Voici un texte d'Olivier Clerc écrivain et philosophe...
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Plongée dans une marmite à 50°, la grenouille donnerait immédiatement un coup de pattes salutaire et se retrouverait dehors.
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C’est exactement ce qui se produit dans la société où nous vivons. D’année en année, on observe une constante dégradation des valeurs, laquelle s’effectue cependant assez lentement pour que personne - ou presque - ne s’en offusque. Pourtant, comme la grenouille que l’on plonge brusquement dans de l’eau à 50°, il suffirait de prendre le Français moyen du début des années 80 et, par exemple, de lui faire regarder la TV d’aujourd’hui ou lire les journaux actuels pour observer de sa part une réaction certaine de stupéfaction et d’incrédulité. Il peinerait à croire que l’on puisse un jour écrire des articles aussi médiocres dans le fond et irrespectueux dans la forme que ceux que nous trouvons normal de lire aujourd’hui, ou que puissent passer à l’écran le genre d’émissions débiles qu’on nous propose quotidiennement. L’augmentation de la vulgarité et de la grossièreté, l’évanouissement des repères et de la moralité, la relativisation de l’éthique, se sont effectués de telle façon - au ralenti - que bien peu l’ont remarqué ou dénoncé.
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Chaque fois qu’un changement est trop faible, trop lent, il faut soit une conscience très aiguisée soit une bonne mémoire pour s’en rendre compte. Il semble que l’une et l’autre soient aujourd’hui chose rare.
Sans conscience, nous devenons moins qu’humains. Sans mémoire, nous pourrions passer chaque jour de la clarté à la nuit (et inversement) sans nous en rendre compte, car les changements d’intensité lumineuse sont trop lents pour être perçus par la pupille humaine. C’est la mémoire qui nous fait prendre conscience a posteriori de l’alternance du jour et de la nuit. Gavée par trop d’informations inutiles, la mémoire s’émousse. Abrutie par un excès de stimulations sensorielles, la conscience s’endort. Et notre civilisation s’enfonce ainsi dans l’obscurité spirituelle, avec le délitement social, la dégradation environnementale, la dérive faustienne de la génétique et des biotechnologies, et l’abrutissement de masse - entre autres symptômes - par lesquels elle se traduit.
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L’entraînement et le développement de la conscience sont l’un des points communs de toutes les pratiques spirituelles : conscience de soi, conscience du corps, conscience du langage, conscience de ses pensées, conscience de ses émotions, conscience d’autrui, etc. Au-delà de tout dogme, de toute doctrine, de toute idéologie, l’élargissement et l’accroissement de la conscience devraient donc êtres considérés - bien plus que le développement des seules facultés intellectuelles - comme un comportement fondateur de notre statut d’humain et comme un moteur indispensable à notre évolution.
Olivier Clerc
8 commentaires:
Bien dit! Bien vu!
PS.
Pauvre grenouille quand-même...
Ah super... depuis le temps que j'en parle alors que je ne l'avais pas encore lu !
Oui,
et c'est dit sans brutalité.Je souhaite pour ma part exprimer ces notions avec humour.
Amour de la Conscience.
Merçi Shanga
En parlant de température, si elle pouvait remonter, même brusquement, cela ne me dérangerait pas. Il fait un peu frisquet, non?
Merci
Merci Corinne pour ce texte encourageant !
Karl
Merci Corinne pour ce texte- rappel: j'entends là que la vigilance/conscience à chaque instant n'est pas une urgence seulement pour nous individuellement mais pour la santé de tous et de la planète. Se relier à cela, c'est notre seule force.
Bonjour Corinne.
Je trouve que ce texte particulierement pervert, un sommet du genre.
Marci pour l'exercice de lecture.
Amities
Jacques
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