant. Oui, si un diamant pouvait émettre un son, c'est ce à quoi il ressemblerait. J'ouvris les yeux. Les premières lueurs de l'aube fusaient à travers les rideaux. Sans l'intermédiaire d'aucune pensée, je sentis, je sus, que la lumière est infiniment plus que ce que nous réalisons. Cette douce luminosité filtrée par les rideaux était l'amour lui-même. Les larmes me montèrent aux yeux. Je me levai et me mis à marcher dans la pièce. Je la reconnus et, pourtant, je sus que je ne l'avais jamais vraiment vue auparavant. Tout était frais et comme neuf, un peu comme si tout venait d'être mis au monde. Je ramassai quelques objets, un crayon, une bouteille vide, et m'émerveillai devant la beauté et la vitalité de tout ce qui se trouvait autour de moi.

Ce jour-là, je déambulai dans la ville, totalement fasciné par le miracle de la vie sur terre, comme si je venais de venir au monde. Pendant les cinq mois qui suivirent, je vécus sans interruption dans une grande béatitude et une paix profonde. Par après, cela diminua d'intensité ou telle fut mon impression peut-être parce que cet état-là m'était devenu naturel. Je pouvais encore fonctionner dans le monde même si je réalisais que rien de ce que je faisais n'aurait pu ajouter quoi que ce soit à ce que j'avais déjà. Bien entendu, je savais que quelque chose de profondément significatif m'était arrivé, sans toutefois comprendre de quoi il s'agissait.

Ce ne fut que plusieurs années plus tard, après avoir lu des textes sur la spiritualité et passé du temps avec des maîtres spirituels, que je compris qu'il m'était arrivé, à moi, tout ce que le monde cherchait. Je compris que l'intense oppression occasionnée par la souffrance cette nuit-là devait avoir forcé ma conscience à se désengager de son identification au moi malheureux et plein de peur profonde, qui en fin de compte n'était qu'une fiction. Ce désengagement avait dû être si total que ce faux moi souffrant s'effondra immédiatement, comme un ballon qui se dégonfle quand on enlève le bouchon.

Tout ce qui restait, c'était ma véritable nature, l'éternel je suis, la conscience dans son état vierge avant l'identification à la forme. Plus tard, j'appris également à retourner en moi, dans ce royaume intemporel et immortel que j'avais au début perçu comme un vide, tout en restant pleinement conscient. Je connus des états de béatitude et de grâce tels qu'il est difficile de les décrire et qu'ils éclipsent même la première expérience que je viens de décrire. Il fut un temps, pendant une certaine période, où il ne me resta plus rien sur le plan concret. Pas de relations, pas d'emploi, aucune identité sociale. Je passai presque deux ans assis sur les bancs de parcs dans un état de joie la plus intense qui soit. Mais même les plus belles expériences ont une fin. Il y a peut- être quelque chose de plus important que n'importe quelle expérience, et c'est la paix sous-jacente qui ne m'a jamais quitté depuis ce jour-là. Elle est parfois très puissante, presque palpable, et les autres peuvent la sentir aussi. À d'autres moments, elle est plus en arrière-plan, semblable à une mélodie de fond.

Plus tard, les gens sont venus me voir à l'occasion en me disant« Je veux arriver à la même chose que vous. Pouvez-vous m'y amener ou me montrer comment faire ? » Et je leur répondais : « Mais vous y êtes déjà. Vous ne pouvez pas le sentir parce que votre mental fait trop de bruit. » Cette réponse s'élabora et devint plus tard le livre que vous tenez entre les mains. En un rien de temps, je me retrouvai de nouveau avec une identité. J'étais devenu un enseignant spirituel.

Eckhart Tolle

Merci à notre ami Alain-René

9 commentaires:

akidbelle a dit…

Impressionant!
Ce qui me touche par dessus tout c'est la phrase:
"J'entendis les mots « ne résiste à rien », ..."
qui, à mon sens, s'adresse à une vie entiere, et pas uniquement à ce qui se passe à cet instant là.
(J'ai dit "à mon sens", mais y a-t-il encore "mon sens" à ne resister a rien? Ou au contraire, ce sens n'est-il pas la racine de l'identification? et reciproquement l'identification la cause et le moyen de ce sens?)
Merci
Jacques

Anonyme a dit…

Encore une source d'inspiration et un encouragement pour aller vers notre vraie nature.
Merci, merci.............
Eliane

Anonyme a dit…

Merci!!!!!!!!!!!!!
Pour ces moments de partage à Hauteville la semaine dernière...
Merci pour ces paroles de Maître Eckhart... Elles me touchent tellement!... Lors de mon premier séjour à Hauteville, je lisais "Mettre en pratique le pouvoir du moment présent"... Comme cela fait du bien de lire "choses-là" que je ne sais exprimer et qui pourtant sont à l'origine de ce que j'ose appeler un "saut quantique"!.....
Quel bonheur d'être encore là-bas tout en étant bien ici!......
Merci merci!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Anonyme a dit…

Shantal, ne pas confondre Maître Eckhart, le mystique Rhénan du 13ème siècle et Eckhart Tölle, notre contemporain. Je ne sais pourquoi en salle ramdas, Arnaud avait dit à propos du livre Le pouvoir du moment présent: "C'est bien vendu..." Moi j'ai aimé également.

Jean-marc

Anonyme a dit…

--> Je ne sais pourquoi en salle ramdas, Arnaud avait dit à propos du livre Le pouvoir du moment présent: "C'est bien vendu..."

Oui, en un sens "c'est bien vendu". L'important reste que ça résonne chez certains et les aide à se désolidariser un tout petit peu plus de leurs propres ombres...

J.

Catherine Bondy:Psycho-Praticienne et Peintre. a dit…

ce post avait déjà été offert par chronophonix le jeudi 26 juin et je l'avais copié/collé à ...., qui l'a transmis à ... et ça a fait le tour des bloggers les plus fidèles!
nous voici avec le même Eckhart Tolle , toujours aussi percutant dans ces propos , le relire n'est jamais inutile !
...peu importe qu'on l'appelle maître ou pas ( même si , bien sûr ce n'est pas la même personne ...),
l'important n'est -il pas que ses paroles résonnent tellement profondément en nous , qu'elles nous donnent envie de le suivre dans son expérience du chaudron Sacré de l'Instant Présent ?...

Anonyme a dit…

Cela me rappelle des paroles d'Arnaud à propos de l'impossibilité de créer du silence, on peut juste essayer d'arrêter le bruit mais le silence est déjà là, il est pré existant ....
Merci Alain René
Karl

lilou a dit…

quelle histoire...j'en suis bouche bée de ce partage d'Eckhart Tolle.

Anonyme a dit…

Merci Jean Marc de me donner l'occasion de revenir sur mon "lapsus calami" d'hier.Ma main a en effet tapé "Maître Eckart", alors que ma petite tête "voyait" Eckart Tölle... ce n'est qu'après avoir envoyé le commentaire qu'il y a eu "explication" entre les deux... les voilà donc "réconciliés"